Le gouvernement flamand s’est mis d’accord. Les chômeurs de longue durée seront tenus d’effectuer du travail d’intérêt général pour maintenir leurs allocations. Une décision très marquée à droite idéologiquement, mais qui est beaucoup moins libérale qu’on ne le pense.
83 euros par mois
Voilà l’idée résumée par la VRT. Le service communautaire se ferait dans la ville ou le village du chômeur. Parmi les missions : aider dans les centres de vaccination, au service environnement, ou dans les écoles. Le travail est de 64 heures par mois, soit environ deux jours par semaine, le chômeur perçoit 1,30 euro de l’heure soit une rémunération d’environ 83 euros par mois. En cas de refus, l’allocation est perdue. Attention dans certains cas l’agence flamande pour l’emploi VDAB peut autoriser des exceptions à la règle. 70.000 personnes seraient concernées.
Isolement social
Comment le gouvernement flamand justifie-t-il sa position ? Hilde Crevits, ministre de l’emploi, CD&V évoque la nécessité de sortir les chômeurs de leur isolement social et de les confronter au marché du travail.
Mais une telle idée prend sa source d’abord dans une réalité économique. La Flandre a l’un des taux de chômage les plus bas d’Europe, beaucoup d’entreprises sont en pénurie de main-d’œuvre, y compris non qualifiée, il y a donc une pression économique pour activer les chômeurs et éviter des pressions trop fortes sur les salaires.
L’autre raison est politique. Le gouvernement flamand est marqué à droite avec le CD&V, le VLD et la N-VA. Le travail d’intérêt général pour les chômeurs est un marqueur très puissant à droite.
Enfin la troisième raison est idéologique, c’est une application d’une idéologie libérale méritocratique. Chacun mérite son sort, chaque individu est maître de son destin social. Le chômeur, surtout le chômeur de longue durée, est perçu comme le responsable de sa situation, et comme vivant au crochet de la société, alors que le travail est perçu comme un vecteur d’émancipation.
A l’inverse dans les partis de gauche, le chômeur est plutôt perçu comme victime de la société, quelqu’un qui a été privé d’emploi et qu’il faut protéger d’un marché du travail soumis à une logique de domination capitaliste.
Travail forcé ?
Certains critiques pointent le risque de travail forcé. Est-ce qu’on peut aller jusque-là ? La question mérite d’être posée. Si cette mesure est attaquée en justice, il n’est pas certain qu’elle résiste. Le gouvernement Michel avait tenté une mesure de travail communautaire volontaire pour les bénéficiaires du revenu d’intégration dans les CPAS, mais la Cour constitutionnelle avait recalé la mesure parce que le caractère “volontaire” était absent, et que le service communautaire avait tout du travail rémunéré sans l’être.
Le projet flamand est assez différent, le travail d’intérêt général n’est pas volontaire. Ce qui est discuté c’est donc le caractère contraint du travail. Est-on encore dans le cadre de l’article 15 de la charte européenne des droits de l’homme : Toute personne a le droit de travailler et d’exercer une profession librement choisie ou acceptée ? Question ouverte.
L’autre question ouverte c’est le niveau très faible de rémunération, 1.30 euros de l’heure on est bien en deçà du salaire minimum. N’y a-t-il pas là une forme d’exploitation d’une situation de faiblesse par l’employeur (ici la région) qui pourrait être attaquée devant les tribunaux ?
Ou alors il faut considérer l’allocation que le chômeur va garder comme faisant partie du salaire. C’est la logique derrière la mesure, l’allocataire doit "mériter" son allocation. C’est ici que ça devient très intéressant cette affaire. Si on considère que le chômeur est un travailleur qui doit prester pour obtenir son allocation (qui est en fait un salaire), alors on considère que l’Etat devient l’employeur résiduel de tous les travailleurs. Car lorsque le travailleur perd son emploi et n’en retrouve pas il se retrouve automatiquement mis au travail par l’Etat. Or cette idée-là est plutôt d’inspiration étatiste que libérale. Comme quoi des fois, l’idéologie peut amener des contradictions surprenantes.