Le codirecteur du théâtre bruxellois Le Public, Michel Kacenelenbogen, attaque la ministre de la Culture, Bénédicte Linard (Écolo), en justice, pour des aides non versées pendant les périodes de restriction, en 2020 et en 2021, à cause de l’épidémie de Covid. Il réclame la somme de 380.000 euros, explique-t-il, interrogé sur La Première, "parce qu’il y a un moment donné, quand on n’est pas entendu, quand on tente d’expliquer les choses et que rien ne bouge, dans une démocratie, dans un État de droit, on n’a plus que cette solution-là. J’aurais bien préféré que les choses se passent autrement, mais c’est la troisième fois en deux ans que dans les décisions qui sont prises par la ministre de la Culture, le théâtre Le Public est discriminé. Je voudrais dire tout de suite que je ne trouve pas que qui que ce soit ait reçu trop, je dis simplement que le théâtre Le Public n’a pas été considéré de manière objective par rapport à l’impact de la crise sanitaire".
Ce théâtre a reçu "reçu près d’un million d’euros" de la Fédération Wallonie-Bruxelles, poursuit-il. Très peu de théâtres ont reçu une telle somme, "mais il y a très peu de théâtres qui ont perdu deux millions et demi de recettes billetterie. Il y a très peu de théâtres qui ont dû mettre au chômage plus de 200 personnes parce qu’il y a eu une crise sanitaire. Il y a très peu de théâtres qui ont près de 13.000 abonnés qui ont fait confiance à ce théâtre et qui aujourd’hui sont discriminés. Le théâtre Le Public, sans remettre en cause aucune autre logique que la nôtre, a des spécificités, et ces spécificités n’ont pas été prises en compte".
Pour mieux comprendre l’objet de sa plainte, il utilise une comparaison : "On a eu de terribles inondations dans le sud dernièrement. Il y a des gens qui ont perdu une maison où il y avait une chambre à coucher qui a été inondée. Et il y a par exemple des homes mal placés à côté d’une rivière qui ont dû fermer totalement et qui avaient 30 chambres. Si les compagnies d’assurances aident de la même manière l’établissement qui a perdu 30 chambres et quelqu’un qui a perdu une chambre, forcément, même s’il reçoit plus en absolu, si le montant est pratiquement identique, il est complètement défavorisé. Ce n’est pas intégré la réalité. Et la raison pour laquelle nous attaquons la ministre de la Culture en justice, c’est parce que les aides pour le Covid n’ont pas été distribuées de manière proportionnelle à l’impact. Il y a donc un théâtre comme le nôtre, mais nous ne sommes pas le seul, pratiquement tous ceux qui faisaient beaucoup de recettes avant ont été discriminés. Nous, nous le disons en justice, mais ce que nous faisons là est partagé par un très grand nombre. Seulement, c’est très dangereux d’attaquer le ministre qui vous subventionne en justice parce que cela des conséquences".
La ministre de la Culture, Bénédicte Linard, estime ces accusations "graves et infondées", et que les aides sont encadrées par des procédures claires, transparentes et validées par l’ensemble du gouvernement. Cependant, Michel Kacenelenbogen "trouve que madame la ministre a une faculté incroyable à énoncer des contrevérités avec un grand sourire. Mais ce sont des contrevérités. Je ne sais pas si elle sait que ce sont des contrevérités ou pas, mais nous sommes plusieurs à pouvoir démontrer que non, les règles ne sont pas claires, et à plein d’endroits, il n’y a pas que dans ce dossier ou moi j’attaque en justice que les règles ne sont pas claires. Il y a beaucoup d’endroits où les règles ne sont absolument pas claires et où la transparence n’existe pas. Je vous donne un exemple. Ces aides ont été distribuées en juillet 2021. On a mis plus de neuf mois à obtenir la liste des structures qui avaient reçu de l’argent et savoir combien. Et les réponses qu’on nous donnait quand on demandait cette liste… pas moi, mais plusieurs fédérations voulaient savoir et c’est légal de savoir qui reçoit combien, c’est de l’argent public. On nous disait que juridiquement, on ne pouvait pas obtenir cette liste. Mais il s’avère que nous avons demandé légalement cette liste et on l’a obtenue. Vous trouvez ça normal qu’il faille neuf mois pour obtenir une information transparente ? Ça, c’est la réalité. Et madame la ministre va vous dire qu’elle fait tout dans la transparence, mais cette transparence n’existe pas".
Michel Kacenelenbogen estime que "si la culture a été considérée comme non essentielle pendant toute cette période, il y a quand même une responsabilité politique à ça, n’est-ce pas ? Il a fallu que le secteur se batte terriblement pour se faire entendre."