Matin Première

Le télégramme Zimmermann : la gaffe de l’Allemagne qui a précipité l’entrée en guerre des États-Unis

L'oeil de...

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Il y a 106 ans, le 16 janvier 1917, était expédié depuis Berlin le fameux télégramme Zimmermann, peut-être la plus grosse gaffe diplomatique de l’Histoire. C’est ce document qui est à l’origine de l’entrée en guerre des États-Unis dans le camp des Alliés. Cette aide américaine jouera un rôle déterminant dans la défaite de l’Allemagne l’année suivante, le 11 novembre 1918.

Comment l’Allemagne a-t-elle précipité sa propre chute lors de la Grande Guerre ? Il faut tout d’abord bien saisir le contexte de leur apparente neutralité. Début 1917, la guerre semble interminable avec ces tranchées qui paraissent imprenables d’un côté comme de l’autre. Bref, comme le dit un livre célèbre devenu un film : À l’ouest, rien de nouveau.

A priori, les Américains n’ont nulle envie de se mêler à cette effroyable boucherie. Le président américain Woodrow Wilson est d’ailleurs réélu en novembre 1916 sous le slogan "il nous a tenus à l’écart de la guerre".

C’est le sentiment dominant dans l’opinion américaine début 1917 : certes, on a une sympathie pour la cause des Alliés, pays démocratiques comme les États-Unis, et qui ont été attaqués par l’Empire allemand, mais on n’a aucune envie d’envoyer les boys de l’autre côté de l’Atlantique mourir dans les tranchées. D’ailleurs le président américain se rêve en faiseur de paix : en ce mois de janvier 1917, lors de son discours d’investiture au Congrès, il appelle à une paix sans victoire. Car la victoire supposerait l’humiliation du vaincu et ne saurait durer. Mais cet appel du président Wilson a peu de chance d’être entendu, les Allemands préparent une nouvelle stratégie : reprendre, dès le 1er février, la guerre sous-marine à outrance.

Torpiller tous les convois de ravitaillement vers l’Angleterre

Un U-boat 35 allemand dirigé par le lieutenant Lothar von Arnauld de la Periere coule un cargo britannique transportant du fer de Tunis en 1917.

L’Allemagne se risque à déranger les États-Unis en ce mois de janvier 1917 parce que le pays est soumis à un blocus maritime imposé par la Royal Navy. Alors, la Kriegsmarine allemande imagine de rendre la pareille aux Anglais : les sous-marins vont les isoler sur leur île, les priver de ravitaillement en torpillant tout navire qui voudrait se rendre en Grande-Bretagne. Selon les généraux allemands, en trois ou quatre mois, l’Angleterre sera à genoux et demandera grâce.

En clair, osent-ils dire à l’empereur, la guerre sous-marine est le plus sûr moyen d’épargner la vie des soldats allemands. Cet argument emporte la décision et on demande à l’ambassadeur allemand à Washington de l’expliquer au gouvernement des États-Unis : tout navire, y compris neutre et donc américain, qui se trouvera à proximité de la France ou de la Grande-Bretagne sera coulé sans autre forme de procès.

C’est dit sans ironie : le gouvernement allemand est convaincu que cela permettrait de restaurer cette paix qui tient tellement à cœur le gouvernement des États-Unis. Il fallait oser. C’est le premier temps de la gaffe diplomatique allemande. Cette attitude outrageuse irrite les États-Unis. Le président américain annonce à contrecœur, la rupture des relations diplomatiques avec l’Allemagne.

Un télégramme compromettant intercepté par les Britanniques

Le télégramme tel que déchiffré par le contre-espionnage britannique.

L’impertinence des diplomates allemands n’entraîne toutefois pas encore le géant américain dans la Première Guerre mondiale.

L’élément déterminant sera, le 16 janvier, ce fameux télégramme Zimmermann, du nom du ministre allemand des Affaires étrangères. Ce dernier fait parvenir par câble diplomatique ni plus ni moins une alliance militaire avec le Mexique, par l’intermédiaire de l’ambassadeur Heinrich von Eckardt. Il est écrit ceci : "Nous ferons la guerre ensemble et la paix ensemble. Avec notre appui financier, le Mexique aura à reconquérir le Texas, l’Arizona et le Nouveau Mexique". Il propose en outre au Mexique de contacter le Japon pour renforcer cette alliance.

Pas de chance pour les Allemands, ce télégramme très compromettant est capté par le contre-espionnage britannique… qui le fait évidemment parvenir aux Américains. Face à un tel culot, le président accepte de le faire parvenir à la presse. Un sentiment de colère se répand dans l’opinion publique. Voilà le deuxième temps de la gaffe diplomatique allemande.

L’union nationale en faveur de la guerre s’empare des États-Unis

Arthur Zimmermann a été ministre des Affaires étrangères allemand entre 1916 et 1917.

En Amérique, il y a pas mal de citoyens originaires d’Allemagne et ce lobby pro-allemand réussit à installer le doute. La demande du ministre Zimmermann est tellement osée qu’on se pose la question : et si c’était un faux fabriqué par les Franco-Britanniques pour pousser l’Amérique à entrer en guerre à leurs côtés ?

Arthur Zimmermann lui-même prolonge alors la gaffe allemande. Voici son troisième temps : la presse interroge le ministre allemand des Affaires étrangères : "ce document est-il authentique ?" "Oui", répond-il. Mais attention, cette alliance proposée au Mexique ne vaudrait que si l’Amérique entrait en guerre.

Il dit bien la vérité à la presse mais autant dire que cette fois, plus de doute, le tollé est général. En quelques semaines, la diplomatie allemande a réussi l’exploit de dresser contre l’Allemagne un pays qui était dominé par le neutralisme. Et le 4 avril 1917, le président Wilson déclare la guerre à l’Allemagne. Ce qui déclenche un tonnerre d’applaudissements au Congrès. Woodrow Wilson quitte la salle et pleure comme un enfant. Lui qui ne voulait pas faire la guerre y a été littéralement contraint et forcé par l’Allemagne.

La tactique des sous-marins ne fonctionne pas non plus

Comme si cela ne suffisait pas, cet impair diplomatique a aussi été un échec stratégique puisque l’Allemagne n’a pas gagné la guerre grâce à ses sous-marins.

L’Empire allemand s’est juste distingué par son absence totale de scrupules puisque les commandants de sous-marins ont pour ordre d’éviter les navires de guerre et de couler exclusivement les bâtiments civils… même s’ils brandissent le pavillon de la Croix Rouge. Mais les Alliés réagissent par la tactique des convois, escortés par croiseurs et cuirassés et finalement les sous-marins allemands ne feront pas le poids.

L’Allemagne voulait affamer la Grande-Bretagne, c’est raté. Elle négligeait complètement le poids militaire américain, nouvelle erreur : en 1918 les Américains participeront activement à l’offensive finale des Alliés qui viendra à bout de l’Allemagne.
À l’origine de tout cela, il y a donc le télégramme Zimmermann du 16 janvier 1917. Voilà pourquoi on peut le qualifier de la plus grande gaffe diplomatique de l’Histoire…

Recevez chaque vendredi l'essentiel de Matin Première

Recevez chaque semaine une sélection des actualités de la semaine de Matin Première. Interviews, chroniques, reportages, récits pour savoir ce qui se passe en Belgique, près de chez vous et dans le monde.

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous