"T’es relou, t’as tes règles ? " Voilà, l’une des phrases les plus agaçantes qu’une personne en plein SPM peut avoir à entendre. Le SPM, syndrome prémenstruel, ça n’a rien de drôle. A l’arrivée de ses règles, presque chaque femme, soit, près d’une personne sur deux dans le monde souffre de symptômes variables, plus ou moins fort. En silence. Pourquoi ce tabou, quels sont les maux, comment les soulager ? On vous explique tout.
"Le truc le plus horrible pour moi, c’est au niveau psychologique. Il n’y a rien qui va, j’ai envie de chialer pour rien, je déteste mon corps." Meredith, 27 ans, comme beaucoup d’autres femmes, souffre d’un syndrome prémenstruel.
Le syndrome prémenstruel (SPM) survient quelques jours avant le début des règles et s’achève au début de celle-ci. C’est une combinaison de symptômes physiques (douleurs, problèmes cutanés, gonflements des seins, fatigue, migraines…) et neuropsychiques (troubles comportementaux, cognitifs, de l’humeur…). Il existe plus de 150 symptômes différents qui peuvent varier d’un cycle à l’autre. Le syndrome prémenstruel est dû à un déséquilibre entre les œstrogènes et la progestérone. Entre 80 et 90% des femmes en âge de procréer présenteraient un SPM. L’incidence du TDPM, le trouble dysphorique prémenstruel se situerait lui, autour de 3 à 8% des femmes. C’est une sorte de SPM +++, accompagné de troubles de l’humeur, troubles anxieux, troubles somatoformes, etc.
Ça ne fait pas longtemps que j’associe cet état à la période avant mes règles. J’ai longtemps mélangé les SPM et les règles mais j’ai toujours eu hyper mal.
"Toutes les femmes souffrent plus ou moins de symptômes prémenstruels. En médecine, un syndrome est un ensemble de symptômes. En consultation les femmes décrivent différents symptômes comme des troubles du comportement, un énervement, un manque d’intérêt", explique le gynécologue Claude Jacquet.
Le SPM, on n’en parle pas
"Ça ne fait pas longtemps que j’associe cet état à la période avant mes règles. J’ai longtemps mélangé les SPM et les règles mais j’ai toujours eu hyper mal", confie Meredith.
Beaucoup de femmes souffrent sans faire le lien entre ces symptômes et leur cycle. Ces douleurs physiques ou psychiques qui reviennent tous les mois sont supportées dans la honte, la gêne, le silence. Le tabou des règles (qui doucement est remis en cause) entraîne une méconnaissance du sujet. La société patriarcale qui est encore la nôtre laisse-t-elle la place aux femmes pour mettre des mots sur leurs maux ?
Katharina Dorothea Kuipers Dalton, médecin, née en 1916 a largement fait avancer la recherche sur le syndrome. Pendant sa première grossesse, elle remarque que les migraines dont elle souffrait normalement tous les mois avant ses règles disparaissent À partir du début des années 1950, elle établit pour la première fois un lien entre les fluctuations du cycle menstruel et les changements de comportement. Elle publie ses théories et invente le terme du syndrome prémenstruel (SPM), qu’elle définit comme une maladie hormonale survenant dans les 14 jours après l’ovulation. Cette médecin contribue au développement de l’utilisation de tableaux menstruels pour le diagnostic du trouble et soutient la thèse que le taux de tentatives de suicide, d’abus d’alcool et de crimes violents chez les femmes est plus important pendant la période du SPM. Ses recherches s’opposent à l’opinion d’alors qui prône que ces symptômes seraient un pur produit de l’imagination.
Le SPM n’a rien d’un mythe, c’est un phénomène complexe dû essentiellement à des facteurs neurochimiques et endocriniens. En parler, reconnaître les symptômes, c’est déjà un véritable soulagement. "Parmi les patientes, le SPM est une plainte fréquente, elles décrivent des symptômes récurrents. On a banalisé les symptômes au lieu de les prendre en compte sérieusement. Il y a un manque d’informations. De plus en plus de femmes reviennent au cycle spontané ce qui remet le syndrome en avant. Certaines femmes souffrent toute leur vie et se métamorphosent après la ménopause ", ajoute Siham Zaitouni, gynécologue obstétricienne.
Le compte Instagram spmtamère continue le combat de Katharina Dorothea Kuipers Dalton pour la reconnaissance du syndrome. Leslye Granaud y publie des témoignages de femmes et de jeunes filles en souffrance. Les internautes se sentent moins seules. Le compte brise les silences et ça fait du bien.
"Ça devrait être normal de pouvoir parler de ça au boulot, à ses collègues, ça aiderait à avoir plus de gens bienveillants autour de soi pendant cette période de fragilité", commente Meredith.
Aménager son quotidien et se faire du bien
Meredith apprend à se connaître elle-même : "J’ai arrêté la pilule, je réagissais mal aux hormones, le cycle spontané me permet de me reconnecter à mon corps, j’apprends à m’écouter, à respecter la fatigue, quand on a un SPM agressif, il faut s’y préparer." Chloé De Bon est en train de réaliser un documentaire sur le processus de guérison de femmes victimes de violences vécues dans le médical notamment en matière de contraception, elle explique : "Quand tu réalises à quel point ton cycle a un impact, tout prend plus de sens. Les personnes qui ont un SPM sans contraceptif peuvent analyser leur cycle et en s’initiant un peu à la symptothermie, elles peuvent mieux comprendre leur corps. Le fait de mettre un nom sur les maux, savoir que c’est normal, je trouve que ça fait relativiser. Ça aide à gérer."
En 1978, dans son ouvrage le plus célèbre intitulé Once a Month : The Original Premenstrual Syndrome Handbook, Dalton conseille aux femmes de planifier leur vie autour de ce rituel mensuel. C’est ce que fait Meredith en mode 2.0. "J’utilise une appli où j’écris ce que je sens", témoigne-t-elle.
Au niveau de l’alimentation, on peut donner un petit coup de pouce à notre organisme. "Il faut vérifier à partir d’une prise de sang le taux de magnésium, de vitamine B et de zinc. S’il y a des carences, on prévoit un programme nutritionnel adapté", nous explique la nutritionniste Marie de Grey de My Okinawa.
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Pour être encore plus efficace, cette alimentation riche en vitamine B et en magnésium doit être accompagnée d’une activité physique régulière. Niveau remède de grands-mères, l’onagre, l’huile de gattilier et les tisanes de sauge sont conseillées. Soulager le syndrome prémenstruel passe aussi par une diminution du stress. Il faut essayer de se ménager et surtout ne pas prévoir de grosses deadlines ou de grandes prises décisions à ce moment-là.
Pour les patientes atteintes d’une forme lourde de SPM et qui ne le supportent pas, il faut parfois recourir à une solution médicamenteuse. "Il faut cibler les symptômes. Un traitement facile serait de les mettre sous une pilule, de leur donner une bonne imprégnation hormonale en continu. La cyclicité hormonale est gommée par une imprégnation hormonale constante. Une autre approche est de donner un médicament de type neurologique donc un antidépresseur en phase prémenstruel, ce n’est pas le meilleur choix mais parfois il faut y passer. Il y a aussi la possibilité de prescrire de la pyridoxine qui est une vitamine. Contre les gonflements, on peut envisager un petit diurétique", explique le docteur Jacquet.
Bien sûr, au niveau individuel, le premier geste à faire en cas de symptômes est de consulter un.e gynéco. Et puis, au niveau collectif, il faut continuer (commencer ?) à en parler et prendre en compte les douleurs et le mal-être de celles qui souffrent ce syndrome. Une chose est sûre, les "T’es relou, t’as tes règles ? ", on oublie.
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