Le successeur du Canadair sera-t-il belge ? C’est le projet fou de trois amis ingénieurs

Gaëtan Du Four, Jean-François Gailly et Frédéric Dumortier, les trois pères du Seagle

© Eric Boever

Comme chaque été, des incendies de forêt vont certainement éclater ces prochaines semaines. Et quand on parle de feux de forêt, on pense inévitablement aux Canadair. Ces bombardiers d’eau ont combattu d’innombrables brasiers aux quatre coins de la planète mais ils sont de moins en moins nombreux et on n’en construit plus depuis 2015. Sur 250 exemplaires, il n’en reste que 170 actifs. Trois ingénieurs belges ont donc pensé à lui trouver un remplaçant, le Seagle, un appareil moderne qui corrigerait les défauts du Canadair mais qui n’existe encore qu’à l’état de plans et de maquette.

Les trois concepteurs du Seagle doivent encore lui trouver un financement et des acheteurs mais ils y croient dur comme fer.

Le Canadair a longtemps fait le job mais il est un peu dépassé

Ils se sont connus sur les bancs de l’université, Gaëtan, Frédéric et Jean-François sont tous les trois ingénieurs et ils ont un projet qui ne manque pas d’air : créer le successeur du vénérable Canadair. Le projet n’a rien de farfelu, les trois compagnons planchent dessus depuis 4 ans et ils y consacrent tout leur temps dans leur bureau bruxellois. Pour Gaëtan Du Four, CEO Roadfour, la société qu’ils ont créée, le timing est idéal : "c’est le bon moment. A cause du changement climatique, l’Europe et le monde entier vont connaître des feux de forêts qui seront de plus en plus fréquents et violents, on le voit déjà avec les big fire en Australie, au Canada ou en Californie. Or, les appareils actuels, les fameux Canadair, sont anciens, leur conception date de 1960 et s’ils ont fait le job pendant des décennies, il est temps de les renouveler, leur constructeur Viking n’en fabrique d’ailleurs plus depuis 2015. Il faut donc un nouvel appareil conçu avec des technologies modernes et fabriqué avec des matériaux de dernière génération. Comme ça ne semble pas être une priorité des grands groupes aéronautiques, nous nous sommes lancés dans l’aventure et nous avons imaginé le Seagle."

L’aigle des mers sera plus performant que le Canadair

Ne cherchez pas dans votre dictionnaire anglais-français, Seagle n’existe pas, il s’agit d’une contraction de see et eagle, le projet belge est donc un aigle des mers et il a l’ambition de remplacer le Canadair en l’améliorant dans différents domaines.

Jean-François Gailly est le directeur technique du projet : "Le Seagle présentera divers avantages, il sera équipé de foils, ces espèces d’ailes fixées sous la coque des voiliers et qui leur permettent de survoler les flots, cela évitera les contacts violents de la carlingue sur la surface de l’eau au moment du ravitaillement. Dans le même ordre d’idée, le train d’atterrissage sera rétractable, ce qui limitera la corrosion par le sel marin dont souffraient les Canadair. Les moteurs seront plus puissants, passant de 2500 à 5000 cv, ce qui permettra d’emporter 12.500 litres d’eau par voyage, le double des avions pompiers actuels. Le cockpit est aussi entièrement revu, il sera équipé des dernières technologies et il sera panoramique comme celui des avions de chasse. Bref, un avion révolutionnaire par rapport au bombardier d’eau actuel, tant en capacité qu’en confort pour les pilotes."

Quantité d'eau embarquée par le Seagle, 12.500 litres, le double du Canadair
Quantité d'eau embarquée par le Seagle, 12.500 litres, le double du Canadair © Roadfour

Un appareil européen à 50 millions avec un moteur américain

Les trois ingénieurs ont aussi planché sur le volet financier du projet, un plan qui allie différentes sources de financement, privé et public avec l’espoir d’un coup de pouce européen. "L’appareil coûterait 50 millions d’euros l’exemplaire", explique Frederic Dumortier, ingénieur aéronautique et vice-président de Roadfour.

Et d'ajouter, "l’objectif est de produire cinq Seagle par an pendant vingt ans, ce qui fait un total d’une centaine d’avions. On commencerait par le marché européen avant de fournir le monde entier. Les avions seraient financés par les commandes des pays acheteurs mais aussi par des fonds privés et publics pour le volet recherche."

Car si le projet est déjà bien avancé mais il faut un budget conséquent pour mener les recherches jusqu’à leur fin. C’est là que les concepteurs ont besoin d’un soutien financier.

Ils ont déjà reçu l’appui du fédéral et des régions mais ils comptent aussi beaucoup sur l’Union européenne, notamment sur son programme RescEU qui prévoit de financer à hauteur de 90% la construction d’une douzaine d’appareils qui seraient confiés à des États membres, à condition qu’ils puissent être mobilisables ailleurs en cas d’urgence, notamment dans le pourtour méditerranéen.

Le Seagle sera-t-il construit en Belgique ? Pas sûr du tout…

"C’est un marché de niche", explique Gaëtan Du Four, "nous n’allons pas construire l’appareil nous-mêmes, nous sommes plutôt comme des chefs d’orchestre qui tentent de rassembler un ensemble de partenaires industriels qui seront capables de fabriquer le Seagle". La plupart sont européens, voire belges comme la Sabca ou Cenearo, le Centre de recherche en aéronautique basé à Gosselies, seul le moteur Pratt & Witney est américain.

Le Seagle serait-il produit en Belgique, patrie de ses concepteurs ? Frédéric Dumortier fait la grimace "une partie de l’appareil serait sans doute produite en Belgique mais il est fort probable qu’il soit fabriqué en priorité dans les pays intéressés par son achat." Or, notre pays n’a aucune raison d’en acheter un, les Fagnes ou la Campine connaissent régulièrement des incendies de broussailles mais sans nécessiter un tel équipement.

Pour l’heure, plusieurs pays du sud de l’Europe et régions méditerranéennes se sont déjà montrés intéressés par le Seagle. Ses concepteurs multiplient les démarches et les présentations comme ils l’ont déjà fait en Espagne, en Croatie, en France ou en Grèce. Mais on l’a compris, l’espoir est d’abord de convaincre l’Union européenne d’acheter les premiers exemplaires, histoire de faire décoller définitivement le projet.

Seagle : et si le successeur des Canadair était.. belge

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