Psychologie

Le "stress numérique", un risque à ne pas négliger au travail

Le "stress numérique", un risque à ne pas négliger au travail.

© Reza Estakhrian

Par RTBF avec AFP

Les outils numériques prennent de plus en plus de place au travail et en sont un facilitateur. Mais ils portent aussi le risque d'un "stress numérique" alors qu'une étude récente indique que 31% des salariés sont exposés à une hyper-connexion.

"Les mails, les outils de télé-réunion, les messageries internes, l'accès à internet (...). Tous ces outils ont bouleversé notre vie", a rappelé cette semaine William Dab, épidémiologiste et ex-Directeur général de la santé lors d'une conférence intitulée "Le stress numérique, un risque émergent"."Se pourrait-il que ces outils, ou plus  exactement les usages de ces outils, soient en train de se retourner contre nous ?"

De la surconnexion à la surcharge mentale

De la surconnexion à la surcharge mentale.
De la surconnexion à la surcharge mentale. © Olivier DOULIERY

"Ce que je trouve compliqué depuis relativement récemment, post-Covid et confinements, c'est la multiplication des canaux, qui fait qu'on ne sait plus d'où ça vient", entre les mails, messages par Teams, WhatsApp, Zoom, les SMS..., témoigne Adrien Debré, avocat dans un cabinet d'affaires. "Cela rend la gestion des flux pénible. C'est comme des poupées russes qu'il serait nécessaire d'ouvrir", dit-il.

Avec le télétravail et des organisations "de plus en plus éclatées physiquement", "on est toute la journée derrière nos écrans", rapporte aussi Jérôme, cadre dans le secteur bancaire. Même au bureau, les réunions en visio s'enchainent "à un train d'enfer". "Cela fatigue", dit-il.

"On parle de 'stress numérique' quand la quantité d'informations disponibles que nous devons traiter dépasse nos capacités."

Le sujet est décrit sous différentes appellations : "infobésité", "pénibilité numérique" ou "technostress".

Aux yeux de l'épidémiologiste, "le phénomène central est celui de 'surconnexion', qui peut entraîner "une surcharge mentale". Il pointe "un cercle vicieux avec une sorte de pression continue qui nous fait zapper d'une source d'information à l'autre" et le sentiment, à un moment, de "perdre le contrôle". Une situation de stress "dont la forme extrême est le burn-out".

Une nouvelle forme d'addiction

Une nouvelle forme d'addiction.
Une nouvelle forme d'addiction. © AFP

"Comme médecin, j'analyse cela comme une nouvelle forme d'addiction" dont on connait encore peu les conséquences même si celles du stress sont "très bien connues", dit William Dab. "Et ces conséquences ne sont pas que mentales", celles-ci sont associées à une "augmentation des risques cardio-vasculaires, des risques métaboliques" ainsi qu'à des effets "immunitaires".

Le stress diminue en outre les performances et les outils numériques, "s'ils ont ouvert la porte au travail à distance, nous mettent aussi en situation d'isolement". "En somme, ces outils qui nous rendent tellement service peuvent également altérer la santé et la qualité de vie au travail", dit-il.

Pour illustrer les "quelques données" sur le sujet, M. Dab cite une étude publiée mi-mai. Menée par l'Observatoire de l'Infobésité et de la Collaboration Numérique, elle a été réalisée notamment via l'analyse d'emails de près de 9000 personnes en continu pendant deux ans.

Comment éviter le "seuil de toxicité" ?

Comment éviter le "seuil de toxicité" ?
Comment éviter le "seuil de toxicité" ? © Joos Mind

Sans prétendre avoir une valeur statistique au vu du faible échantillon d'entreprises (10), elle montre que 31% des salariés sont exposés à l'hyper-connexion en envoyant des emails après 20h plus de 50 soirs par an (117 soirs pour des dirigeants). En outre, plus de 50% des emails ont une réponse en moins d'une heure et ces messages sont générateurs de "beaucoup de bruit numérique" avec 25% dus au "répondre à tous".

L'étude a aussi mesuré les créneaux de "pleine concentration" (une heure sans envois d'emails). Pour les dirigeants, leur part hebdomadaire n'est que de 11% (24% pour les managers et 42% pour les collaborateurs). Pour l'épidémiologiste, cela signifie "une perte de sens, d'efficacité et de profondeur d'analyse". "On est peut être en train d'atteindre un seuil de toxicité."

Mais "nous pouvons agir", assure l'épidémiologiste : en restreignant les informations à "ce qui est réellement essentiel", en gardant "des plages où l'écran est fermé" ou encore par des activités physiques ou relaxantes. Il s'agit, in fine, de "ne pas se laisser posséder comme on se laisse posséder par des drogues dures"...

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous