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Le streaming, cette pratique numérique gourmande en énergie

© Getty Images

Que cela soit pour le climat ou pour le pouvoir d’achat, le concept de sobriété énergétique est on ne peut plus d’actualité. La traque à l’utilisation d’énergie superflue a d’ailleurs déjà commencé. Mais qu’en est-il de notre utilisation de produits numériques ? Comme le rappelle une récente étude suisse, ces services qui paraissent innocents peuvent aussi jouer dans l’équation. Et c’est notamment le cas du streaming. 

A lui seul, le numérique représente entre 3 et 4% des émissions de CO2 dans le monde. Si cela peut vous paraître relatif, imaginez que c’est l’équivalent de toute l’aviation civile. Et vu comme cela, c’est donc loin d’être négligeable. 

Au sein de ce total d’émissions, le streaming est assez gourmand. Selon le Professeur d'économie et de stratégie numériques à la Solvay Brussels School (ULB) Nicolas Van Zeebroeck, il semblerait qu’il soit responsable de deux tiers de cette consommation énergétique du numérique. 

En effet, comme le rappelle une étude de l’Institut d’informatique de l’Université de Zurich publiée durant ce mois d’août, le streaming - comme d’autres produits numériques d’ailleurs - génère plus d’émissions de CO2 qu’il n’en économise. 

Si l’on s’intéresse au streaming vidéo, le rapport indique qu’il utiliserait 80% de bande passante au niveau mondial. Par ailleurs, il générerait 56g de CO2 par heure de visionnage. Mais cela n’est qu’une moyenne puisque ce calcul dépend très fortement de la taille de l’écran ou encore du réseau utilisé. Un écran de téléviseur consomme davantage qu’un iPhone, tout comme la 4G consomme plus que votre Wifi. 

Avec 4,6 milliards de streams en sept mois en 2017, "Despacito" a consommé autant d’électricité que la consommation annuelle du Tchad, de la Guinée-Bissau, de la Somalie, de la Sierra Leone et de la République centrafricaine réunies

Bien que nettement moins énergivore que la vidéo, la consommation du streaming audio n’est pas nulle. A titre d’exemple, l’étude cite la chanson "Despacito" : "Avec 4,6 milliards de streams en sept mois en 2017, "Despacito" a consommé autant d’électricité que la consommation annuelle du Tchad, de la Guinée-Bissau, de la Somalie, de la Sierra Leone et de la République centrafricaine réunies."

Sans compter que beaucoup de monde utilise des services vidéo - comme Youtube - pour consommer de la musique. "Le problème, c’est que YouTube en version gratuite ne vous laisse pas écouter le flux musical sans diffuser le contenu vidéo. Or, c’est le flux vidéo qui pompe l’énergie", ajoute Nicolas Van Zeebroeck.

Toujours plus

Le véritable problème, selon Nicolas Van Zeebroeck, c’est que si cette tendance continue, la consommation est amenée à doubler dans d'ici les dix prochaines années. 

"Puisque c’est de plus en plus efficace, que la puissance est encore là et que ça coûte de moins en moins cher : on consomme aussi beaucoup plus", constate l'expert. "Et donc, malgré que la performance énergétique des réseaux, des data center et même des appareils s’améliore d’année en année, ça ne suffit pas à compenser l’augmentation de la consommation qui en résulte. L’effet rebond annule donc totalement les bénéfices.” 

Il y a cette image, dans l’inconscient populaire, que le numérique est propre, comme c’est immatériel

Nicolas Van Zeebroeck insiste sur l'importance de la prise de conscience. "On ne se rend pas compte qu’un téléviseur consomme plus qu’un téléphone, on ne se rend pas compte que la 4K consomme beaucoup plus de que de la basse définition. Il y a cette image, dans l’inconscient populaire, que le numérique est propre, comme c’est immatériel."

De son côté, David Bol, professeur à l’Ecole Polytechnique de Louvain estime qu'il est inutile de créer un sentiment d’éco-culpabilité. S’il convient effectivement "de garder une consommation de vidéo raisonnable (pas de vidéo H24 dans sa maison, pas de call Teams/whatsapp "perpétuel" quand on fait autre chose, ...)", il n’y a pas à devenir extrême. "Il n'y a pas d'éco-culpabilité à avoir dans le visionnage d'une série sur Netflix le soir."

Pour lui, ce sont les volumes collectifs qui sont problématiques. "Ne pas acheter un écran géant pour le salon, ne pas multiplier les PCs, TV, tablettes et objets connectés en tout genre. Acheter du matériel ICT en deuxième main et surtout militer contre l'omniprésence des écrans dans l'espace "public" (pubs, infos, borne de commande au McDo, TVs toujours allumées dans les bars, hôtels, resto) me semblent être des écogestes avec un impact positif intéressant.”

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