Une sportive de haut niveau peut-elle continuer à participer à des compétitions quand elle attend un enfant ? Elles sont quelques-uns à avoir répondu "oui", dans les faits, ces derniers mois. La plus célèbre est bien sûr Serena Williams, qui a gagné les Internationaux d'Australie alors qu'elle était enceinte de 2 mois. Mais il y a aussi eu Alysia Montano (une athlète, qui était aux championnats des Etats-Unis, enceinte de 5 mois), Dana Vollmer (qui a nagé en compétition, enceinte de 6 mois), et très récemment Mandy Minella (une joueuse de tennis luxembourgeoise, qui a disputé Wimbledon, avant d'annoncer qu'elle était enceinte de 4 mois et demi).
Rencontre avec le Professeur Luc Baeyens, gynécoloque du sport, à propos des sportives de haut niveau qui attendent un enfant, et du sport que devraient pratiquer (à leur rythme) toutes les femmes enceintes...
Professeur Baeyens, des sportives de haut niveau qui continuent la compétition, alors qu'elles sont enceintes, on en a vu quelques-unes, cette année. Et il y en a qui ont gagné en étant enceintes, comme Serena Williams. C'est quelque chose qui n'est pas étonnant, on peut encore être meilleure que les autres quand on attend un enfant ?
On peut l'être, mais ce n'est pas toujours le cas. Cela dépend des effets secondaires qui découlent de la grossesse, prise de poids, mal aux seins, nausée. Si on a beaucoup de ces effets secondaires, c'est plus difficile. Si on ne les a pas, il y a de gros avantages à la grossesse, un peu comparables à un bon entraînement en altitude et en endurance. Il y a une meilleure éjection au niveau du coeur. Il y a plus de sang qui arrive à chaque battement de coeur, donc une meilleure oxygénation musculaire, une meilleure prise de l'oxygène au niveau des poumons. Et dans certains sports, il y a un autre avantage, c'est qu'on devient plus souple, les ligaments se relâchent, pour permettre au bassin de se dilater au moment de l'accouchement.
Il y a aussi une notion de bien-être, la femme est comme sur un petit nuage ?
Ca peut peut-être jouer un petit peu, mais je crois que cela va moins jouer chez les sportives de haut niveau. Là où ça va jouer, c'est après l'accouchement. On attend moins d'une athlète, juste après l'accouchement. J'ai déjà eu le cas d'athlètes qui ont gagné très vite après leur accouchement parce qu'on ne les attendait pas. Elles ressentaient moins de stress, et là ça peut jouer, je crois.
Une sportive de haut niveau qui est enceinte ne va pas participer à des compétitions jusqu'au bout. Il y a un danger, à partir d'un certain moment ?
Tout dépend du sport. Il y a des sports où le corps est porté, comme la natation. Et on peut nager très longtemps, à la limite jusqu'au dernier jour, sans problème. Naturellement, plus on avance dans la grossesse, plus il y aura ces effets secondaires, les seins qui gonflent et qui sont douloureux, le volume du ventre. Mais dans l'eau, ça va moins jouer. C'est un sport que l'on peut continuer à pratiquer pendant longtemps. C'est moins indiqué pour une hockeyeuse, parce que dès que le volume de la grossesse dépasse le bassin, qui protégeait jusqu'alors, cela devient dangereux. C'est un sport de contacts. Là, c'est clair qu'il faut arrêter la compétition. Mais on peut continuer l'entraînement, naturellement.
Il y a quelques dizaines d'années, en Allemagne de l'Est, en URSS, on s'arrangeait pour que des joueuses sportives tombent enceintes, pour les rendre plus compétitives. C'était une forme de dopage, même s'il n'a jamais été prouvé...
C'était du dopage. Et il y a sûrement des athlètes qui ont lâché prise parce qu'il y avait trop d'effets secondaires, mais il est bien possible que d'autres aient participé à des compétitions. Il n'y a aucune preuve, mais il semble qu'au départ, cela concernait des Finlandaises, qui faisaient du ski de fond. Si cela a existé, l'avantage, c'était surtout les débuts de grossesse, les deux premiers mois, qui avantageaient les athlètes. Après, les effets secondaires prennent le pas.