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Le sport est très bon pour la santé... d'une femme enceinte

Alysia Montano aux Championnats des Etats-Unis d'athlétisme

© EZRA SHAW - AFP

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Par Christine Hanquet

Une sportive de haut niveau peut-elle continuer à participer à des compétitions quand elle attend un enfant ? Elles sont quelques-uns à avoir répondu "oui", dans les faits, ces derniers mois. La plus célèbre est bien sûr Serena Williams, qui a gagné les Internationaux d'Australie alors qu'elle était enceinte de 2 mois. Mais il y a aussi eu Alysia Montano (une athlète, qui était aux championnats des Etats-Unis, enceinte de 5 mois), Dana Vollmer (qui a nagé en compétition, enceinte de 6 mois), et très récemment Mandy Minella (une joueuse de tennis luxembourgeoise, qui a disputé Wimbledon, avant d'annoncer qu'elle était enceinte de 4 mois et demi).

Rencontre avec le Professeur Luc Baeyens, gynécoloque du sport, à propos des sportives de haut niveau qui attendent un enfant, et du sport que devraient pratiquer (à leur rythme) toutes les femmes enceintes...

Professeur Baeyens, des sportives de haut niveau qui continuent la compétition, alors qu'elles sont enceintes, on en a vu quelques-unes, cette année. Et il y en a qui ont gagné en étant enceintes, comme Serena Williams. C'est quelque chose qui n'est pas étonnant, on peut encore être meilleure que les autres quand on attend un enfant ?

On peut l'être, mais ce n'est pas toujours le cas. Cela dépend des effets secondaires qui découlent de la grossesse, prise de poids, mal aux seins, nausée. Si on a beaucoup de ces effets secondaires, c'est plus difficile. Si on ne les a pas, il y a de gros avantages à la grossesse, un peu comparables à un bon entraînement en altitude et en endurance. Il y a une meilleure éjection au niveau du coeur. Il y a plus de sang qui arrive à chaque battement de coeur, donc une meilleure oxygénation musculaire, une meilleure prise de l'oxygène au niveau des poumons. Et dans certains sports, il y a un autre avantage, c'est qu'on devient plus souple, les ligaments se relâchent, pour permettre au bassin de se dilater au moment de l'accouchement.

Il y a aussi une notion de bien-être, la femme est comme sur un petit nuage ?

Ca peut peut-être jouer un petit peu, mais je crois que cela va moins jouer chez les sportives de haut niveau. Là où ça va jouer, c'est après l'accouchement. On attend moins d'une athlète, juste après l'accouchement. J'ai déjà eu le cas d'athlètes qui ont gagné très vite après leur accouchement parce qu'on ne les attendait pas. Elles ressentaient moins de stress, et là ça peut jouer, je crois.

Une sportive de haut niveau qui est enceinte ne va pas participer à des compétitions jusqu'au bout. Il y a un danger, à partir d'un certain moment ?

Tout dépend du sport. Il y a des sports où le corps est porté, comme la natation. Et on peut nager très longtemps, à la limite jusqu'au dernier jour, sans problème. Naturellement, plus on avance dans la grossesse, plus il y aura ces effets secondaires, les seins qui gonflent et qui sont douloureux, le volume du ventre. Mais dans l'eau, ça va moins jouer. C'est un sport que l'on peut continuer à pratiquer pendant longtemps. C'est moins indiqué pour une hockeyeuse, parce que dès que le volume de la grossesse dépasse le bassin, qui protégeait jusqu'alors, cela devient dangereux. C'est un sport de contacts. Là, c'est clair qu'il faut arrêter la compétition. Mais on peut continuer l'entraînement, naturellement.

Il y a quelques dizaines d'années, en Allemagne de l'Est, en URSS, on s'arrangeait pour que des joueuses sportives tombent enceintes, pour les rendre plus compétitives. C'était une forme de dopage, même s'il n'a jamais été prouvé...

C'était du dopage. Et il y a sûrement des athlètes qui ont lâché prise parce qu'il y avait trop d'effets secondaires, mais il est bien possible que d'autres aient participé à des compétitions. Il n'y a aucune preuve, mais il semble qu'au départ, cela concernait des Finlandaises, qui faisaient du ski de fond. Si cela a existé, l'avantage, c'était surtout les débuts de grossesse, les deux premiers mois, qui avantageaient les athlètes. Après, les effets secondaires prennent le pas.

Personne ne le savait, mais Serena Williams était enceinte quand elle a gagné les Internationaux d'Australie

Fin de cette parenthèse, et retour à des grossesses plus "classiques". Pour Madame-Tout-le-Monde, est-il conseillé de faire du sport, quand on attend un bébé, que l'on en fasse habituellement ou pas ?

Il y a 30 ans, on disait qu'il ne fallait plus faire de sport quand on était enceinte. Il y a une dizaine d'années, on disait que quelqu'un qui a l'habitude de faire du sport peut continuer à en faire. Et maintenant, les dernières recommandations, c'est de faire du sport, même si on en faisait pas. Du sport, ou au moins de l'activité physique. Surtout pour diminuer le risque de gros bébé, de diabète de grossesse, d'hypertension. Et il y a d'autres avantages, on dort mieux, on a moins les jambes qui gonflent, on prend moins de poids, etc...

Mais pas n'importe quel sport ?

En général, on peut continuer à pratiquer le sport que l'on a l'habitude de faire. On sait ce qui est possible et ce qui ne l'est pas. Il n'y a pas beaucoup de sports défendus. Le seul qu'on doit arrêter dès que l'on apprend qu'on est enceinte, c'est la plongée sous-marine avec bonbonne. A cause du risque d'embolie, et des gaz qu'il y a dans les bonbonnes. Pour quelqu'un qui ne fait pas de sport, on va conseiller des disciplines où le corps est porté, donc la natation, le vélo, le vélo d'appartement, mais aussi le fitness d'intérieur. Un sport intermédiaire, c'est le jogging. Le jogging, ça va quand on a l'habitude, mais il faut faire attention, car il y a plus de risque de se fouler le pied ou le genou, parce qu'il y a cette laxité, ce relâchement, au niveau des ligaments, qui peut intervenir, et qui peut amener plus de blessures. Et chaque fois, c'est un poids sur le périnée, qu'il faut bien surveiller.

On aurait tendance à se dire que si on fait du jogging, c'est le bébé qui va ressentir des chocs, mais ce n'est pas vrai ?

Non, le bébé est bien enveloppé. Il y a le lit placentaire qui joue un peu, il y a le liquide dans lequel le bébé baigne, et qui absorbe les chocs, dont il ne faut pas avoir peur.

Et si une femme ne fait pas du tout de sport, le premier sport qu'on lui conseille, quand elle est enceinte, c'est la natation ?

C'est le sport par excellence, où le corps est porté. Le bébé est déjà dans l'eau, et si la maman, en plus, se met dans l'eau, il est clair que le bébé soit se sentir bien. Et c'est le sport qu'on peut même pratiquer jusqu'au bout de la grossesse, si d'autres sports ne conviennent plus. Même pour des femmes qui ont déjà une ouverture ou des contractions, aller nager un petit peu, ce n'est pas défendu du tout.

Mandy Minella, enceinte de plus de 4 mois, à Wimbledon

Une fois qu'une sportive de haut niveau a accouché, on peut lui donner des conseils pour pouvoir revenir en étant aussi performante qu'avant ?

Déjà, pendant la grossesse, grâce aux différentes hormones qui font que le bébé se développe, la femme se muscle plus facilement. Donc je conseille déjà, chez une athlète de haut niveau, de faire plus de musculation pendant sa grossesse. Après l'accouchement, la plupart des athlètes veulent recommencer au plus vite. Mais là, il faut surveiller le périnée. Chez les athlètes, il est souvent inférieur, au niveau force, aux autres muscles, abdominaux surtout. Et il y a un risque de déséquilibre, avec un risque de perte d'urine, de descente de matrice, etc. Il faut être très attentif à ne pas laisser courir, par exemple, ou sauter, des femmes dont le périnée se serait délabré pendant la grossesse ou l'accouchement. Si c'est le cas, il faut attendre que tout soit remis en ordre par des kinés spécialisés. Et cela peut durer 3 mois, 6 mois, parfois. Mais entretemps, il y a moyen de faire d'autres activités, où le périnée n'est pas mis sous pression. Si le périnée est bon, au contraire, les athlètes peuvent recommencer leur sport habituel très rapidement, après une semaine ou deux, sans problème. Lieve Slegers, qui était une très bonne athlète de longues distances, il y a une quinzaine ou une vingtaine d'années, est devenue championne de Belgique de cross 8 semaines après son accouchement. Entre autres, parce qu'on ne l'attendait pas. Les autres étaient stressées. Elle, pas du tout, parce qu'elle ne devait pas gagner. Et elle avait continué à faire du sport jusqu'aux derniers jours de sa grossesse.

Et pour Madame-Tout-Le-Monde ? Une fois qu'elle a accouché, on lui conseille de rester active, pour perdre des kilos, dans un premier temps ?

Elle, souvent, elle ne va plus trouver le temps de faire du sport. Et là, c'est tout à fait différent. Là, il faut la stimuler à continuer à faire une activité sportive. Et l'allaitement n'est pas du tout une contre-indication, au contraire. Grâce à une activité physique régulière, on peut facilement perdre quelques kilos en plus.

Et là, quels sont les sports conseillés ?

Il faut conseiller un sport adapté à la personne. C'est la même chose après un cancer, on dit de plus en plus qu'il faut faire du sport pour diminuer le risque de récidive. Je donne toujours un exemple, il ne sert à rien de faire nager quelqu'un qui a peur de l'eau, même si c'est le meilleur sport pour l'après-accouchement. Il faut s'adapter à la personne, et trouver la meilleure activité pour chacun. Mais la marche, par exemple, tout le monde peut le faire. Une marche rapide, c'est déjà très bon.

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