Des virages à 180° dans les arguments publicitaires, il y en a eu aussi dans l’agence de la louviéroise Sabina Gishvarova. "Le parfait exemple c’est ce grand fabricant de cuisines pour qui nous travaillons". Tout un plan marketing était convenu, balayé littéralement par le passage du virus. Subitement, "il n’était plus question de promotions, de conditions Batibouw, ni même de vendre des cuisines", résume la jeune femme. "Il fallait accompagner les gens avec bienveillance, dans ce qu’ils vivaient, confinés chez eux, avec les enfants, dans la cuisine. Des gens qui devaient gérer le télétravail, la maison, les enfants, et qui étaient en attente d’un peu de légèreté dans leur quotidien". Très vite, la marque opte pour des conseils recette, des idées bricolage, des conseils bien-être, "feel good"…Bref, une forme de "soutien".
"Il fallait accompagner les gens avec bienveillance, dans ce qu’ils vivaient, confinés chez eux, avec les enfants, dans la cuisine. Des gens qui devaient gérer le télétravail, la maison, les enfants, et qui étaient en attente d’un peu de légèreté dans leur quotidien".
C’est une tendance que Delphine Jenart, maître de conférences invitée à l’UCLouvain a beaucoup vue à l’œuvre, ces derniers mois. "Un changement de ton. Les annonceurs se sont fait relais d’expressions bouillotte, type prenez bien soin de vous. Une certaine bienveillance pour compenser la dureté de la distanciation sociale par de la proximité. Des grandes enseignes se sont mises à soutenir les producteurs locaux, aussi. Une chose est claire, ceux qui ont tiré leur épingle du jeu sont ceux qui ont adapté leur stratégie au contexte. Se recentrer sur l’humain, l’essentiel. Ne pas communiquer si on n’a rien à dire !"
Solidarité
Les réseaux sociaux se sont imposés comme "le" terrain de jeu des publicitaires, pendant la crise. "Mais il y a eu aussi des initiatives plus solidaires", note Rémy Morthier. "Des gens ont partagé la page, liké la page de tel ou tel entrepreneur, pour lui offrir une visibilité supplémentaire".
Jordan a fait usage de ce "nouveau mode de communication". À 26 ans, il se lance en tant que coach sportif et nutrition, après des études dans ces deux domaines. "C’est difficile car la concurrence est importante. D’autant que pendant le confinement, des centaines de personnes se sont mises à donner des conseils en matière de fitness, ou d’alimentation. Conseiller des mouvements, des programmes. Sans avoir de formation dans ce domaine !" Il n’a pas les moyens de se payer une campagne de publicité traditionnelle. "Je mise beaucoup sur les réseaux sociaux, les petits gestes en apparence anodins : liker ma page, déposer un commentaire, partager… Pour avoir de la visibilité et proposer mes services au plus grand nombre".
Dans le secteur culturel aussi, les réseaux sociaux ont permis de "réinventer la communication", ou offert de nouveaux débouchés. C’est le cas au centre culturel montois MARS. Charlotte Jacquet, la directrice "com" et son équipe, ont passé des moments douloureux. "Beaucoup d’événements, concerts, spectacles, festivals ont été annulés". Après les déceptions, l’équipe a exploité, au mieux, tous les terrains encore "accessibles" pour continuer à faire vivre les artistes et leurs créations. "Nous avons par exemple lancé des live, sur Facebook, où les artistes retrouvaient leur public. Ou le mercredi après-midi, les "petites histoires pour grandes oreilles confinées. Avec des artistes qui lisent en direct aux enfants, tranquillement installés chez eux. Ça fonctionne vraiment bien !". Créativité à tous les étages. Obligation de se réinventer pour faire sauter les barrières.
Voilà à quelle sauce les publicitaires, les annonceurs, les communicants ont l’impression d’avoir été "mangés" depuis que ce fameux virus a débarqué dans nos vies.