Brabant wallon

Le salut des âmes et celui des œuvres d’art à l’honneur dans la nouvelle exposition du Musée L

Les œuvres de la collection de l’abbé Mignot ont été restaurées par l’IRPA

© S. Vandreck

Par Stéphanie Vandreck

"Formes du salut", c’est le titre de la nouvelle exposition accueillie par le Musée L à Louvain-la-Neuve. Elle rassemble une partie des statues religieuses collectionnées par l’abbé Mignot, patiemment restaurées par les équipes de l’Institut royal du Patrimoine artistique, l’IRPA. Le parcours évoque aussi bien le parcours étonnant de cette collection exceptionnelle que le patient travail de préservation dont elles ont été l’objet, un véritable sauvetage. Elle s’attarde également sur la symbolique religieuse des œuvres présentées. "Elles étaient censées agir sur le salut de l’âme des fidèles, d’où le titre de l’exposition", précise Mathieu Somon, postdoctorant en histoire de l’art et commissaire de l’exposition.

Une collection à l’histoire étonnante

Tout commence donc avec la collection de l’abbé Adolphe Mignot, décédé en 2001. Il avait rassemblé, dans son appartement de Woluwé Saint-Lambert, toute une série d’œuvres d’art : des meubles anciens, des vases grecs et étrusques et un ensemble de dix-huit sculptures religieuses du Moyen Âge et de la Renaissance, en provenance de plusieurs pays d’Europe et principalement d’Espagne. On ignore encore aujourd’hui de quelles églises proviennent exactement ces statues en bois polychrome, ni comment l’abbé se les est procurées. A la fin de sa vie, il les avait exposées dans un lieu plus adapté à leur usage : la chapelle Sainte-Anne de Val Duchesse, un lieu de culte quasiment inaccessible au public. "Lorsqu’il est décédé en 2001, ces sculptures se sont très vite endommagées car elles étaient un peu à l’abandon dans cette église fermée. Elles étaient envahies notamment par les insectes xylophages et les moisissures", raconte Emmanuelle Mercier, conservatrice-restauratrice à l’IRPA et commissaire de l’exposition.

Mieux comprendre le travail des restaurateurs d’œuvres d’art

Les radiographies ont révélé quelques secrets des œuvres
Les radiographies ont révélé quelques secrets des œuvres © S. Vandreck

C’est donc à une véritable opération de sauvetage qu’ont procédé les restaurateurs d’œuvres d’art. Sur place, les statues ont été débarrassées de leurs parasites. Avant de les transporter vers l’atelier, leur bois a été consolidé à l’aide d’une résine. "On appelle ça une intervention de conservation, précise encore Emmanuelle Mercier. Il y a eu quelques retouches mais très minimalistes". On peut admirer ce travail sur les quelques œuvres sélectionnées pour l’exposition. L’idée est aussi de mieux comprendre le travail de restauration. Une énorme radiographie d’une vierge du treizième siècle, à l’entrée de la salle, rappelle ainsi comment les restaurateurs examinent leurs "patients" avant de les soigner, comme des médecins de l’art. "C’est une facette intéressante de notre métier. Dans ce cas-ci, vu qu’on ne connaissait quasiment rien de la provenance des œuvres, il nous fallait en savoir davantage sur leur vie, qui a été très mouvementée", poursuit-elle. Des fractures, des ajouts, des réparations, des couches de peinture apportés au fil des siècles apparaissent ainsi sous les rayons X.

Des volontés embarrassantes pour les restaurateurs

L’abbé Mignot avait souhaité qu’à sa mort, ses collections soient confiées à la Donation royale, mais que les sculptures religieuses restent à la chapelle Sainte-Anne. Il a donc fallu un peu trahir sa volonté pour les sauver. "On était très ennuyés, car c’était les vouer à une disparition certaine et assez rapide", confie la restauratrice. L’autre dilemme était que le mécène qui a accepté de financer leur restauration souhaitait, pour sa part, qu’elles puissent être admirées par le grand public, chose quasiment impossible dans le domaine hautement sécurisé de Val Duchesse. Un compromis a donc été trouvé en les mettant en dépôt au Musée L, qui accueillait déjà sa collection de vases. "C’est un cadeau fantastique, se réjouit la directrice du musée, Anne Querinjean. Dix-huit sculptures anciennes avec une histoire qui est encore à découvrir et à comprendre. Cela nous interroge aussi sur leurs usages. On pourrait d’ailleurs avoir un regard anthropologique sur ces objets".

Les sculptures ont parfois eu une vie mouvementée
Les sculptures ont parfois eu une vie mouvementée © S. Vandreck

De l’église au musée

Un travail déjà entamé par Matthieu Somon, postdoctorant en histoire de l’art. "La fonction de ces sculptures était d’interagir avec les fidèles, elles étaient aussi coordonnées à la célébration des cultes, selon des rites bien précis, explique-t-il. On pouvait les toucher. On modifiait aussi leurs vêtements, leur apparence. On les promenait en procession. C’était un rapport très vivant, très concret à ces sculptures, que ne permet pas forcément de deviner la mise en exposition traditionnelle dans un musée. L’un des enjeux de cette exposition est donc de rendre le public sensible à ces interactions". Un carnet de visite et des animations à destination du jeune public ont été conçus par le musée, afin de permettre aux familles de découvrir l’exposition, jusqu’en juin prochain.

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