A 86 ans, le réalisateur grec Costa-Gavras, n’a rien perdu de son œil avisé face aux pratiques du pouvoir. Il était l’invité de Thomas Gadisseux ce jeudi sur La Première pour présenter son nouveau film " adults in the room". Un film sur la crise qui frappe son pays d’origine, la Grèce.
Le film retrace le bras de fer en 2015 entre les dirigeants grecs et l’Union européenne. Une plongée brutale dans les coulisses de l’Europe. Un récit chirurgical basé sur les enregistrements, réalisés en secret par le ministre grec des finances Yanis Varoufakis, lors des grandes réunions européennes.
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Les enregistrements secrets de Yanis Varoufakis
Ces enregistrements révèlent "les contradictions" entre l’attitude des dirigeants européens dans les salles calfeutrées des institutions et leurs déclarations publiques, où les leaders s’exprimaient en faveur du sauvetage du pays. "Ces dirigeants manquaient de démocratie et de maturité. Ils avaient des façons de se comporter complètement enfantine. D’ailleurs, ils l’ont tous dit a posteriori. Pierre Moscovici (commissaire européen des finances, à l’époque) l’avait dit, et Jean-Claude Juncker avait aussi dit qu’on en demandait trop à la Grèce" explique le réalisateur. C’est cette attitude qui poussera l’ancienne présidente du FMI, Christine Lagarde à taper du poing sur la table et à prononcer la fameuse phrase, " we need adults in the room" (nous avons besoin d’adulte dans la pièce). Phrase qui donnera son titre au film de Costa-Gavras.
Yanis Varoufakis, devenu un "insider" "s’était aperçu qu’il n’y avait aucun compte rendu de ces réunions et que chacun disait n’importe quoi. Il a décidé d’enregistrer tout cela". Ce personnage est central dans le film de Costa-Gavras. Si " il n’est pas un héro, il est un témoin". Le témoin principal.
Le peuple, grand absent du film
"Derrière ce refus et toutes ces contradictions il y a un peuple qui souffrait beaucoup […] il y avait un chômage considérable, des milliers de magasins ont fermé c’était une vraie catastrophe pour le pays, catastrophe sociale et économique".
C’était une vraie catastrophe pour le pays, catastrophe sociale et économique
Et pourtant, le peuple semble être le grand absent du film, qui se déroule principalement dans des salles de réunion.
Un choix assumé du réalisateur : "Je fais une tragédie finalement avec un chœur, qui apparaît et disparaît. Le peuple c’est le chœur. Mais les dirigeants européens ne tiennent pas compte du chœur. Ils veulent juste sauver les banques et sauver l’euro. Et d’une certaine manière punir la Grèce. Ils ne voulaient pas faire de cadeaux à un gouvernement de gauche radicale. C’était inacceptable pour l’Europe libérale".
Aujourd'hui encore, la jeunesse ne semble pas avoir beaucoup d'espoir explique le cinéaste. "C'est vrai le chômage a baissé. Il était à 28 ou 27% il est à 17%. Mais chez les jeunes il est à 40%. La dette n'a pas baissé. Tant que cela ne change pas et bien ce sera une période avec très peu d'espoir chez les jeunes et c'est pour ça qu'ils continueront à partir."