J’ai 25 ans de SMUR (service d’urgences), mais la précision des tirs était impressionnante. Ça m’a choqué.
Pendant une semaine, deux juges d’instructions, 25 enquêteurs et les membres des équipes médicales se sont succédé à la barre pour résumer quatre ans d’enquête. A l’image de ce médecin urgentiste, tous les premiers secours arrivés sur place ont été choqués.
Le procureur général a la guillotine sous le bras !
Le procès a régulièrement été marqué par des échanges très tendus entre Me Courtoy, l’avocat de Mehdi Nemmouche, et les procureurs fédéraux. Lors d’une audience, Me Courtoy utilise l’expression « accusateur public » pour désigner le procureur. La présidente le reprend en précisant qu’on n’est plus au Moyen-Age. Me Courtoy reprend et dit : « Vous ne croyez pas si bien dire, le procureur général a la guillotine sous le bras ! ». Le procureur général, Yves Moreau, se lève et s’énerve : « C’est profondément scandaleux ! Madame la présidente, je demande des excuses à Me Courtoy ! ». Me Courtoy lance ensuite : « Vous pouvez les attendre jusqu’à ma retraite ! ». Ambiance.
Autre audience, même tension. Pendant sa plaidoirie Me Courtoy s’arrête pour interpeller les procureurs qui réagissent à ses propos : « Je n’ai pas besoin du Muppet show dans mon oreille. J’ai eu la décence de ne pas venir pendant votre réquisitoire, si c’est nerveusement intenable, retournez dans votre bureau ! ».
Une forme de terrorisme est entrée dans ce prétoire, sans kalachnikov.
Lors de sa plaidoirie, Me Dalne, avocat de la mère d’Alexandre Strens (une des 4 victimes), tance la défense de Mehdi Nemmouche : « A chaque page de l’acte de défense, on lit que l’absence de trace ADN de Mehdi Nemmouche est la preuve de son innocence. Caramba encore raté ! Un expert est venu expliquer que ce n’est pas parce qu’on touche un objet qu’on laisse une trace ADN. » « Une forme de terrorisme est entrée dans ce prétoire, sans Kalashnikov, estime Christian Dalne, on instaure ses propres règles, on pense diriger la partie. » Il reproche aussi à Me Courtoy de confisquer ce procès et d’en faire le procès de l’enquête, des témoins, et des victimes.
La défense est en plein naufrage. Le radeau a coulé.
Selon Me Marchand, les avocats de Mehdi Nemmouche ont manqué de rigueur et de sérieux. Il a alors utilisé une image qu’il affectionne particulièrement depuis le début de ce procès : « La défense est en plein naufrage. Le radeau a coulé et ils sont maintenant sur une île déserte à attendre le salut ». Les échanges d’amabilité entre les avocats ont régulièrement ponctué ce procès. Me Courtoy a ainsi déclaré à l’attention de ses confrères et consœurs : « Tout le monde n’était pas au premier rang quand le bon Dieu a distribué l’intelligence ».
Ce ne sont plus des cailloux qu’il faut suivre, mais bien des briques
Pour prouver la culpabilité de Mehdi Nemmouche, il suffit, selon le procureur Bernard Michel, de suivre le chemin du petit Poucet. Sauf que « ce ne sont plus des cailloux qu’il faut suivre, mais bien des briques. » « Il y a énormément d’éléments solides, poursuit-il. En 25 ans de carrière, je n’ai jamais vu d’accusé qui maintient le silence malgré tous ces éléments ». Bernard Michel détaillera dans son réquisitoire les 23 « briques », qui dressent le mur de la culpabilité de Mehdi Nemmouche.
Sur la forme, ma plaidoirie, c’était de la merde. Mais sur le fond, j’ai tutoyé les étoiles
La phrase est de Me Courtoy, très fier de la qualité de sa plaidoirie. En interview, il ajoute : « C’est une boucherie pour les avocats des parties civiles. » Ces derniers n’ont pas la même vision des choses, à l’image de Me Dalne qui s’exclame : « C’est de l’enfumage. Votre scénario est rocambolesque. […] Selon vous, les films des caméras de surveillance ont été truqués. Toujours selon vous, les experts ont bidouillé les rapports. Ce n’est plus un dossier, c’est le Nemmouche Gate ! ».
J’ai été piégé
A la toute fin du procès, juste avant que les jurés ne partent en délibération, Mehdi Nemmouche a pris la parole, pour ne rien dire, ou presque, si ce n’est réaffirmer son innocence, en 15 petites secondes. « J’ai été piégé, déclare-t-il, et Me Courtoy vous a expliqué les raisons pour lesquelles je me suis tu. Depuis le début, ce n’est pas une attitude irrespectueuse, je n’ai pas cherché à être licencieux. Si c’était à changer, je changerais tout. Je vous remercie d’avoir été attentifs ces deux mois ».
Pour rappel, Mehdi Nemmouche est accusé d’avoir perpétré quatre assassinats à caractère terroriste. Quant à Nacer Bendrer, le parquet le considère comme un complice, il est accusé d’avoir fourni les armes à Mehdi Nemmouche.