Pour Me Dounia Alamat, ce jour-là, en permettant l’extradition de son client, l’État belge a sciemment violé l’État de droit. Une position confirmée par la Cour européenne des droits de l’Homme et par la cour d’appel de Bruxelles l’année dernière : "L’État belge a fait délibérément et consciemment le choix de céder aux instances des autorités américaines et de méconnaître ses obligations envers Nizar Trabelsi".
La cour d’appel a, par ailleurs, ordonné l’indemnisation de Nizar Trabelsi pour ses années de détention aux États-Unis, passées et à venir, à hauteur de 10.000€ par an.
L’état de santé psychologique et physique de Trabelsi
Le dernier contact téléphonique entre Nizar Trabelsi et ses avocats remonte à la mi-avril. Me Alamat et Me Marchand s’inquiètent de son état de santé physique. L’homme est en prison depuis vingt ans dont seize années passées à l’isolement. Me Alamat parle de torture blanche : "Il est enfermé dans une cellule où une lumière artificielle est allumée 24h/24. Il y a des vérifications de présence de jour comme de nuit. L’activité physique est réduite à néant. Il souffre de diabète et a développé des ulcères". Me Marchand complète le tableau : "il commence à avoir des gonflements de ses membres, il se tape la tête contre les murs".
Les deux avocats soulignent également les problèmes psychiques de leur client. Me Alamat : "Au bout de 10 ans dans une petite pièce, il n’arrive plus à réfléchir normalement. Il est tout le temps seul avec ses pensées, des pensées qui ne sont pas joyeuses et qui tournent en rond. Il est devenu paranoïaque".
Il se tape la tête contre les murs
Notamment à cause de cette paranoïa, Nizar Trabelsi a refusé d’être assisté d’un avocat pour son nouveau procès. Me Marchand : "Cette paranoïa a entraîné des problèmes de communication et une rupture de confiance avec ses avocats américains. Résultat : il a décidé de se défendre seul. Pourtant, il ne connaît pas le système judiciaire américain et ne comprend pas l’anglais".
Cet état de santé délabré est confirmé par une évaluation médicale. Le docteur Amy Kossoff déclare dans son rapport : "M. Trabelsi présente un certain nombre de problèmes médicaux qui sont exacerbés par le stress". Avant de lister les problèmes : "privation de sommeil, absence d’exercice physique, carence en vitamine D (un niveau jamais vu en 35 ans d’expérience), obésité, hypertension".
Principe de Non bis in idem
Nizar Trabelsi a été condamné en Belgique pour sa tentative d’attentat contre la base militaire de Kleine Brogel dans le Limbourg. Les arguments repris par l’accusation américaine sont les mêmes que ceux retenus lors du procès belge. Me Dounia Alamat : "La base factuelle est la même et les preuves sont les mêmes. Ce sont les explosifs qui ont été trouvés en Belgique qui vont être utilisés pour essayer de démontrer qu’il y avait cette tentative d’usage d’armes de destruction massive. Et on voit bien que c’est le même procès puisqu’on a besoin du chef d’enquête belge et de l’ex-juge d’instruction qui sont des témoins jugés essentiels par l’accusation américaine".
C’est une fabrique de la honte
La cour d’appel de Bruxelles et la Cour européenne des droits de l’homme ont confirmé cette position. Les avocats se sentent aujourd’hui impuissants. Me Marchand : "C’est un dossier où on sent que la Belgique est aux pieds des États-Unis. C’est une honte totale. La cour d’appel a dit : "Vous devez dire aux États-Unis que vous ne pouvez pas le poursuivre pour les mêmes faits", mais le gouvernement n’a pas communiqué dans les bonnes formes". Et de s’interroger : "Pourquoi veut-on continuer à faire souffrir cet homme alors qu’il a purgé sa peine, qu’il était en aveux et qu’il a été condamné ? C’est une fabrique de la honte".
Les avocats appellent aujourd’hui le gouvernement à prendre ses responsabilités. De son côté, le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne, nous affirme avoir transmis les informations nécessaires aux États-Unis. Il se refuse à plus de commentaire tant que l’affaire est en cours.
Ce nouveau procès est prévu pour durer huit à dix semaines. Nizar Trabelsi encourt une peine de réclusion à perpétuité.