Et Dieu dans tout ça?

Le philosophe Georges Canguilhem disait : "Toute guérison est toujours une perte"

Le philosophe et médecin Georges Canguilhem

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Par RTBF La Première via

Qu’est-ce donc que le soin ? Et qu’est-ce que la philosophie a à nous enseigner à ce sujet ? Pendant tout le mois de septembre, dans son Grand Dictionnaire des Philosophies et Religions, Pascal Claude ouvre une mini-série intitulée Prendre soin…, imaginée et réalisée avec la philosophe Claire Marin.

Claire Marin est professeur de philosophie et directrice du Séminaire international d’Etude sur le Soin (SIES), à l’Ecole normale supérieure de la Rue d’Ulm à Paris.

Elle évoque les travaux de Georges Canguilhem, philosophe français décédé en 1995. Un philosophe au parcours un peu atypique : d’abord agrégé de philosophie, normalien issu de la même promotion que Sartre, il va envisager une forme de reconversion, surtout au moment des consignes d’enseignement sous Vichy. Il va alors se diriger vers des études de médecine. Il aura cette double casquette de philosophe et de médecin, ce qui est unique dans l’histoire des philosophes.
 

Chacun corps a sa propre norme

L’ouvrage de Georges Canguilhem, 'Le normal et le pathologique' (PUF), nous permet de comprendre que chaque corps a sa propre norme et a aussi une normativité, c’est-à-dire une capacité à restituer des normes lorsqu’elles ont été bousculées par la pathologie.

En ce sens, il n’y a pas de norme universelle absolue, il y a toujours des normes individuelles. Et c’est la qualité du médecin d’être capable de comprendre ce qu’est, pour un patient, sa norme habituelle de vie, ou ce que deviendra une norme de vie acceptable pour lui. Par exemple, après une amputation ou une grave maladie, il y a effectivement des pertes, le patient ne retrouve pas son corps d’avant, mais comment faire pour qu’il ait quand même l’impression de retrouver une vie normale ?

Georges Canguilhem fait ainsi apparaître la question de la subjectivité dans le soin médical et la considération de l’individu dans sa singularité.

"Cela veut dire qu’il va y avoir une forme de dialogue entre le médecin et son patient et qu’on ne peut pas imaginer que le soin se fasse autrement qu’avec cette première humilité du médecin, qui est de commencer par écouter ce que le patient a à lui dire de son propre ressenti, de son propre vécu corporel.

Le médecin va l’aider à donner un sens à ces signes qu’il éprouve et c’est ensuite, à partir de l’explication de ces signes, qu’on pourra envisager de réparer. Le médecin est à la fois un exégète et un réparateur", explique Claire Marin.


La maladie est une expérience inévitable

Dans ses écrits, Georges Canguilhem développe aussi toute une pensée de la maladie et du risque du vivant. Il explique à quel point la maladie est une expérience inévitable et que toute guérison est une perte progressive du corps.

Il définit la santé comme un luxe : c’est le luxe qui est le mien de pouvoir dépasser mes limites habituelles. Celui qui est malade, c’est celui qui ne peut pas se permettre ce genre de luxe : un effort physique trop important, des nuits blanches…

Il montre bien que l’on a un capital santé qui est entamé par chaque pathologie et que toute guérison est toujours une perte : il n’y a jamais de restitution intégrale de celui que j’étais avant d’être malade. Il y a donc une nécessité à accepter une dégradation progressive.

Dans 'La pédagogie de la guérison', Georges Canguilhem explique qu’il faut comprendre ce qu’est la maladie pour le vivant : un risque inévitable, la marque de notre mortalité.

Il faut comprendre aussi ce qu’est la santé, c’est-à-dire quelque chose qu’inévitablement on va perdre. Il nous invite à cette prise de conscience.

Ecoutez ici Claire Marin nous parler de la philosophie du soin de Georges Canguilhem

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