Belgique

Le personnel des prisons francophones en grève pour 24h depuis ce lundi soir, après les prisons flamandes

Au nord du pays et à Bruxelles, le mot d’ordre de grève est respecté dans la plupart des prisons.

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Par Jean-François Noulet, avec R. Hermans et Belga

Après la grève de 24h des établissements pénitentiaires néerlandophones du pays, c'est au tour des agents des prisons francophones de partir en grève pour 24 heures, depuis 22h ce lundi. Le manque de personnel et la surpopulation carcérale sont à l’origine du mécontentement.

D’abord en Flandre et à Bruxelles. Ensuite, en Wallonie

La grève a débuté dimanche à 22 heures dans les prisons flamandes et dans celles de Saint-Gilles et Forest, en région bruxelloise. Dans ces établissements, la majorité des agents se croisent les bras pour protester contre la surpopulation carcérale et le manque d’effectif, indique l’administration pénitentiaire.

Il n’y a qu’à Hoogstraten qu’il y a suffisamment de personnel pour assurer les services habituels. A Gand, il sera peut-être possible d’organiser la promenade des détenus. Dans les autres établissements, les détenus devront rester 24 heures enfermés dans leur cellule et il n’y aura qu’une seule distribution de repas. Les équipes du matin ont "très strictement suivi" le mouvement, rapporte Kathleen Van De Vijver, la porte-parole de l’administration pénitentiaire.

A Bruges, Termonde, Gand, Louvain Central, Malines, Merksplas, Audenarde, Saint-Gilles, Forest, Turnhout et Wortel, le seuil pour assurer le service minimum n’est même pas atteint.

Depuis 22h ce lundi soir, ce sont les agents des prisons du sud du pays qui ont pris le relais du mouvement de grève. Ils se croiseront les bras 24 heures. Les prisons de Saint-Gilles et de Forest resteront elles aussi en grève, jusque mardi 22h00.

Manque d’effectifs, surpopulation : le ras-le-bol est généralisé

"Cela fait plusieurs législatures qu’on est toujours dans les mêmes problèmes de recrutement, de cadre, de sous-cadre et de surpopulation", souligne Claudine Coupienne, Secrétaire permanente à la CSC Justice/Prisons.

En principe, les 35 établissements pénitentiaires du pays peuvent accueillir 9500 prisonniers, mais on en compte actuellement 10.700. Des lits d’appoint ont été installés pour pallier le manque de matériel, mais le personnel reste trop peu nombreux pour gérer la surpopulation.

Ces conditions engendrent pour le personnel des prisons "des conditions de travail qui ne sont plus acceptables", souligne Claudine Coupienne.

"La situation a atteint sa limite pour tous les agents, pour les détenus aussi, parce qu’ils n’ont plus accès aux activités qu’ils peuvent avoir", constate Grégory Wallez, Secrétaire fédéral à la CGSP Justice/prisons.

Champignons, mérule, etc : des prisons en très mauvais état

Les syndicats dénoncent aussi l’état des prisons. "On a des prisons où 10-15 cellules ne fonctionnent pas parce qu’elles sont remplies de champignons", déplore Grégory Wallez, de la CGSP. Il dénonce l’état du parc immobilier pénitentiaire. "Pour reprendre les mots du bourgmestre de Tournai, je n’y mettrais pas mon chien, ça veut tout dire", résume-t-il.

Tout cela engendre un ras-le-bol général, tant chez les agents que chez les détenus. Les syndicats réclament, pour la énième fois, une amélioration de la situation. Pour Claudine Collienne, de la CSC, il faut "une prise de conscience dans la société" parce que "les prisons y jouent un rôle", estime la syndicaliste. "On y envoie des gens pour les priver de liberté parce qu’ils n’ont pas respecté les règles de notre société. Si on veut qu’ils ressortent de ce passage en prison plus adaptés, il faut y mettre les moyens", estime Claudine Coupienne. "On le voit dans les pays voisins. Il faut des moyens pour pouvoir permettre aux prisons de jouer leur rôle sociétal. (En Belgique), ce n’est pas le cas depuis plusieurs dizaines d’années", regrette la responsable syndicale CSC.

Pour les syndicats, il s’agit d’un problème structurel et pas d’une situation ponctuelle, comme le prétend le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne, a souligné le syndicat socialiste.

Les nouvelles prisons ? Pas une solution, dit-on du côté syndical

La solution à la surpopulation dans les prisons sera-t-elle trouvée avec l’ouverture prochaine de deux nouvelles prisons ? Celle de Haren, aux portes de Bruxelles, devrait "ouvrir" ses portes dans le courant de l’année 2022. C’est une prison de grande capacité, de 1190 places. Un autre établissement devrait aussi entre en activité à Termonde avec une capacité de 444 places.

A côté de cela, dans les plans du ministre de la Justice, figure aussi le développement d’alternatives aux grandes maisons d’arrêt. On parle ici des maisons de transition. Il s’agit de petits établissements pouvant accueillir une quinzaine de détenus en fin de peine. Le souhait du ministre est d’ouvrir 15 établissements de ce type d’ici la fin de la législature. Cela représenterait 720 places en plus. A côté de cela, il y a aussi l’idée de créer des petites prisons, d’une cinquantaine de détenus, destinées aux courtes peines.

Autant de solutions qui ne résoudront pas la question de la surpopulation, estime-t-on du côté syndical. En cause, un secteur pénitentiaire en perpétuel mouvement, "avec des prisons qui sont fermées, d’autres qui sont rénovées, d’autres qui vont se créer, comme Haren", explique Samuel Vincent, de la CSC-Prison à Bruxelles. "Ces différentes créations et fermetures de prisons amènent un statu quo. On ne crée pas de nouvelles places à terme, en Belgique. On est déjà en surpopulation en Belgique, avec près de 11.000 détenus, et la situation ne va faire que se dégrader", estime Samuel Vincent.

Du côté des autorités, la volonté que les courtes peines, celles de moins de six mois, soient exécutées amènera aussi plus de détenus derrière les barreaux.

Enfin, craint-on du côté syndical, amener plus de nouveaux détenus en prisons alors que le personnel des établissements pénitentiaires est en sous-effectif aggravera une problématique déjà existante.

Sujet JT du 03/01/21 : les nouvelles prisons seront-elles suffisantes?

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