Toute l’Europe avait les yeux tournés vers Strasbourg cette semaine pour une session plénière du parlement européen très attendue. Il y avait l’élection d’une nouvelle présidente et la venue du président français Emmanuel Macron. Deux événements qui finalement ont transformé le parlement européen en terrain de jeu de la présidentielle française
Un match en trois sets
Le premier, mardi, avec l’élection de la présidente du Parlement européen. La Maltaise Roberta Metsola avait tout pour drainer un maximum de voix. Compétente bien sûr. Jeune. Femme. Il n’y a qu’une ligne qui faisait tache dans ce cv idéal : ses positions très conservatrices sur le droit à l’avortement. Mais la plupart des députés ont trouvé des raisons pour s’en accommoder. Le droit à l’avortement n’est pas une compétence européenne et la candidate leur a promis une fois élue de ranger ses opinions personnelles sur la question aux rayons des objets perdus. Et au final, Roberta Metsola a largement été élue au perchoir du parlement. Avec 458 voix…mais pas celles des Verts. Parce qu’ils ont la présidentielle en tête, les élus français de ce groupe dont Yannick Jadot candidat déclaré à l’Elysee ont poussé de toute leur force pour qu’il y ait aussi une candidate ecolo dans ce scrutin. Ce qui leur a permis de se démarquer de tous ceux qui n’ont pas eu de scrupules et qui étaient prêts à vendre leur âme pour quelques postes clé en plus. En l’occurrence ce sont les élus socialistes qu’ils avaient dans leur viseur.
Un débat monopolisé par les Français
Pour le deuxième set, on ne change pas de terrain mais on change les équipes. Avec la montée d’Emmanuel Macron, venu présenter les priorités de la présidence française du conseil de l’Union européenne. Le Président-pas-encore-candidat-mais-c’est-pour-bientôt allait planter les jalons de l’Europe pour les 10 ans à venir. On allait voir ce qu’on allait voir et de fait on a vu un hémicycle tout électrisé par la campagne électorale française. Avec des affrontements inhabituels dans une assemblée où les politiques cherchent traditionnellement le compromis pour faire avancer leurs idées.
C’est vrai que dans un pays où le Président ne vient jamais ni devant l’Assemblée nationale ni devant le Sénat, la visite d’Emmanuel Macron au Parlement européen est apparue comme une occasion en or pour ses opposants à la course à l’Elysée. Le face à face qu’a voulu installer Yannick Jadot dans l’hémicycle avec Emmanuel Macron sera sans doute pour lui la seule occasion de toute la campagne électorale de débattre avec le président. Les autres candidats aussi l’ont compris. Ils ont envoyé leurs porte-flingues faire le boulot. Les 2/3 des intervenants durant le débat étaient Français. Eclipsés, les autres eurodéputés ont juste compté les points. C’est le deuxième set du match. Et là disons que tout le monde a gagné, y compris le parlement européen puisqu’il a réussi à s’inviter dans les journaux télévisés. C’est une belle prouesse.
Conséquence, L’Europe se retrouve aujourd’hui au cœur du débat de la présidentielle française
Et ça n’est pas un hasard. L’Europe avait déjà été un marqueur fort de la campagne présidentielle de 2017. La recette avait plutôt bien fonctionné pour Emmanuel Macron, qui s’apprête à remettre le couvert en 2022. D’autant que les partis politiques français ont un rapport compliqué avec l’Union européenne. Avec des pro et des anti-européens dans chaque formation. Il n’y a guère que les macronistes qui assument ouvertement leur européanitude. Le président français le sait. Il a profité de sa tribune européenne pour tenter de réinstaller le clivage entre progressistes ouverts sur le monde et vilains nationalistes renfermés sur eux même. C’est le 3ème set de ce match. Il a commencé dans l’hémicycle strasbourgeois mercredi.
Résultat final le 10 avril, au 1er tour de la présidentielle
Mais à se retrouver au milieu du terrain, l’Europe ne risque-t-elle pas de se prendre des balles perdues ? Disons que c’est plutôt sain pour le débat démocratique que l’Europe joue les premiers rôles dans une élection nationale où elle fait généralement, au mieux de la figuration, au pire elle passe complètement aux oubliettes comme chez nous par exemple. Le vrai risque, c’est que les belles annonces d’une Europe plus forte, plus affirmée, plus juste prononcées par le président français dans l’hémicycle cette semaine ne soient que des promesses électorales. Si c’était le cas, la parole du président Macron, s’il est réélu, serait considérée hors jeu.