Vous avez peut-être rêvé, un jour, d'un parfum qui attirerait vers vous les filles, ou les garçons ? Et bien, cette arme de séduction massive existerait bel et bien. Il suffit de se rendre dans le premier sexshop venu.
Dans l'un d'eux où je me rends en caméra cachée, on me propose une dizaine de parfums à base de phéromones. La gérante m'explique : "C'est comme les phéromones naturelles, en fait! On va être attiré par une personne. On ne sait pas expliquer vraiment le pourquoi." Je prends le plus prometteur d'entre eux, celui dont les clients seraient très satisfaits selon la gérante. Il coûte dix-neuf euros pour cinq millilitres. Ce n'est vraiment pas donné. À près de quatre mille euros le litre, on s'attend à ce qu'il soit, un minimum, efficace. En collaboration avec des chercheurs du GIGA-Neurosciences et le GIGA-CRC In vivo Imaging de l'Université de Liège, une équipe de "On n'est pas des pigeons" l'a testé.
Julie Bakker, spécialiste des phéromones et chercheuse au FNRS, nous donne un premier avis sur la bouteille de parfum en question. "Je suis assez sceptique justement parce qu'il n'y a rien d'indiqué. Il n'y a rien de précisé. Il y a juste mis 'phéromone'. En fait, on ne connait que très peu les phéromones chez l'homme. En fait, je n'en connais qu'une. C'est la androstadiénone, dont l'effet a été prouvé. Ici, le mot 'phéromone', ils ne disent pas ce que c'est."
Avec l'aide de son équipe, nous allons mener une expérience dont l'objectif sera de vérifier le prétendu pouvoir d'attraction de ce parfum. Nous avons amené avec nous quatre fauteuils identiques. Pour l'expérience dite "de la salle d'attente", un seul de ces quatre sièges sera aspergé de parfum aux phéromones. Julie Bakker nous explique cette expérience bien connue : "Dans une salle d'attente, chez le dentiste, on a mis une phéromone sur une chaise pour regarder où les gens allaient s'asseoir, si c'était sur la chaise qui avait la phéromone ou pas. On a pu observer que les femmes préféraient en fait la chaise avec la phéromone et que les hommes restaient le plus loin possible de cette chaise-là." C'est cette expérience que nous allons reproduire avec le parfum aux phéromones artificielles.
Une salle d'attente truffée de caméras-cachées
Dans notre salle d'attente improvisée, nous allons recevoir quelques dizaines de jeunes hommes et de jeunes femmes en caméra-cachée. Marine Manard, chercheuse postdoctorale à l'Université de Liège nous explique la procédure. "Les gens sont invités à entrer. On va leur demander de s'asseoir quelques minutes le temps qu'on leur amène le questionnaire et on regarde où ils vont s'asseoir, s'ils choisissent la chaise traitée ou non traitée."
L'attirance par phéromones ne fait pas tout. On aurait tendance à choisir aussi un siège en fonction de sa position dans la rangée. Marine Manard a tout prévu. "Certaines personnes préfèrent la droite à la gauche, d'autres le milieu, d'autres l'extrémité. C'est assez variable. On regardera notamment dans nos résultats si on a effectivement une tendance à ce niveau-là qui se dégage et on contrôlera pour cet aspect-là effectivement."
Le siège parfumé changera en effet régulièrement de place pour passer par toutes les positions possibles. Les invités, quant à eux, ignorent bien entendu la véritable raison de leur venue. Nous les avons fait venir en prétextant mener une autre enquête.
Résultats inattendus
L'une des premières volontaires semble avoir flairer quelque chose. Elle renifle les sièges autour d'elle. A sa sortie, nous lui dévoilons la supercherie. Elle nous confie sa réflexion tenue cinq minutes plus tôt dans la salle d'attente : "La pièce en général sentait très bon et très fort, mais je ne peux pas dire qu'un côté particulièrement m'ait attiré plus qu'un autre, je ne pense pas."
Après une petite aération du local, l'expérience se poursuit et les volontaires se succèdent. Tous les cinq passages, nous modifions la position de notre fauteuil parfumé. Au total, nous arriverons à faire passer par notre salle d'attente pratiquement quarante personnes. Après quoi, Marine Manard fait les comptes. Les femmes, ont-elles instinctivement préféré le siège parfumé aux hormones ? Non ! Elles l'ont choisi moins d'une fois sur quatre, 20% d'entre elles pour être précis. Elles auraient donc même tendance à le fuir.
Les hommes seraient-ils, eux, comme attendu, repoussés par cette odeur ? Non ! Ils auraient, eux, tendance au contraire, à l'apprécier. 34% exactement aurait choisi le siège parfumé. Ce parfum aux phéromones destinés aux hommes voulant attirer la gent féminine pourrait donc même avoir un effet inverse à celui attendu. Mais ces tendances observées durant notre expérience ne sont pas significatives. Pour avoir des résultats plus probants, l'expérience menée aurait dû faire appel à beaucoup plus de volontaires. Ce qui est certain, c'est que ce parfum aux phéromones artificielles n'a pas prouvé le moindre de ses prétendus effets.
Désolé pour les séducteurs en manque d'arguments, mais pour le moment, la réalité est encore loin du fantasme.