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"Le mot en A" : une bande dessinée utile sur la question de l’avortement

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Par Fanny De Weeze*, une chronique pour Les Grenades

En 2023, prononcer le mot en A reste un sujet de débat épineux. Elizabeth Casillas, scénariste de bande dessinée, en a conscience et s’est alors penchée sur les raisons de cette controverse.

Sa bande dessinée, illustrée par Higinia Garay, Le mot en A, une histoire mondiale de l’avortement aborde de manière perspicace et avec une pointe d’humour un sujet délicat et nécessaire.

Un point théorique

En commençant par (ré)expliquer ce qu’est l’avortement, notamment en mettant en lumière les différences entre l’avortement spontané, thérapeutique, volontaire et l’avortement indirect, la bande dessinée apporte un éclairage utile pour ceux et celles qui pourraient encore avoir des doutes quant à certaines informations.

Mettre par écrit, avec des sources à l’appui, des renseignements vérifiés et vérifiables, demeure toujours essentiel, car les fausses informations sont monnaie courante, que ce soit dans les médias ou ailleurs.

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Viennent ensuite des chapitres qui, tour à tour, abordent les différentes typologies des femmes qui avortent. Sans surprise, cela touche toutes les franges de la population. La différence vient surtout de la classe sociale de ces femmes. L’autrice pointe du doigt le traitement inégal entre les femmes qui peuvent se permettre des avortements à l’étranger de manière sécurisée, tandis que celles issues d’un milieu plus modeste doivent se tourner vers des méthodes qui peuvent mettre leur vie en danger. Comme le souligne Elizabeth Casillas, "les femmes riches n’avortent pas, elles partent en vacances, les femmes pauvres n’avortent pas, elles meurent".

À la lecture de ces chapitres, on constate que, indépendamment du pays, les femmes sont soumises à des décisions qui devraient relever exclusivement de leur propre choix et responsabilité.

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Entre religions et pays

De tout temps, au sein de chaque religion, l’interruption volontaire de grossesse a été et reste toujours un sujet suscitant d’importantes réactions. L’autrice brasse les différents traitements de l’avortement par ces religions, oscillant entre hypocrisie et chasse à la sorcière, qui perpétuent un contrôle sur le corps des femmes. Entre stérilisations forcées pour certaines et interdiction totale pour d’autres, les pays et religions édictent des lois arbitraires en fonction des origines et des classes.

En ne se limitant pas à retracer l’évolution de l’avortement à travers le temps et les religions, Elizabeth Casillas opère un focus sur certains pays, notamment la France, mais aussi les États-Unis, où cette question de droit est en perpétuelle remise en question en fonction des états et des dirigeants.

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Ailleurs, on découvre que le Salvador possède une législation les plus restrictives au monde, "C’est simple : toute interruption volontaire de grossesse est interdite". Les dénonciations pour avortement sont fréquentes, de même que les grossesses non désirées chez des adolescentes, suite à des viols par des membres de la famille ou des voisins.

Ce panorama d’un pays à l’autre démontre que la lutte pour un accès sécurisé et protégé à une interruption de grossesse n’est toujours pas gagnée, et que des femmes sont encore victimes de lois liberticides.

De l’importance de cet essai graphique

Faire de ce sujet un essai graphique est une entreprise qui aurait pu s’avérer périlleuse, car encore aujourd’hui, le mot est souvent banni ou invisibilisé. Cependant, en combinant des couleurs vives, un graphisme moderne et des typologies percutantes, le tout avec un ton tantôt drôle, tantôt sérieux, la scénariste et la dessinatrice réussissent à composer une bande dessinée qui rassemble les informations importantes et nécessaires à la compréhension de cet enjeu sociétal et éthique.

Il est à noter qu’Elizabeth Casillas et Higinia Garay ont déjà collaboré sur la bande dessinée Todas nosotras édité chez Astiberri en 2020, qui décrit la réalité de l’avortement au Salvador.

Toutes deux engagées dans le combat contre les inégalités de genre et les violations des droits humains, elles démontrent, avec cette nouvelle sortie, l’engagement dont elles font preuve et la qualité dans ce qu’elles entreprennent.

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Pour aller plus loin

Si certains films n’osent pas aborder frontalement cette question en prenant des précautions ou en l’ignorant totalement, d’autres en ont fait leur sujet principal. On pourra citer comme films Grandma de Paul Weitz, L’une chante l’autre pas d’Agnès Varda ou encore L’événement d’Audrey Diwan (adapté du livre éponyme d’Annie Ernaux).

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Le mot en A, Elizabeth Casillas au scénario et Higinia Garay aux illustrations, Traduction de l’espagnol par Alice Gallori, Editions Steinkis, 24 août 2023, 18€, 144 pages.

*Fanny De Weeze est une lectrice passionnée qui tient un blog littéraire (Mes Pages Versicolores) depuis 2016 sur lequel elle chronique des romans, des essais et des bandes dessinées.

Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias

 

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