On ne peut que se réjouir de la bonne nouvelle : Bruxelles aura un nouveau musée et, qui plus est, installé dans l’élégant bâtiment de Citroën qui " illustre l’esthétique fonctionnaliste de l’architecture industrielle de l’entre-deux-guerres ".
Un point à développer
Mais annoncer comme l’ensemble enthousiaste de la presse bruxelloise du 8 mai 2014 que " nous aurons notre MoMa, notre Guggenheim… 16.000 mètres carrés d’art moderne et contemporain, avec entre autres, Picasso, Bacon, Dali, Miro… nous avons de l’ambition " est un tant soit peu téméraire. C’est pourtant l’annonce qu’a faite M. Rudi Vervoort, Ministre-Président du Gouvernement de la Région Bruxelles Capitale, en abrégé M.RVMPGRBC.
Il y a beaucoup de majuscules dans ce mot, mais rassurez-vous il y en aura moins par la suite. D’autant plus qu’à la question posée à M.RVMPGRBC par les journalistes de l’Echo du 8 mai :
" L’aspect contemporain sera-t-il uniquement composé des collections existantes ? " M.RVMPGRBC répond laconiquement " Ce point devra encore être développé ".
Quel art contemporain ?
Ben évidemment. Pour un point, c’est un tout petit point, parce qu’en fait d’art moderne, il doit y avoir deux Picasso (dont un petit qui a fait partie de la donation Goldschmidt), un beau Bacon, un beau Dali (pour autant qu’on aime cela), et sans doute l’un ou l’autre Miro. Et aussi quelques Delvaux, mais même plus de Magritte puisqu’ils sont ailleurs.
De toute manière, tout ça n’est pas de l’art contemporain et je doute qu’il y en aura du " bon " un jour. On peut en douter à voir la précipitation des musées belges à se rendre à Munich pour voir la collection d’art conceptuel et minimal d’Herman Daled. Est-il utile de rappeler qu’il n’y avait pas un seul conservateur belge qui s’est pointé, et que c’est le Moma de New York — et pas celui de Bruxelles auquel rêve tout haut notre M.RVMPGRBC— qui a acquis la collection Daled ?
Et d’ailleurs que peut-on voir comme art contemporain à Bruxelles ? Si vous introduisez les mots " musée art contemporain Bruxelles " sur le net, vous tombez en premier sur le Wiels, en deuxième seulement sur le Musée d’Art Moderne de Bruxelles (MaMb) avec l’avis suivant : " Collection d'art moderne et contemporain — Suite aux travaux en cours, seule une partie des collections du département d'Art moderne est actuellement visible, dans l'exposition ".
Et en première œuvre présentée sur le site du MaMb, on voit apparaître La mort de Marat de Jacques-Louis David, lui-même mort, mais de mort plus douce que Marat, et seulement en… 1825.
On comprend bien que le Musée soit fermé pour restauration, ou plus exactement, parce qu’on cherche un nouvel emplacement pour la collection d’art contemporain dans laquelle figure Jacques-Louis David, décédé il y a près de 200 ans. Le temps que le musée ouvre, le pauvre David sera mort depuis plus de 200 ans.
Mais je reconnais volontiers que La mort de Marat est un très beau tableau.
Victor Ginsburgh, professeur émérite (ULB)
Économiste, Victor Ginsburgh, est un des spécialistes de l'économie de la culture. Il a consacré à cette matière un manuel en anglais écrit en collaboration avec D. Throsby dont le deuxième volume en préparation. Il partage un blog avec l'économiste Pierre Pestieau