Cet article a été mis à jour le 16 janvier 2022 avec les résultats d'une étude anglaise comparant les résultats de 123 écoles où le masque était obligatoire à des écoles où il ne l'était pas.
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Cet article a été mis à jour le 16 janvier 2022 avec les résultats d'une étude anglaise comparant les résultats de 123 écoles où le masque était obligatoire à des écoles où il ne l'était pas.
La mesure prise par le Comité de Concertation du 3 décembre, est en train de diviser profondément la société belge : le port du masque rendu obligatoire, dès 6 ans, même à l’école est l’objet de nombreux débats sur son application, mais aussi sur son utilité. "Aucune étude ne montre son utilité" lit-on, ou encore "il n’y a pas de consensus scientifique sur la question". Qu’en est-il vraiment ? Que disent les études réalisées à ce sujet ? On essaie de faire le point, sous forme de questions.
Il y a très peu de consensus scientifique en général sur le Covid-19, par rapport à d’autres maladies. C’est dû à deux facteurs essentiels et liés : son apparition est récente, et les connaissances évoluent. On peut ainsi avoir des scientifiques compétents tirant des conclusions différentes des premières données en leur disposition, et changeant d’avis avec le temps. Pour avoir un consensus scientifique parfait, il faut en général du temps et beaucoup de recul sur les observations.
Sur l’efficacité des mesures prises pour enrayer la transmission de l’épidémie, c’est encore plus vrai : pour qu’une conclusion scientifique soit sans appel, il faut que les observations se déroulent dans des contextes rigoureusement identiques, et pouvoir ne changer qu’un seul paramètre. Dans la réalité, c’est tout à fait impossible, et ce que font les chercheurs, c’est de comparer les situations les plus semblables, tout en essayant de diminuer les biais.
Pour le port du masque, en particulier, il est par exemple vain de comparer des situations où l’incidence de départ (la circulation réelle) est très différente par exemple.
Il faut donc différencier deux concepts différents : le port du masque en tant que tel et l’OBLIGATION du port du masque.
Etant donné ce qu’on sait aujourd’hui sur la transmission du coronavirus, et en particulier sa diffusion par aérosol (ou micro-gouttelettes) il y a un consensus scientifique important sur le bénéfice POTENTIEL apporté par le port du masque : de nombreuses études en laboratoire ont montré qu’il peut atténuer la diffusion, tout comme retenir en partie les gouttelettes contenant du virus.
Il y a déjà moins d’unanimité sur la MESURE (ce que dans les études on appelle NPI’s pour Non Pharmatical Interventions) d’obligation du port du masque. Son efficacité peut en effet dépendre de nombreux facteurs :
On comprendra que ces difficultés sont encore aiguisées en ce qui concerne le port du masque dans des circonstances particulières : il est en effet encore beaucoup plus difficile d’isoler cette mesure appliquée dans les écoles, par exemple, par rapport à l’ensemble des mesures. La difficulté de faire appliquer correctement la mesure aux plus basses tranches d’âge complique également la lisibilité d’une mesure appliquée de façon générale "aux élèves" ou "aux enfants".
Une fois toutes les limites posées quant à la difficulté d’avoir des démonstrations scientifiques implacables, on peut tenter de se pencher sur les résultats des études réalisées sur ces questions… à condition d’avoir beaucoup de temps. Il y en a effet un nombre important, mais avec des objets sensiblement différents, et toutes ne disent pas la même chose.
Le grand danger est dès lors celui du "biais de confirmation", à savoir sélectionner celles qui vont dans le sens de notre objectif, de notre "croyance" préalable, voire de notre objectif politique. C’est ainsi que même des institutions réputées comme le Centre de Contrôle des maladies européen, le centre américain et l’Organisation Mondiale de la Santé ont des lectures et donc des recommandations différentes.
Pour schématiser, on peut dire que le Centre européen ne le recommande pas avant 12 ans, le CDC américain prône son utilisation dès 2 ans, tandis que l’OMS admet son utilisation de 6 à 12 ans dans des circonstances particulières qui le nécessitent.
Jusqu’à cet automne, il y avait assez peu de conclusions claires sur l’efficacité mesurée de masques en école primaire. Une synthèse élaborée par Public Health Ontario, se basant en juillet dernier sur une analyse systématique de la littérature scientifique sur le masque et les enfants en concluait que "peu d’études ont été menées directement sur l’efficacité du port du masque chez les enfants comme seule mesure de protection. Cependant, plusieurs études ont montré que l’obligation de porter un masque à l’école était associée à un taux plus faible de cas d’infection" au SARS-COV2, mais qu’il est "improbable que le port du masque pendant une activité physique extérieure soit utile".
Deux études américaines ont néanmoins depuis fait grand bruit. Une étude comparative, mise en avant par le CDC: elle analyse qu’en Arizona, au début de l’année scolaire 2021-2022, les risques d’une épidémie de Covid-19 associée à l’école étaient 3,5 fois plus élevés dans les écoles sans exigence de masque que dans celles avec une exigence de masque mise en œuvre au moment où l’école a recommencé.
Un autre rapport, également mis en avant par le CDC, a révélé qu’au cours des deux semaines suivant le début de l’école, la variation moyenne des taux de cas pédiatriques de Covid-19 était plus faible parmi les comtés avec des exigences de masque scolaire (16,32 pour 100.000 / jour) par rapport aux comtés sans exigence de masque scolaire (34,85 cas par 100.000/jour).
L’Institut de Santé Publique Ontarien précise toutefois bien que la plupart des études dans les écoles ont été menées "dans des établissements qui avaient mis en place plusieurs mesures de prévention et de contrôle : il était donc difficile de mesurer l’effet du port du masque à lui seul".
C’est d’ailleurs la conclusion d’une "méta-étude" portant sur 39 foyers dans des écoles de différentes parties du monde, et qui a tenté d’isoler les facteurs de risque ou au contraire de réduction de ce risque : le port du masque est associé à une diminution du risque de contracter une infection, mais surtout associé à la distanciation. Ce que met en avant l’étude, c’est d’ailleurs… l’effort communautaire (c’est l’individualisme qui est vu comme le plus gros facteur de risque).
Mais il faut préciser qu’un certain nombre d’études n’arrivent pas à constater une différence dite "statistiquement significative". Cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucun effet, mais cela veut dire que les différences constatées pourraient aussi s’expliquer par la marge d’erreur inhérente à ce type d’études: c'est le cas d'une récente étude anglaise menée dans 123 écoles en Angleterre qui utilisaient des masques et les comparait à d'autres qui ne l'ont pas fait pendant la vague Delta.
Les écoles où des masques ont été utilisés en octobre 2021 ont vu une réduction deux à trois semaines plus tard des absences de Covid de 5,3% à 3% – une baisse de 2,3 points de pourcentage. Mais dans les écoles qui ne l'utilisaient pas, les absences ont aussi diminué, passant de 5,3% à 3,6%, soit une baisse de 1,7 point de pourcentage.
Une différence considérée comme pas statistiquement significative: la plus grande réduction des écoles où des masques étaient portés pourrait être due au hasard, selon le gouvernement, à la base de l'étude.
Et surtout, signalons que la plupart des études consultées, hormis les dernières aux Etats-Unis, n’évaluaient pas le port du masque dans un environnement où un des variants préoccupants était présent.
Outre l’efficacité de la mesure, c’est surtout l’âge à partir duquel cette obligation de port est imposée qui est souvent discutée. Public Health Ontario a relevé six études portant sur le port du masque et le respect de la mesure en milieu scolaire. En général, on y mentionne que l’obligation de porter le masque est largement respectée, de 65% à 97%... mais avec des différences selon l’âge.
Ainsi dans une étude à Atlanta où les professeurs estimaient que le masque était porté adéquatement à 76,9%, le taux de conformité passait de 56,3% en prématernelle à 87,6%.
Le taux semble donc moins bon quand l’âge est plus bas, mais dans toutes les études il dépassait 50%.
D’autre part, une étude menée par questionnaire auprès de parents et pédiatres français relève qu'"étonnamment, selon les déclarations des parents, les enfants de 10 ans ont eu plus de difficultés à accepter le masque et à comprendre les raisons de le porter que les enfants de 6 ans. Ce résultat suggère que les parents ou les enseignants ont pris plus de temps pour expliquer les recommandations et les raisons aux plus jeunes. Une autre possibilité est qu’à 10 ans, les enfants commencent à être en pré-adolescence et s’opposent aux instructions".
Les études sur les inconvénients du masque souffrent des mêmes biais que celles sur les avantages produits : elles manquent souvent de recul et de point de comparaison objectif.
Dans un sondage en France auprès de 2954 parents d’enfants d’âge scolaire, 45,1% des répondants ont dit avoir observé des troubles d’élocution chez leurs enfants lorsqu’ils portent le masque. Mais l’étude n’a pu montrer aucun lien entre le port du masque chez les enfants et les troubles de l’élocution.
Divers sondages ont aussi attribué des éruptions cutanées au port du masque, sans que le lien puisse être validé faute de comparaison.
Selon l’étude française citée plus haut, "un peu plus du quart des enfants ont ressenti une gêne respiratoire attribuée au masque".
27% des parents d’enfants portant un masque ont signalé un inconfort visuel causé par des lunettes embuées… soit la totalité des enfants portant des lunettes.
Des troubles de l’humeur étaient aussi fréquemment mentionnés, mais selon les pédiatres "ces troubles étaient plus probablement liés à la période anxieuse et stressante de la pandémie qu’au port du masque lui-même".
La conclusion de l’étude française est que "les effets secondaires relevés par les parents étaient fréquents, même s’ils étaient souvent bénins. Il est à noter que les effets secondaires ont été considérablement réduits lorsque les parents ont adhéré à la mesure de port du masque. Par conséquent, les parents doivent être motivés en renouvelant constamment les explications à leurs enfants et la justification de cette stratégie".
On ne s'est penché ici que sur les côtés sanitaires de l'obligation du port du masque à l'école, pas du côté pédagogique et encore moins politique, à savoir la priorité ou pas par rapport à d'autres mesures. Pour résumer:
Une chose semble certaine : c’est que l’efficacité éventuelle d’une obligation de port du masque semble liée à la façon dont on communique sur celle-ci.
Parmi les personnes qui la réclamaient comme chez ceux qui la désapprouvaient, on sent désormais un appel à l’apaisement.
Du côté de la ministre Caroline Désir, qui n’en voulait pas pour des raisons de bien-être et d’apprentissage des enfants, on s’est résigné à appliquer la mesure décidée en plus haut lieu, sans polémiquer, en appelant chacun au dialogue, et surtout à ne pas se retourner contre les directions d’école prises entre deux feux.
Un partisan du port du masque comme le psychopédagogue Bruno Humbeeck insiste, lui, sur la façon de présenter la mesure. Son maître-mot est surtout "dédramatiser": "Si l’on veut que nos enfants soient détendus et bénéficient de l’environnement éducatif serein dans lequel ils ne demandent qu’à grandir, il faut à tout prix y éviter les crispations identitaires exacerbées et les sources d’anxiété inutiles qui ont une fâcheuse tendance, dans cette période de communication à tout-va où chacun y va de son opinion pour prendre l’ascendant sur celle des autres, à se démultiplier…"
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