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"Le mal est de retour" : décryptage de l’allocution de Volodymyr Zelensky, 77 ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale

© Capture d’écran YouTube

Par Maud Wilquin

Le 8 mai 1945 marque la fin de la Seconde guerre mondiale dans une série de pays dont la Belgique. Ce jour-là à 23h01, un document actant la victoire des alliés sur l’Allemagne nazie était officiellement signé. Mais avec le décalage horaire, il est déjà 00h01 en Ukraine.

Pour cette raison, le gouvernement ukrainien décidait en 2015 d’instituer le Jour du Souvenir et de la Réconciliation en l’honneur des victimes de la Seconde Guerre Mondiale le 8 mai, mais de ne célébrer le Jour de la Victoire que le 9 mai.

Si le jour férié est donc prévu demain, c’est bien ce dimanche que Volodymyr Zelensky a tenu une allocution, disponible sur le site officiel de la présidence ukrainienne. Décryptage.

"Le mal est de retour"

Dans la première partie de son discours, le président ukrainien commence par établir des parallèles entre les événements qui se sont déroulés lors de la Seconde Guerre Mondiale et les bombardements que subit l’Ukraine depuis maintenant deux mois et demi. "Chaque année, le 8 mai, avec l’ensemble du monde civilisé, nous honorons tous ceux qui ont défendu la planète contre le nazisme pendant la Seconde Guerre Mondiale. Des millions de vies perdues, des destins estropiés, des âmes torturées… des millions de raisons de dire au mal : ‘Plus jamais ça !’", déclare le président. Mais le 24 février dernier, "le mot ‘jamais’a été effacé […] par des centaines de missiles à 4 heures du matin. Nous avons entendu ‘encore une fois’."

Pendant les deux années d’occupation, les nazis y ont tué 10.000 civils. En deux mois d’occupation, la Russie a tué 20.000 personnes.

"Nos villes, qui ont survécu à une occupation si odieuse que 80 ans ne suffisent pas à l’oublier, subissent la deuxième occupation de leur histoire. Et certaines villes comme Marioupol en subissent leur troisième", enchaîne Volodymyr Zelensky. "Pendant les deux années d’occupation, les nazis y ont tué 10.000 civils. En deux mois d’occupation, la Russie a tué 20.000 personnes."

Pour le dirigeant ukrainien, une "reconstruction sanglante du nazisme" a été organisée en Ukraine. La Russie tente de "surpasser le maître" et de le "faire sortir du piédestal du plus grand mal de l’histoire de l’humanité" en établissant un "nouveau record mondial de xénophobie, de haine, de racisme et du nombre de victimes qu’ils peuvent causer. Le mal est de retour."

"L’une des stratégies de la Russie était de présenter l’Ukraine comme un pays nazi. Contrairement à ces discours, Volodymyr Zelensky repositionne son pays comme étant un pays anti-nazi", décode Barbara De Cock, professeur à l’UCLouvain et spécialiste des discours de guerre. "Il essaie à nouveau de suggérer que les faits qui se déroulent en Ukraine actuellement sont aussi graves que ceux qui se sont déroulés pendant la Seconde Guerre Mondiale."

Sensibiliser la communauté internationale

Par la suite, Volodymyr Zelensky s’adresse principalement à la communauté internationale. "Il fait référence aux attaques qu’ont connues différents pays européens pendant la Seconde Guerre Mondiale et cherche à faciliter l’identification du public aux victimes qu’il y a eu en Ukraine, principalement civiles, et à consolider la solidarité", affirme Barbara De Cock. "Cela fait écho aux discours qu’il a faits dans les Parlements nationaux et dans lesquels il cherchait à établir des liens avec d’autres guerres."

"Le peuple britannique n’a pas oublié comment les nazis ont anéanti Coventry en le bombardant 41 fois. Comment sonnait la ‘Sonate au clair de lune’de la Luftwaffe lorsque la ville était bombardée en continu pendant 11 heures. Comment son centre historique, ses usines, sa cathédrale Saint-Michel ont été détruits", a par exemple comparé Volodymyr Zelensky.

Et de continuer les comparaisons : "Les Britanniques ont vu des missiles frapper Kharkiv, ont vu comment son centre historique, ses usines et la cathédrale de l’Assomption ont été endommagés. Ils se souviennent que Londres a été bombardée pendant 57 nuits d’affilée. Ils se rappellent comment le missile V-2 a frappé Belfast, Portsmouth, Liverpool. Et ils voient des missiles de croisière frapper Mykolaïv, Kramatorsk, Tchernihiv. Ils se souviennent comment Birmingham a été bombardée. Et ils voient sa ville sœur Zaporizhzhia être endommagée."

"Imaginez que les gens se couchent dans chacun de ces appartements, se souhaitent bonne nuit, embrassent leurs proches, ferment les yeux. Ils ne savent pas que dans quelques heures, certains ne se réveilleront jamais.", a ajouté le président ukrainien.

Fédérer les Ukrainiens

Dans la seconde partie de son discours, Volodymyr Zelensky semble cette fois davantage s’adresser à son peuple. "Tout mal se termine toujours de la même manière", affirme-t-il. "Il se termine. […] Et la preuve de cela s’appelle 'Werewolf'. C’est l’ancien quartier général et le bunker d’Hitler près de Vinnytsia. Et il n’en reste que quelques pierres. Les ruines d’une personne qui se considérait comme grande et invincible. Ceci est un guide pour nous tous et les générations futures. […] La vérité l’emportera et nous surmonterons tout !"

"Ici, Volodymyr Zelensky suggère qu’ils vaincront cette guerre comme ils l’ont fait pour la Seconde Guerre Mondiale", analyse encore Barbara De Cock. "Mais la défaite d’Hitler était la cause de nombreux facteurs. Je ne sais donc pas à quel point il considère qu’il anéantira le président russe, Vladimir Poutine." conclut l’experte.

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