Cette volonté de diversité n’a jamais été aussi pertinente qu’aujourd’hui, 77 ans après les débuts d’un Journal Tintin qui affichait précisément une diversité de styles. "Le socle de notre histoire, cela reste les séries ; de vrais héros et de vraies héroïnes qui puissent revenir, s’installer, grandir… C’est ce qu’on privilégie. Mais en même temps, (le Journal) Tintin ne se limitait pas à Cubitus et Ric Hochet. Il y avait déjà cette richesse et cet éclectisme, avec Andreas et Comès notamment. Désormais, on ne veut plus se fermer à un projet qui nous semble pertinent sous prétexte que ce ne serait pas assez 'Lombard'", explique Gauthier Van Meerbeeck, actuel directeur éditorial. Les racines ne sont pas oubliées et les récentes sorties de la maison font la part belle aux reprises. Une nouvelle aventure de Corentin sur un scénario de Jean Van Hamme voit ainsi le jour. Des héros phares comme Ric Hochet ou Bob Morane sortent également dans une version rafraîchie. Tout récemment, c’est Tebo qui a revisité l’univers des lutins bleus dans "Qui est ce Schtroumpf ?"
Toute cette production ne doit toutefois pas contrevenir à la volonté affichée depuis une douzaine d’années par les responsables actuels de réduire la voilure. Le nombre de sorties annuelles est ainsi passé de 135 albums à 70 aujourd’hui. Ce régime sec fait la fierté du directeur éditorial. "On n’a jamais eu un chiffre d’affaires aussi élevé, on est plus rentable et on a plus d’auteurs qu’avant qui atteignent un seuil de vente permettant de percevoir des droits d’auteur", avance-t-il. Le marché de la BD est plombé par une surproduction depuis une vingtaine d’années, assène-t-il. "Les ventes moyennes d’un premier tome, d’une nouveauté, ont été divisées par trois en trente ans parce qu’on a multiplié par trois la production. Or, la BD est un marché stable, pas en croissance. La fuite en avant, ça nuit à tout le marché. Les gens n’en peuvent plus. Il y a des caisses de nouveautés toutes les semaines." Auteur expérimenté, Dany (Olivier Rameau…) dresse un constat similaire. "Les éditeurs adoptent une pratique de filets dérivants. Ils pêchent des tas de trucs et tout ce qui ne marche pas, ils le rejettent à l’eau. Ils inondent le marché avec des choses qu’ils ne lisent même pas."
Avec 2 millions d’exemplaires vendus l’an dernier, le Lombard est un acteur important dans le monde de l’édition de BD, aux côtés notamment de ses confrères chez Média-Participations : Dargaud et Dupuis. Portée par ses héros historiques (Thorgal, Yakari…), la maison bruxelloise peut aussi compter sur des blockbusters plus récents comme "Les enfants de la Résistance" (352.000 exemplaires écoulés en 2022) ou "Elles" (plus d’un demi-million d’exemplaires après trois tomes).