Nous les Humains, c’est la vue, la parole, l’ouïe ou le toucher qui nous aide à communiquer entre nous et avec le monde extérieur. Mais pour beaucoup d’espèces animales, c’est l’odorat qui est le principal langage. Beaucoup d’insectes ou d’animaux marins communiquent grâce à des molécules odorantes qui leur transmettent des informations sur leur environnement et sur les menaces qui les entourent. "Les odeurs sont leurs propres mots", explique François Verheggen, professeur de zoologie à l’Université de Liège. Sa passion et son principal sujet d’étude : les pucerons ! Et c’est comme entomologiste qu’il a été amené à participer à une étude internationale sur les perturbations de la communication chimique entre les organismes vivants. Perturbations provoquées par les dérèglements climatiques.
Des chercheurs de l’université de Hull en Ecosse, de Plymouth en Angleterre, d’une université allemande et de l’Université de Liège ont publié une étude qui met en évidence les effets potentiellement dramatiques du réchauffement climatique sur les modes de communication par l’odeur de certaines espèces.
Les pucerons rendus muets
Exemple : les pucerons de François Verheggen, qui raconte : "Ils n’ont qu’un seul moyen de défense contre leurs prédateurs, leur nez ! En l’occurrence, ce n’est pas un nez mais des antennes qui détectent de loin l’odeur d’une coccinelle par exemple."
L’expert a notamment pu remarquer, dans un exemple concret, que les communications entres ces insectes pouvait être perturbées : "Normalement, quand ils entendent arriver leur ennemi juré, ils lancent un cri d’alarme sous forme de molécules qui sont dispersées dans l’environnement. Les autres pucerons perçoivent cet avertissement et se laissent tomber des plantes sur lesquelles ils se trouvent et se mettent à courir dans tous les sens pour échapper à la coccinelle. Ça marche plus ou moins bien mais cela les protège quand même."
Néanmoins, ce mécanisme de protection semble moins efficace avec le réchauffement climatique. La force du signal d’alarme diminue à cause de l’augmentation globale de la chaleur. Celle-ci provoque une plus large et plus rapide dispersion des odeurs et donc une perception moins efficace : "Nous avons constaté durant l’étude que ce cri d’avertissement est moins perceptible, la 'sirène d’alarme' marche moins fort. Les pucerons ne perçoivent plus le danger à temps et se font dévorer." précise François Verheggen.
Déséquilibre de la chaîne alimentaire
Cette observation ne s’arrête cependant pas aux pucerons, d’autres espèces animales sont également touchées : "Les autres chercheurs qui ont participé à cette étude font le même genre de constat pour les animaux marins. Les moules émettent désormais des odeurs plus fortes dans l’eau, ce qui les rend plus repérables pour leurs prédateurs comme l’écrevisse ou le crabe. Et ce phénomène serait dû à l’acidification de l’eau, liée à la pollution marine."