Monde Europe

Le Kubb, premier ordinateur construit en Europe : un pas vers l’indépendance électronique ?

Launch Of Kubb, A French Square PC In Paris

© 2014 Chesnot

Est-il possible de produire un ordinateur (de A à Z) en Europe ? Au premier abord cela semble difficile. Prenons, par exemple, le microprocesseur, véritable cœur du système, ils sont pour les plus connus d’origine américaine (Intel ou AMD). Idem pour d’autres composants. On estime que seules 9% des puces électroniques fabriquées dans le monde sont réalisées en Europe.

Cela n’empêche, on peut assembler et construire un PC en Europe. Et c’est ce que propose justement une entreprise française. Bleu Jour, c’est le nom de la société qui produit depuis une vingtaine d’années des ordinateurs et notamment le KUBB, un PC de forme cubique dont la coque peut être personnalisée à souhait et qui dispose d’une connectique confortable.

L’entreprise a présenté ce mardi à l’European Institute of Innovation & Technology à Bruxelles "son premier ordinateur build in Europe". Autrement dit, le premier ordinateur construit en Europe. Pour être plus précis, la carte mère (élément sur lequel viennent se greffer le reste des composants : processeur, mémoire, disque, carte vidéo, etc.) est fabriquée en France et le tout est assemblé dans un établissement et service d’aide par le travail, toujours dans l’hexagone. Le prix pour le premier modèle de cet ordinateur est annoncé à 490 euros.

Sur le papier, le PC offre tout ce qu’il faut. Hugues Bersini, professeur d’informatique à l’Université Libre de Bruxelles estime sur base d’éléments communiqués ce mardi par la société Bleu Jour que : "c’est quand même un projet assez séduisant. Il y a un design assez audacieux. Il y a la possibilité d’un assemblage un peu original qui permet de changer assez facilement les composants fondamentaux que sont les processeurs et les cartes graphiques. Il y a donc une souplesse dans la mise à jour de l’appareil. La connectique est bien pensée. […] Il y a ce côté facilité d’usage et beauté du look. […] On ne peut que s’en réjouir".

Ordinateur européen ?

Dans le cas du Kubb (version 2022 avec la nouvelle carte mère) l’ordinateur de la société Bleu Jour nous explique son PDG, Jean-Christophe Agobert : "toute la partie structurelle, le châssis, la peinture et l’assemblage sont réellement faits en France auquel on a maintenant ajouté une carte mère fabriquée en Europe (auparavant cet élément provenait d’Asie). Donc ça en fait un ensemble complètement produit en Europe." Pour le PDG, pas de doute : "on peut parler d’un ordinateur européen".

Quant aux composants essentiels que sont le microprocesseur et la carte vidéo, ils sont fournis par la société américaine Intel, précise-t-il. A quoi il ajoute que l’Europe a un retard certain en matière de fabrication de composants. "Avant d’avoir un produit cent pour cent français ou européen, il va falloir encore quelques années".

Etre moins dépendant

Rappelons aussi que lors de la crise sanitaire, la pénurie de puces électroniques n’est pas passée inaperçue. D’où également une question de dépendance qui se pose dans ce secteur.

Face à ce constat, Il y a quelques mois, l’Union européenne a d’ailleurs annoncé sa volonté de voir débloqués l’équivalent de 43 milliards d’euros sous forme de subvention, d’aides d’Etat et de fonds de soutiens pour permettre à l’Europe de réduire sa dépendance vis-à-vis de l’Asie et des Etats-Unis au niveau de la fabrication de semi-conducteurs.

Notons qu’Intel annonçait récemment qu’elle pourrait investir jusqu’à 80 milliards d’euros en Europe pour la production de puces.

Si la société Bleu Jour fabrique des PC depuis 2002, c’est en 2018 qu’elle envisage de devenir autonome pour la fabrication de sa carte mère. "Je pense qu’à terme la réindustrialisation passera par plusieurs étapes. Aujourd’hui on va souder des composants sur une carte mère. Sûrement qu’à terme il y aura d’autres choses qui vont arriver, on l’espère… qui feront que les ordinateurs ou d’autres machines seront de plus en plus européanisés et de réduire notre dépendance avec certains pays", explique Jean-Christophe Agobert. Et lorsqu’on lui demande s’il pense que l’Europe pourra un jour produire son microprocesseur ? Il répond sans hésiter "on a beaucoup de retard, mais pourquoi pas?".

Lorsque Hugues Bersini donne son cours à l’ULB intitulé "les fondements de l’informatique", il doit passer plus de temps sur les composants essentiels d’un ordinateur que sont : le processeur, la mémoire, la carte graphique, etc. Ces éléments sont les plus sophistiqués et les plus difficiles à réaliser. Ils dépendent d’une quantité importante de matériaux et demandent une technologie de pointe pour les réaliser. Pour l’Europe, il ne sera pas facile de concurrencer cette fabrication qui pour l’essentiel se trouve aux Etats-Unis ou en Asie.

Dire qu’on pourra devenir totalement indépendant de "monstres technologiques" que sont certaines compagnies asiatiques et américaines, Hugues Bersini a un doute.

Economie européenne

Ce projet permet, au niveau économique, de rapatrier une production et de faire travailler des entreprises en Europe, explique le PDG de l’entreprise Bleu Jour. Selon Jean-Christophe Agobert, produire en France ne revient pas forcément plus cher qu’en Asie. Et il donne l’exemple suivant : pour une configuration (processeur Intel Core™ i3, 8 Giga de Ram et 500 Giga de SSD) que le fabricant français proposait à 650 euros, le prix n’a augmenté que de 25 euros avec la nouvelle carte mère (et la même configuration). Sans oublier que cela permet à cette société d’être plus flexible et de profiter d’une liberté dans la fabrication et la livraison (pas de quantité minimum de production, par exemple).

Et puis, il y a aussi un aspect écologique, puisqu’on évite aussi, en fabriquant et en assemblant sur le sol européen, une partie du transport de marchandises.

Deux OS proposés

L’entreprise française propose ses ordinateurs avec deux options quant au système d’exploitation. Soit la machine est livrée avec un système Linux (Open source), soit avec Windows.

L’avenir

Le fabricant français espère sortir un nouvel ordinateur en 2023 avec une nouvelle génération de carte mère. Mais aussi, améliorer son réseau de distribution européen et international et s’implanter aux Etats-Unis l’année prochaine.

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