Depuis les premiers jours de l’invasion russe en Ukraine, les acteurs du Centre d’art contemporain Dakh, situé à Kiev, tiennent un journal vidéo pour exprimer leurs craintes et leurs espoirs.
L’une des comédiennes a tenté de se mettre à l’abri à Lviv, à l’Est de l’Ukraine, avec sa famille. Une autre se trouve à Oujhorod, à la frontière slovaque. D’autres se sont réfugiées en Pologne ou en Allemagne. Et certains sont toujours à Kiev, la capitale assiégée.
Depuis l’invasion russe en Ukraine, les protagonistes du Centre d’art Dakh ("toit" en français), écosystème qui rassemble des comédiens et des groupes de musique (comme DakhaBrakha, célébré en Europe et aux Etats-Unis), se retrouvent dispersés sur le territoire ukrainien et à l’étranger.
Andrii Palatnyi, l’administrateur du théâtre depuis 2016, a demandé aux membres de la troupe de publier leur ressenti sous forme de courtes vidéos. Cinq comédiens se voient ainsi réunis dans un Journal de guerre que la RTBF publie dans le cadre de son marathon culturel avec l’Ukraine.
La comédienne Sofia Baskakova nous raconte son hésitation à rester à l’abri "dans les montagnes ukrainiennes" où elle se trouvait en résidence, ou à rentrer à Kiev auprès de son compagnon. Volodymyr Luitykov se questionne quant à lui sur la soudaineté de la guerre, survenue deux jours avant l’anniversaire de ses 37 ans. Nous pouvons aussi entendre les récits de Nadiia Golubtsova, d’Igor Dymov, qui s’est engagé dans la défense civile depuis sa vidéo tournée le 3 mars, et de Valentyna Melnyik, la cadette de la troupe, 18 ans seulement (photo qui illustre cet article).
Plus qu’un théâtre, une maison
Sous l’égide du metteur en scène Vlad Troitskyi, ces comédiens vivent habituellement en semi-communauté au Dakh, qui ressemble plus à une maison qu’à un théâtre. La salle de spectacle ne compte ainsi que soixante places. "Personne ne vous paye pour le travail que vous allez effectuer ici. Vous le faites parce que vous en avez besoin", peut-on entendre dans un documentaire publié par la plateforme Ukraïner en 2020. On y suit le quotidien de la troupe et les méthodes de direction de Troitskyi, qui pousse ses acteurs dans leurs retranchements pour créer une forme d'"art vrai". Avant les représentations, les acteurs ne sont ainsi jamais "totalement prêts" pour laisser place à l’improvisation, comme nous l’a expliqué l’administrateur Andrii Palatnyi.
Lui a fait le choix de rester à Kiev avec le comédien Volodymyr Luitykov, ancien marionnettiste qui a rejoint la troupe en 2019. Les deux hommes passent leurs journées à renforcer les grandes fenêtres du bâtiment pour le protéger en cas d’explosion, et apportent leur aide en mettant le Dakh à disposition des citoyens sur le départ, qui s’en servent comme lieu de ralliement.
"Tous les jours, nous entendons les sirènes. C’est beaucoup de peur, de doutes", exprime Andrii Palatnyi. Avant de nous confier qu’il n’hésitera pas, pour défendre son théâtre, à prendre les armes.