Un peu d'histoire
"Le jeu de société pour les adultes a été décomplexé fin des années 80, début des années 90, avec des jeux comme le Trivial Pursuit ou le Pictionnary, qui datent un peu aujourd'hui, explique Michel Van Langendonckt . Ensuite avec la popularisation des jeux vidéo auxquels tout le monde joue. Et puis on a redécouvert le plaisir de jouer autour d'une table, via les 17-35 ans, il y a une nouvelle génération qui reprend face à ces jeux d'édition contemporaine, plutôt de tradition allemande, très diversifiés."
L'Allemagne était référence en matière de jouets dès le XIXe siècle et a redéveloppé une culture du jeu de société moderne après la seconde guerre mondiale, où il n'était plus question évidemment de faire du war game. C'était donc des mécaniques plutôt que des thématiques guerrières, mais c'était aussi surtout en allemand... Depuis les années 90, des traductions existent. Des éditeurs de jeux francophones et anglophones s'y sont mis aussi. On parle aujourd'hui d'eurogames.
Le jeu comme vecteur de communication
Thibaut Quintens, fondateur de Let’s play together, est un grand fan de jeux de société et a même voyagé à travers le monde avec des jeux. Il a ainsi pris conscience que le jeu est quelque chose d'universel et d'universellement partagé. Il peut être échangé quelle que soit la culture, ou la langue, la religion, l'âge. Des émotions et du plaisir se partagent et transcendent la communication.
Le pari de départ était de prouver jusqu'où le jeu de société peut aller, au-delà de la langue, pour entrer en lien et partager quelque chose. Une fois le plaisir du jeu partagé, il y a tellement de choses qui s'ouvrent, se réjouit-il.
Quel jeu proposer ?
Michel Van Langendonckt constate que le public des ludothèques est en pleine évolution, avec des adultes qui recherchent des jeux plus spécifiques. Il faut faire une sélection parmi les mille jeux qui paraissent sur le marché francophone. Il y a beaucoup de redondances et de jeux qui ne s'installent pas dans la durée. Les ludothèques privilégient la qualité plutôt que la quantité. Les gens recherchent de nouvelles expériences ludiques. Mais pour les novices, il est toujours possible aussi de redécouvrir en ludothèque tous les jeux existants.
Tout le monde n'aime pas tous les jeux mais tout le monde aime potentiellement jouer à certains jeux. Donc il est important de pouvoir goûter à beaucoup de choses différentes. C'est avant tout une question d'éducation. Si on apprend assez tôt à jouer en famille, le choix se fait naturellement. On s'éduque progressivement, on apprend à jouer.
Une tendance actuelle est le jeu coopératif : le concept est de jouer tous ensemble contre le jeu. On assiste alors une fusion du groupe, une énergie intense autour de l'objectif qui consiste à battre le jeu. Les jeux de communication font la part belle à l'échange, en oubliant les scores et les points.
Le jeu apprend-il à l'enfant à se structurer ?
L'être humain se construit par le jeu, nous rappelle Michel Van Langendonckt. Toute la psychologie du développement, des apprentissages passe assez naturellement par le jeu, par l'appropriation du jouet par l'enfant. On passe après au jeu à règles et, par l'accompagnement, il va apprendre à respecter les règles, à se confronter à la réussite et à l'échec, et donc à vivre ensemble.
Il ne faut pas laisser gagner l'enfant mais il faut choisir des jeux qui lui permettent de jouer à égalité, comme les jeux de mémoire par exemple, qui mettent l'adulte en difficulté face à l'enfant. L'enfant ne se sentira donc pas amoindri. C'est une bonne porte d'entrée vers le jeu familial. Et progressivement, diversifier les mécaniques et surtout jouer à égalité, et devoir se battre, et éprouver du plaisir à jouer avec l'enfant.
Thibaut Quintens était un très mauvais perdant étant jeune. C'est par l'accompagnement et le temps consacré au jeu qu'il a modifié son comportement. L'expérience de l'échec doit se vivre et se revivre, et c'est vrai pour tout. Et le jeu enseigne des règles - la patience, attendre son tour, respecter l'autre, respecter les règles ou les codes ; ce sont des choses qui se reproduisent dans la vie bien au-delà des jeux de société. Le jeu est pour cela plus que capital : "Je ne comprends pas pourquoi le jeu n'est pas encore un outil culturel comme le livre."
Apprendre le jeu
La Haute Ecole de Bruxelles-Brabant propose depuis 5 ans une section en sciences et techniques du jeu.
On y enseigne à créer des jeux, avec un axe de Game Design, un autre de ludo-pédagogie, de ludothéconomie, ludologie, socio-anthropologie, histoire...
C'est un diplôme à part entière qui s'adresse à tout personne qui a déjà un diplôme d'études supérieures, qui voudrait utiliser le jeu dans sa pratique quelle qu'elle soit, pédagogique, sociale, para-médicale, ou dans les secteurs des métiers du jeu et du jouet. C'est une formation à horaire adapté, pour permettre aux personnes qui travaillent déjà de suivre cette formation.
Let’s play together est un laboratoire de ré-enchantement par le jeu. L'asbl propose des stages, des animations, des ateliers, des formations, des conférences, des expositions,...et véhicule l'image du jeu comme moyen de lien et de communication universel. Elle rassemble plusieurs personnes d'horizons et d'univers variés qui se complètent et se retrouvent autour du jeu de société comme moyen d'expression et de rencontre.