Le groupe des cinq, l’âme de la musique russe
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Le groupe des cinq, l’âme de la musique russe

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Par Clément Holvoet

    A l’instar du groupe des six en France, le groupe des cinq en Russie rassemble cinq compositeurs russes, romantiques et post-romantiques, actifs dans la seconde moitié du XIXe siècle. L’objectif de ces compositeurs était de créer une musique russe, une musique nationale. Clément Holvoet nous propose une plongée dans l’univers de ce groupe des cinq et nous présente chacun de ses membres.

    Puissant petit groupe

    Le groupe des cinq rassemble cinq compositeurs russes, romantiques et post-romantiques, qui ont été actifs dans la seconde moitié du XIXe siècle, dont l’objectif était de créer une musique russe, nationale, loin des Conservatoires de musique et de leur académisme, et dans l’idée de se démarquer de la musique occidentale. Dans ce groupe des cinq, nous retrouvons Alexandre Borodine, César Cui, Mili Balakirev, Modeste Moussorgski et Nikolaï Rimski-Korsakov.

    Ce nom de Groupe des 5 n’est en fait qu’une traduction francophone, le groupe s’appelait, en russe, "Puissant petit groupe". Un nom que l’on doit au critique d’art et journaliste russe Vladimir Stassov, fervent soutien du groupe. Ces cinq compositeurs étaient tous autodidactes. Ils se réclamaient de M. Glinka, considéré comme le fondateur de la musique russe.

    Il faut savoir qu’à cette époque, la Russie était encore très francophile et Glinka écrivait ses opéras en langue russe et ses mélodies s’inspiraient de la musique populaire de son pays.

    Nikolaï Rimski-Korsakov

    Rimski-Korsakov

    Nikolaï Rimski-Korsakov était le plus jeune du groupe et aussi celui qui acceptera, finalement, un poste au Conservatoire de St-Pétersbourg, allant donc à l’encontre des préceptes du groupe qui se voulait libre. Cela lui a tout de même permis de former des compositeurs tels que Stravinsky, Glazounov ou Prokofiev.

    Considéré comme un génie de l’orchestration – il est l’auteur du fameux Vol du Bourdon – Rimski-Kosakov brille en Occident par ses pièces symphoniques, et, dans une moindre mesure, par ses opéras, qui sont pourtant au nombre de 12. Rimski-Korsakov était un travailleur acharné, il révisait sans cesse ses œuvres et était très critique avec son propre travail.

    Il était à l’époque l’un des compositeurs les plus connus et les plus appréciés en Russie, avec Tchaïkovski. Ce qui les différencie, et qui fait que le succès de Rimski est moins international que son compatriote, c’est que Tchaïkovski était plus occidentalisé dans son travail et ses compositions. Rimski-Korsakov était russe à 100% et sa musique en témoigne, particulièrement ses opéras avec un livret en russe, ce qui n’aidait pas une diffusion large. La musique de Rimski-Korsakov, c’est le cœur slave qui parle.

    Alexandre Borodine

    Alexandre Borodine

    Alexandre Borodine était l’aîné du groupe des cinq, au moment de la constitution du groupe vers 1861. Comme ses compagnons et collègues, il est autodidacte. Une autre des particularités de Borodine est qu’il composait par passion et non par métier. Il exerçait d’ailleurs un tout autre métier, celui médecin-chimiste. Et il continuera à mener de front sa carrière scientifique autant que son activité de compositeur durant toute sa vie.

    C’est d’ailleurs en tant que médecin qu’Alexandre Borodine rencontre Modeste Moussorgski – autre membre du groupe des cinq – en 1857, car ce dernier se faisait soigner à l’hôpital militaire où travaillait Borodine.

    Borodine rencontre, au fil de son parcours, Franz Liszt, qui fera jouer sa première Symphonie. Si Rimski-Korsakov était un compositeur prolifique, ce n’était pas le cas de Borodine, qui nous laisse qu’une vingtaine d’œuvres, parmi lesquelles son poème symphonique Dans les Steppes d’Asie Centrale mais aussi deux quatuors, deux symphonies et son opéra, œuvre majeure bien qu’inachevée, le Prince Igor. Ce sont ses collègues et amis Glazounov et Rimski-Korsakov qui achèveront le travail de cette partition mûrie pendant près de 20 ans.

    Borodine était un mélodiste à nul autre pareil, ses influences occidentales sont réelles, Mendelssohn, Schumann et Chopin, mais aussi Wagner, ou Bellini, mais pour autant, sa musique est pétrie de l’âme russe et du folklore slave.

    César Cui

    César Cui

    Le compositeur César Cui est chargé de rédiger le manifeste du Groupe des cinq. Celui-ci est lapidaire, et tient en ces quatre points :

    • La nouvelle école veut que la musique dramatique ait une valeur propre de musique absolue, indépendamment du texte qu’elle accompagne. Un des traits caractéristiques de cette école est de s’insurger contre la vulgarité et la banalité.
    • La musique vocale, au théâtre, doit se trouver en parfait accord avec la signification du texte chanté.
    • Les formes de la musique lyrique ne sont nullement déterminées par les moules traditionnels de la routine : elles doivent naître librement, spontanément, de la situation dramatique et des exigences particulières du texte.
    • Il est essentiel, fondamental, de traduire musicalement et avec un maximum de relief le caractère et le type des divers personnages. Ne jamais commettre d’anachronisme dans les œuvres de caractère historique. Restituer fidèlement la couleur locale.

    Voici le Manifeste du Groupe des Cinq créé vers 1862 en Russie. César Cui a composé des chansons, des opéras et de la musique pour piano essentiellement. Comme son collègue Borodine, César Cui exerçait un autre métier que celui de compositeur. Il était ingénieur militaire mais également critique musical, il nous laisse d’ailleurs environ 800 articles. En France, il a participé à la diffusion de la musique Russe, avec son livre en forme de traité intitulé La Musique en Russie.

    Parmi ses faits d’armes, César Cui a été nommé en 1906 ingénieur général, un titre qui lui a valu une renommée internationale. Il a également été directeur de la Société impériale de musique russe, à Saint-Pétersbourg, il aura également sa place chez nous à l’Académie royale de Belgique d’art et de littérature ainsi que la Légion d’honneur pour son opéra en français "Le Flibustier".

    Mili Balakirev

    Mily Balakirev

    Si Mili Balakirev n’est pas le compositeur le plus connu des membres du Groupe des Cinq, il n’en est pas moins le fondateur. C’est en effet autour de Mili Balakirev que se sont rassemblés les cinq comparses russes, tous autodidactes et défenseurs de la musique russe dans ce qu’elle a de quintessentiel.

    Balakirev va structurer tout ce petit monde. En 1855, Balakirev rencontre M. Glinka, le père de la musique russe. Il n’a pas 20 ans, et c’est pour lui un déclic. Cette rencontre lance véritablement son parcours de compositeur.

    Balakirev compose assez lentement. Il nous laisse notamment un fameux poème symphonique, Tamara, qu’il compose à la suite d’un voyage "à la Bartok", durant lequel il a parcouru le Caucase pour collecter des mélodies traditionnelles, tout comme l’avait fait Béla Bartok pour la musique hongroise. Cette œuvre, Tamara, cultive et prolonge le style orientaliste initié par Glinka, tout en dépeignant le décor des montagnes du Caucase. On y retrouve l’utilisation de la modalité, présente dans les mélodies collectées en Crimée et dans cette fameuse région du Caucase. Il unifie le folklore russe de l’occident jusqu’à l’orient, par sa connaissance de la musique de l’ouest autant que celle qui frôle l’Asie.

    Balakirev était l’âme du groupe des Cinq. Dans sa jeunesse, il a l’occasion de décortiquer les partitions des grands maîtres des siècles précédents, et en fera profiter ses amis du Groupe. Son apport pour la musique russe est fondamental, et l’une de ses œuvres les plus célèbres est considérée comme le sommet du jeu virtuose pour piano, toujours dans cet esprit russe et oriental, sous-titrée d’ailleurs Fantaisie Orientale, elle s’intitule Islamey, composée en 1869 et révisée en 1902.

    Modeste Moussorgski

    Modeste Moussorgski

    Compositeur d’Une nuit sur le Mont-Chauve et des Tableaux d’une exposition, Moussorgski était le génie à l’état brut, impulsif et tourmenté. Ce n’est d’ailleurs sans doute pas un hasard si la musique de Robert Schumann l’inspire tant au début de son parcours… Il vivra longtemps avec de grandes difficultés matérielles, notamment à cause de l’abolition du Servage dans l’empire russe de 1861, qui lui fera perdre les terres dont il était propriétaire.

    Modeste Moussorgski naît dans une famille dont la langue de culture est le français, comme c’était l’usage à l’époque pour la noblesse en Russie. On dit de lui qu’il est le maître du fantastique en musique, et son Boris Godounov de 1874 est d’ailleurs un grand succès auprès du public, même s’il reste incompris de la critique.

    Il s’inspire de l’histoire russe pour ses œuvres, comme en témoigne son opéra posthume et inachevé, la Khovanchtchina, écrite à partir de l’histoire de la révolte des princes Khovanski de 1682.

    Dans une lettre adressée à son collègue Rimski-Korsakov, Moussorgski dit de sa musique : "[Je voudrais] Que mes personnages parlent sur scène comme des êtres vivants, mais que le caractère et la force de leur intonation, soutenus par l’orchestre qui est le fond musical de leur discours, frappent la cible de plein fouet ; c’est-à-dire que ma musique doit être une reproduction artistique de la parole humaine dans tous ses aspects les plus subtils.”

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