De passage à Bruxelles ce vendredi, Orelsan et sa bande ont retourné un Palais 12 plein à craquer avec un show d’une efficacité et d’une intensité assez incroyable. On y était, et c’était comme dans un film.
Et il ne fallait pas rater le début du film ! Juste le temps d’attraper une bière et nous voilà dans la fosse, au milieu des fans se chauffant la voix à coups de "Aurélien, une chanson !". Celui-ci ne se fait pas attendre longtemps et débarque seul face à un grand rideau noir, sans musique ni mise en scène. Il n’en fallait pas plus pour que le public s’enflamme et chante avec lui une version de " Jour meilleur " a capella.
Mais dans les films, le héros est rarement seul : il est rapidement rejoint par Skread, son beatmaker de toujours, Eddie Purple, le guitariste "le plus funky que je connaisse", explique Orelsan, et Phazz, le pianiste et beatmaker. Les personnages sont (presque) tous là, il ne manque que… le décor. Après avoir enchaîné avec "La quête" face à ce simple rideau noir, Orelsan ironise : "Qu’est-ce que vous pensez de ce décor ?" et provoque les rires de son public habitué à des scénographies toujours très travaillées. Il ne manquait plus que quelques spots de couleur " façon Gifi " et on se croirait en "Défaite de famille".
Pendant le morceau, le rideau finit par tomber et dévoile un grand écran ovale sur lequel s’affiche le logo de l’album "Civilisation", avant de nous plonger dans un monde bizarre peuplé de flamants roses robotisés. Ça y est, le film a vraiment commencé.
Après " Civilisation ", la température grimpe encore d’un cran avec "C’est du propre". Déchaîné, Orelsan est rejoint par Ablaye, son acolyte de toujours avec lequel il enchaîne avec "Bebaboa" (mention spéciale au solo incroyable de Eddie Purple !) Grâce à cet écran de fond de scène et un autre écran circulaire placé au-dessus, nous voilà envoyés en l’air, au milieu des nuages, pour "La pluie". Malheureusement, Stromae n’a pas débarqué sur scène comme il l’avait fait lors du dernier concert d’Orelsan à Forest National. Mais pas de problème, le public bruxellois est là pour chanter le refrain du maestro.
Le concert ne fait que monter en intensité, et c’est le moment que choisit Aurélien pour crier son "Manifeste". Sept minutes de kickage et d’interprétations à couper le souffle, un peu à la manière d’un monologue du héros dans un film. Sur les écrans s’affichent les manifestants, les SMS de son pote Mickey et les silhouettes de France et Mathilde, on est complètement avec lui dans la manif. Et quoi de mieux que "L’odeur de l’essence" pour enchaîner sur le thème de la révolte. Alors que les basses de l’intro font trembler tout le Palais 12, la scène s’enflamme au sens propre comme au sens figuré. Grand moment !
Depuis le début de sa carrière, Orelsan a toujours proposé des shows hyper interactifs à son public. Et il s’y tient puisque le voilà transformé en chauffeur de salle pour un combat "Civilisation Fighters", une version Orelsan du mythique jeu " Street Fighter " développée par son équipe. Deux personnes du public sont invitées à monter sur scène pour jouer l’une contre l’autre, manette en main. La partie est retransmise sur le grand écran, tandis qu’Orelsan fait participer le public en le séparant en deux teams, chaque équipe supportant un des deux combattants. Un jeu qui rappelle des souvenirs d’enfance et qui installe une certaine nostalgie dans la salle. Le moment était donc tout choisi pour se lancer dans un medley de vieilles chansons d’Orelsan : de "Jimmy Punchlines" à "Courez, courez" en passant par "Playstation", les fans de la première heure sont aux anges.
"Vous êtes fatigués ?", lâche Orelsan entre deux morceaux, mais le public est encore bien en forme. Les musiciens qui interprètent le medley se sont installés sur le rond central proche du public et sont filmés. L’image est retransmise sur les écrans, ce qui donne à ce concert un aspect très immersif. Ils terminent avec un "Baise le monde" jazzy à souhait, avant de revenir sur leur grande scène et interpréter un morceau toujours efficace en livre, même avec les années : "Le chant des sirènes".
Le public n’a même pas le temps de souffler qu’il se retrouve déjà sollicité pour un karaoké géant sur "Seul avec du monde autour". L’occasion pour Orelsan d’exprimer toute sa joie d’être présent sur scène ce vendredi après les nombreux reports à cause du Covid: "On a dû décaler la tournée, et on est méga heureux d’être là ce soir".
Les plus loveurs de la salle ont ensuite pu vibrer sur "Athena" et son refrain aux accents disco, tandis que les lumières des smartphones apparaissent un peu partout dans la fosse. Le public est en pleine communion avec l’artiste qui fait mine de s’en aller : "Merci Bruxelles, passez une bonne soirée !". Mais la foule n’est pas dupe et bien en place.
Orelsan revient alors perché sur une plateforme pour interpréter "Rêve mieux", avant une masterpiece de mise en scène sur "Notes pour trop tard": un super tableau dans lequel il nous emmène dans sa chambre d’ado. A la fin de ce moment très fort, le rappeur en profite pour partager son émotion : il explique être venu à Bruxelles il y a des années pour jouer à l’Ancienne Belgique. "Et aujourd’hui, on est blindé ! Je suis ému", confie-t-il.
Comme une sorte de dénouement, le concert se termine avec son classique "La terre est ronde" et son banger "Basique". Le public est en fusion totale, Aurélien aussi. Un dernier "Shonen" pour la route, et encore "C’est du propre" pour "foutre le bordel une dernière fois".
Sur l’écran, le générique du film défile avec les noms des musiciens, techniciens, régisseurs, … Le public, lui, débriefe de la claque qu’il vient de prendre, comme quand on sort du cinéma. Le rappeur a d’ailleurs toujours expliqué son amour du 7ème art, et ce spectacle en est la parfaite démonstration. Un héros au sommet de son art, des rebondissements, des moments intenses, d’émotion, d’humour, … Tout est là ! Et le plus fort, c’est que l’artiste parvient à nous faire croire que tout est complètement spontané, alors que l’on imagine que la mise en scène doit être millimétrée. Avec ses vêtements simples presque en mode pyjama, il nous embarque sans fioritures dans son univers et nous propose un brouillon ultra maîtrisé. Si on regrette l’absence d’invités (et celle de Gringe), on a tout de même passé un excellent moment, avec des passages très profonds, à l’image de son dernier album "Civilisation". Clap de fin, merci Aurélien.