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Le gouvernement de Giorgia Meloni prête serment en Italie : une femme anti-avortement ministre de la Famille, Matteo Salvini et Antonio Tajani seront aussi ministres

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Par Lavinia Rotili avec agences

Ce samedi matin, Giorgia Meloni, la cheffe du parti d'extrême droite Fratelli d'Italia, a prêté serment au palais présidentiel du Quirinale à Rome. Elle empile les records : c'est la première fois qu'une femme devient Première ministre en Italie, mais c'est aussi la première fois qu'une postfasciste accède à un mandat d'une telle envergure. Et, en définitive, son gouvernement sera le plus à droite et le plus eurosceptique d'Italie depuis 1946. 

La cérémonie s'est déroulée en présence du chef de l'État, le président Sergio Mattarella.

La Romaine de 45 ans a été la première à prêter serment, suivie de ses deux vice-Premiers ministres issus des deux partis partenaires de sa coalition, Matteo Salvini, le chef de la Ligue, et Antonio Tajani, haut responsable du parti Forza Italia de Silvio Berlusconi.

Tous se sont succédé devant Sergio Mattarella pour prononcer, debout, le serment traditionnel: "Je jure d'être fidèle à la République, de respecter loyalement la Constitution et les lois, et d'exercer mes fonctions dans l'intérêt exclusif de la nation".

Ce vendredi 21 octobre, Giorgia Meloni avait été officiellement nommée et, dans la foulée, avait communiqué la liste des ministres de l'exécutif naissant. Après avoir remporté 26% des voix, Fratelli d'Italia avait énormément de marge pour former son gouvernement. La composition finale de l'exécutif comprend 24 ministres, dont 6 femmes. Elle reflète également la volonté de rassurer les partenaires de Rome, inquiets face à l'arrivée au pouvoir en Italie d'un chef de gouvernement d'extrême droite.

La plupart des ministres reflètent les convictions de la coalition de droite ultra-conservatrice, voire d'extrême droite. Deux personnalités bien connues au-delà de la Botte seront ministres. Il s'agit de Matteo Salvini et Antonio Tajani. 

Mais commençons par les deux têtes connues : Matteo Salvini et Antonio Tajani. On ne les présente plus : l'un a déjà été ministre une fois. L'autre a été président du Parlement européen de 2017 à 2019.

Matteo Salvini, aux Infrastructures 

Matteo Salvini est le chef de la Ligue depuis 2013. Il a habilement modifié le visage de ce parti, au départ favorable au fédéralisme et célèbre pour son mépris de l'Italie du Sud - territoire beaucoup plus pauvre et gangrené par une forte corruption -, pour le faire devenir un parti nationaliste. Dans sa ligne de mire, l'immigration. Nommé ministre pour la première fois en 2018, il était à l'Intérieur. Pendant son année au gouvernement, et après avoir bloqué des migrants en mer en 2019, il a eu quelques pépins avec la justice.

Plus récemment, c'est sa proximité avec la Russie de Vladimir Poutine qui a été remise en cause - bien qu'il ait cherché à la faire oublier. Qu'importe : dans le nouveau gouvernement, il sera désormais ministre des Infrastructures et des Mobilités durables. 

Antonio Tajani aux Affaires étrangères 

L'ancien président du Parlement européen Antonio Tajani sera, lui, ministre des Affaires étrangères. Le bras droit de Silvio Berlusconi et fondateur de la première heure avec "Il Cavaliere" du parti Forza Italia, ce membre du Parti populaire européen (PPE) a été choisi pour guider la politique étrangère de la Botte.

Un choix intéressant, alors que pas plus tard que cette semaine le chef de Forza Italia Silvio Berlusconi a rappelé avoir "renoué les liens avec son ami Vladimir Poutine". En pleine guerre en Ukraine, la sortie était quelque peu embarrassante. Dans une intervention rapportée par la télévision italienne jeudi soir, le dauphin du Cavaliere Antonio Tajani a essayé de sauver les meubles, condamnant encore la guerre en Ukraine. 

La nomination d'Antonio Tajani a été aussitôt saluée par le président du Parti populaire européen, l'Allemand Manfred Weber, comme "une garantie d'une Italie pro-européenne et atlantiste".

Antonio Tajani et Matteo Salvini seront également vice-premier ministres, explique aussi la Rai, télé de service public italienne.

Une ministre de la Famille anti-avortement

L'exécutif italien a également renommé plusieurs de ses ministères. Celui qui est consacré à l'Egalité des chances s'appelle désormais "Ministère de la Famille, de la Natalité et de l'Egalité des Chances". Eugenia Roccella, fille de l'un des fondateurs d'un parti d'extrême gauche "Partito Radicale" et qui se décrit comme une féministe de la première heure, guidera ce ministère. Au début des années 1980, elle s'éloigne des mouvements féministes. Dans le quotidien Corriere della Sera, elle déclare : "Le féminisme du début n'était pas lié à la gauche. Il était traversé par l'idée d'une oppression qui traversait tous les domaines et où on recherchait une sororité transversale." 

Elle se rapproche alors de la droite. En 2007, elle est la porte-parole du Family Day, un des nombreux événements organisés au début des années 2000 par les associations conservatrices et/ou catholiques opposées à l'extension des droits LGBTQIA+. 

Opposée au mariage pour tous, à la PMA et au plan en faveur des LGBT+ approuvé par Mario Draghi, elle est également contre l'avortement, rappelle le journal Repubblica. Le quotidien souligne l'une de ses déclarations datant du 25 août : "Je suis une féministe et les féministes n'ont jamais considéré l'avortement comme un droit. L'avortement est le côté obscur de la maternité."

Les autres ministres

A bien y regarder, on voit aussi d'autres changements : le ministère de l'Agriculture s'appelle désormais "Ministère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire". Il est confié à Francesco Lollobrigida, membre de Fratelli d'Italia et actif dans la politique depuis ces 25 ans et, aussi...beau-frère de Giorgia Meloni (c'est le mari de sa sœur Arianna). 

Le ministère de l'Environnement, lui, sera désormais le "ministère de l'Environnement et de la sécurité énergétique", clin d'œil à l'un des enjeux les plus important pour l'Italie, traditionnellement très dépendante du gaz russe - même si beaucoup moins depuis le début du gouvernement de Mario Draghi. 

Quant au jeu de chaises musicales, on voit que le ministère consacré au "Sud", c'est-à-dire aux régions du Sud du pays, historiquement très pauvres, a été confié à l'ancien président de la Région Sicile. Ce ministère sera également consacré à la gestion des "politiques de la mer". En filigrane, c'est la gestion des ports italiens et de l'immigration qui est en jeu. En revanche, le ministère des Affaires régionales et des Autonomies a été confié à un membre de la Ligue du Nord, traditionnellement séparatiste. 

A la Culture, en revanche, un journaliste très connu dans la Péninsule. Il s'agit de Gennaro Sangiuliano, docteur en Droit et Economie, mais surtout le directeur du Journal télévisé de Rai 2.

Un autre signal semble avoir été donné à Bruxelles à travers la nomination au ministère de l'Economie de Giancarlo Giorgetti, un représentant de l'aile modérée de la Ligue, déjà ministre dans le gouvernement sortant de Mario Draghi.

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