Le Dr Nathanael Goldman vit et travaille en Chine, à Shanghaï. Ce pédiatre belge, spécialisé en santé publique, a vécu de l’intérieur la crise du coronavirus en Chine.
Témoin d’une situation exceptionnelle et inédite, il a tenté dès fin janvier d’alerter l’Europe et en particulier la Belgique à travers des articles et des capsules vidéo. Sans grande réaction…
Aujourd’hui, il pose des questions : qu’a fait la Belgique pour éviter la situation actuelle ? Pourquoi les politiques, les experts, les médias ont-ils tant tardé à reconnaître la gravité de la situation ? Des questions qui contiennent des pistes de réponses, étayées par des exemples de pays mieux préparés.
Quand la Chine décide de fermer une ville, puis une région, [...] il est évident qu’il se passe quelque chose de majeur
Pour comprendre la démarche du Dr Goldman, il faut remonter aux débuts de la crise. Au départ, il y a eu, comme on le sait, les révélations du Dr Li Wenliang… Ce jeune médecin chinois a lancé l’alerte au monde entier le 30 décembre (d’abord arrêté puis relâché, il décédera un peu plus tard du coronavirus).
Mais début janvier, on ne comprend pas encore très bien la gravité de ce que ce lanceur d’alerte a annoncé : "Pour nous c’était nouveau à cette époque-là, explique Nathanael Goldman. On était naïfs par rapport à la façon dont ça allait se développer, on se disait que ça allait peut-être être comme le SRAS, on voyait les rues qui commençaient à être désertées sans imaginer que ça allait se répandre dans le monde entier ".
Et puis arrivent les préparatifs du Nouvel-An chinois, tout le pays s’apprête à le fêter en famille. "Et boum, le 23 janvier, Wuhan ferme. Ça pour moi, c’est un fait majeur, même si on n’a pas une information très précise, même si on n’a pas les chiffres exacts. Il y a un code : quand la Chine décide de fermer une ville de 11 millions d’habitants, puis une région de 55 millions, sachant que c’est un peuple qui travaille le dimanche et que l’Etat est très stressé par la croissance économique, il est évident qu’il se passe quelque chose de majeur."
Le médecin poursuit : "Donc, ça ne pouvait pas passer inaperçu dans les ambassades, les consulats… Si on avait pu fermer les yeux avant, là il n’était plus question de l’ignorer. Ça a forcément dû remonter en haut lieu en Europe. Ce qui s’est passé après, je n’en sais rien… "
Le gouvernement belge n’a rien vu venir
C’est à ce moment que vient l’idée des vidéos. "Je me suis dit qu’il fallait convaincre les gens en Europe." Face à une situation inédite, le médecin cherche d’abord des informations dans les articles de presse. Plus tard, il étayera ses vidéos et ses articles de faits et de références scientifiques. "Je n’avais pas oublié qu’en Belgique, il n’y avait toujours pas de gouvernement. Il fallait se préparer et prendre les bonnes décisions. Et dans les médias en Europe, on ne disait pas grand-chose, ce qui se passait en Chine, ça passait au-dessus de la tête."
"Le gouvernement belge n’a rien vu venir, ni les Français, ni les Britanniques. Mais ce n’est pas le cas de Taïwan, de Singapour, de la Corée du Sud qui ont très tôt pris des mesures. Limitation des vols, trackings, tests… A Taïwan, ils sont à 6 morts ! En Corée, c’est un peu particulier, ils ont eu une personne qui en a contaminé des centaines d’autres. Mais ils ont commencé à tester en masse et ils ont réussi à passer d’une situation où il y avait des milliers de cas à une diminution significative." Précisons que la Corée du Sud rapportait 229 décès en date du 16 avril.