Tendances Première

Le genre de l’enseignant·e influence-t-il le jugement des parents d’élèves ?

Par RTBF La Première via

Lirim Tasdélèn, psychopédagogue et sexothérapeute, spécialiste du genre, a eu l’occasion d’interroger de nombreux parents sur l’influence du genre de l’enseignant·e sur leur appréciation des profs de leurs enfants. Il a pu en tirer certaines constantes dans Tendances Première. Il relève une nette distinction entre l’opinion des mamans et celle des papas.

© Getty Images/Gamma-Rapho/Robert DEYRAIL / Contributeur

Qu’en pensent les mamans ?

Les mamans se réfèrent au vécu de leur enfant pour attribuer telle ou telle qualité à un enseignant ou à une enseignante. Avec notamment 4 constatations :

  • Certains enfants ont peur d’avoir un professeur homme, parce qu’il représente encore aujourd’hui l’autorité, la force et la rigueur. "Ces enseignants sont donc réduits à leur masculinité, ramenés strictement à leurs caractéristiques viriles."
  • Les institutrices chercheraient à tout contrôler. Au point que certains garçons se sentiraient humiliés par leurs remarques. Dans notre société, on veut que les femmes soient chaleureuses, humaines, maternelles. Selon Lirim Tasdélèn, une enseignante moins indulgente ou fortement autoritaire déclencherait l’agacement, voire la révolte. Elle serait jugée comme dirigiste ou trop contrôlante et comme une personne qui prive les élèves de liberté en usant d’une autorité abusive.
  • Les institutrices se comportent comme des mères. Certaines mamans apprécient ce côté maternel, pour ce qui est du relationnel ou des petits bobos. D’autres leur reprochent d’avoir une attitude trop 'maternante', qui n’a pas sa place à l’école.
    "Et ça me fait penser à c
    e double processus sexiste. Le sexisme bienveillant, c’est gratifier la femme quand elle obéit aux rôles traditionnels de genre. Et le sexisme hostile, c’est sanctionner si elle déroge à ces règles. En gros, c’est bien quand la prof incarne le don de soi, l’empathie. Et c’est mal quand elle se montre trop autoritaire et qu’elle ne respecte pas ces attributions de genre traditionnelles."
  • Les hommes, à l’école, créent des relations de complicité avec les élèves. Une maman observe ainsi que ses petits garçons ont besoin de se sentir connectés avec leur instit pour avancer.
    Une étude du psychiatre Stéphane Clerget démontre que, dans un environnement scolaire féminin, beaucoup de garçons entretiennent un rapport difficile avec l’école. Ils n’arrivent pas à s’identifier aux personnes qui détiennent le savoir et ils sont deux fois plus nombreux que les filles à sortir de l’école sans diplôme.
    Une autre étude souligne que les garçons ont besoin d’un exemple masculin positif, qui leur prouve qu’apprendre n’est pas qu’une histoire de filles. Les garçons comme les filles réussissent moins bien dans les matières qui leur ont été enseignées par un prof de sexe opposé.

Qu’en pensent les papas ?

De nombreux papas adoptent une vision non genrée de l’enseignement. Ils ne voient pas de différence entre les profs hommes ou femmes. Ils font simplement confiance à leur expertise pédagogique. Ils ne remarquent parfois même pas que leurs enfants n’ont eu que des institutrices, ou que des instituteurs, dans leur parcours scolaire.

Pourquoi cette vision non genrée de l’enseignement chez les papas ? Lirim Tasdélèn avance trois hypothèses :

  • Les papas estiment peut-être que, pour enseigner, il faut des compétences éducatives. Point. Et ils n’ont pas de stéréotypes de genres.
    Peut-être aussi s’agit-il de papas qui n’ont pas le temps de s’investir dans la scolarité de leurs enfants, et du moment qu’ils vont bien, peu importe le genre de l’instit.
  • Ou c’est peut-être plus complexe que ça et cela renvoie à l’effet d’homogénéisation de l’exogroupe, lorsqu’on voit tout le groupe pareil, comme une masse et pas comme des individus, explique Lirim Tasdélèn. Il est intéressant au niveau du genre de noter que les hommes voient les femmes comme une masse et se voient eux-mêmes comme des individualités. Mais il est surtout intéressant de savoir que pour les femmes, c’est la même chose ! Elles ne voient pas leur propre groupe comme une individualité, mais comme une masse.

Par rapport à cette idée d’homogénéisation, "je me suis dit : vu que ce sont des hommes, peut-être que, comme les instits sont majoritairement des femmes, ils les voient comme une masse, peu importe qui est l’instit. Elles sont toutes pareilles. Ou aussi parce qu’ils sont universitaires, ils les voient comme des fonctionnaires, et donc comme une masse."

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