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Le #gamergate : quand le cyberharcèlement est récupéré par l’extrême-droite

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Il y a des événements historiques dont personne ne parle. Des séquences qui vont changer la manière dont le monde tourne, mais qui n’apparaissent jamais vraiment comme telles. C’est particulièrement vrai pour tout ce qui se passe sur Internet. En 2014, une horde de joueurs de jeux vidéo en colère va se transformer en meute de militants d’extrême-droite. En ligne, des milliers de personnes vont harceler Zoë Quinn, une développeuse de jeux vidéo indépendants. Cette vague de cyberviolence a duré plusieurs mois et est connue sous le nom de #gamergate. C’est une des premières campagnes massives de cyberharcèlement. Or, son modèle de diffusion va être reproduit plus tard, à des fins politiques, notamment lors de campagnes électorales.

Nos invitées : la journaliste Florence Hainaut, réalisatrice (avec Myriam Leroy) du documentaire #SalePute, et Cécile Simmons, chercheuse à l’Institute for Strategic Dialogue, à Londres.

16 août 2014. Zoë Quinn est une développeuse de jeux vidéo indépendants. A 27 ans, elle vient de sortir son tout premier jeu. La jeune femme est à San Francisco, au restaurant avec des amis, quand son téléphone se met à vibrer. Quelqu’un a écrit quelque chose à propos d’elle, sur Internet. De minutes en minutes, son compte Twitter s’affole. Des insultes commencent à pleuvoir.
La jeune femme comprend rapidement ce qu’il se passe. Deux mois auparavant, elle a quitté un garçon appelé Eron. Une relation toxique et abusive. Et en effet, la plupart des messages renvoient à un blog spécialement créé pour l’occasion sous le nom de domaine : thezoepost, un interminable texte de 9000 mots, des captures d’écran de ses réseaux sociaux, des conversations privées qu’ils ont eu. Tout ça, pour dire en gros, que Zoë l’a trompé, et qu’elle a couché avec d’autres hommes, dont Nathan Grayson, un journaliste spécialisé dans les jeux vidéo. Et que si elle l’a fait c’est pour avoir un article positif sur son nouveau jeu vidéo. C’est ce texte-là que des dizaines, des centaines, des milliers de personnes sont en train de lire, de partager… Des hordes d’internautes qui vont commencer à traquer Zoë Quinn.

Une vague de cyberharcèlement récupérée par l’extrême droite

C’est là qu’un virage va s’opérer et marquer la décennie qui suit. Si la vague de cyberharcèlement a été tellement puissante envers Zoë Quinn, c’est parce qu’elle a été manipulée par des figures d’extrême droite. Dans un premier temps, la colère des gamers se concentre sur des forums confidentiels (Reddit, 4Chan…). Le message qui y circule est que le milieu du jeu vidéo est pourri parce qu’une développeuse couche avec un journaliste pour avoir des articles positifs. Ce qui – par ailleurs – est faux. Il n’y a pas eu d’articles du journaliste Nathan Grayson sur le jeu de Zoë Quinn. La développeuse est la principale victime de cyberviolences, bien plus que les journalistes concernés.

Dans un second temps des influenceurs de l’alt-right américaine – dont Milo Yannopoulos – vont instrumentaliser le #gamergate et mettre en œuvre des techniques de manipulation pour gonfler cette histoire. Or, alimenter la controverse ou le clivage - notamment sur les questions de genre – en manipulant la conversation en ligne avec des faux comptes et cela à des fins politiques, c’est devenu un modèle de communication politique. Le gamergate a joué un rôle de laboratoire pour des pratiques de politiques de l’extrême-droite.

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