Le ministre fédéral de la Mobilité, François Bellot (MR), réagit face aux nombreuses pistes cyclables tracées par la Région de Bruxelles-Capitale sur certains de ses grands boulevards. Des pistes qui viennent remplacer des bandes de circulation sur lesquelles il y a peu la voiture restait la reine du macadam.
"Je ne conteste pas le besoin de pistes cyclables", argumente François Bellot. "Il est évident. Mais il faut synchroniser les actions. Il faut concilier nécessité et priorités : qualité de vie, environnement, mobilité et économie. Dans ce cas-ci, j’ai l’impression qu’on prend des mesures sans en avoir anticipé les conséquences. Une ville cyclable doit être mûrement réfléchie".
Le fédéral fait-il la leçon à la région ? "Je tire la sonnette l’alarme"
Ce qui inquiète le ministre fédéral de la Mobilité c’est la rentrée en septembre, alors qu’au cœur de l’été des problèmes de circulation apparaissent déjà : "Dès que les activités reprendront leur cours normal, si on réduit l’espace disponible pour que les voitures entrent dans Bruxelles, il y aura un impact sur la mobilité interne mais aussi externe. Tous les Bruxellois ne disposent pas forcément des transports en commun partout. Dans ce cas, la Région bruxelloise devra assumer. La Région prend aussi seule, des décisions qui auront des conséquences pour les habitants des autres régions qui entrent dans la ville. Je tire donc la sonnette d’alarme, mais je suis disponible pour en discuter avec les gouvernements des autres régions qui sont un peu inquiets de la situation". Et François Bellot de citer l’exemple du RER : "On sait qu’il sera opérationnel côté wallon, en 2024. D’ici là, on ne peut pas offrir davantage de ferroviaire qu’aujourd’hui. Ne faut-il pas patienter un peu en ce qui concerne les axes entrant dans Bruxelles, que ce soit du nord ou du sud ?"
Des tensions vives entre automobilistes et cyclistes
Il faut dire que des tensions évidentes se sont accentuées depuis l’apparition de ces nouveaux tracés réservés aux cyclistes. Les automobilistes contraints de céder du terrain, rongent leurs freins et leurs volants. Le ministre libéral de toute évidence entend leur récrimination.
"Des pistes cyclables aménagées sur le voirie classique, peuvent fonctionner, mais je crains des aménagements aux carrefours qui seraient proches d’horreurs techniques, et des conflits entre cyclistes ou piétons et automobilistes auront lieu. Les piétons et les cyclistes sont des usagers dits 'faibles'. Ils ont donc légalement la priorité. J’ai déjà été témoin de situations où des cyclistes donnaient des coups de pied dans les voitures au carrefour Arts-Loi. Ce carrefour est très compliqué pour tous et il mérite d’autres aménagements que celui d’aujourd’hui. Je constate qu’il y a, pour tous, un manque de lisibilité de l’aménagement du territoire".
Je crains le chaos et l’attractivité de la Région bruxelloise risque d’en prendre un coup
"Selon certains spécialistes, la capacité de la mobilité routière aujourd’hui a été réduite de l’ordre de 20 à 25%. Donc la capacité des déplacements en voiture est de l’ordre de 75 à 80% de ce qu’elle était avant la crise du Covid. Je suis favorable au télétravail ou au co-voiturage par exemple, mais l’enquête très récente du SPF Mobilité, montre combien les gens sont encore très attachés à leur voiture. Par ailleurs, certains Bruxellois témoignent qu’ils ont déjà mis deux heures pour parcourir 5 km. La Région bruxelloise doit donc être très attentive à ce qu’elle met en place car finalement, son attractivité risque d’en prendre un coup au profit d’autres parcs industriels comme Alost, Nivelles, Wavre ou Wemmel par exemple. Il faut être raisonnable, Bruxelles reste la capitale de l’Europe, mais il faut lui donner des outils pour qu’elle reste attractive". Et le ministre fédéral de la Mobilité de répéter qu’il lance un appel à la coordination.
Les cyclistes sont les meilleurs alliés des automobilistes
Elke Van Den Brandt, la ministre bruxelloise de la Mobilité (Groen) , explique qu’"actuellement, les transports publics ne peuvent pas accueillir le même nombre de personnes qu’en période normale et cela risque d’engendrer davantage d’embouteillages. Nous avons donc décidé d’investir rapidement vers une mobilité cycliste ou piétonne, comme à Paris ou Berlin par exemple. A Bruxelles, deux tiers des déplacements sont réalisés sur une distance de moins de 5 km. Le vélo est donc tout à fait approprié mais nous manquons d’infrastructures sécurisées pour les cyclistes. Voilà pourquoi nous avons décidé de créer 40 km de pistes cyclables supplémentaires.
Pour quel budget ?
"Tout dépend des endroits. Par exemple les projets en plein centre-ville comme la rue de la Loi sont plus conséquents", répond la ministre. Globalement, le budget des travaux d’aménagement tourne autour des deux millions d’euros.
Lorsque l’on parle de risque de tensions sur les routes, Elke Van Den Brandt, rassure : "Les cyclistes sont les meilleurs alliés des automobilistes car ils représentent autant d’espace et de place de parking disponibles. Voilà qui rendra le trafic plus fluide pour ceux qui n’ont d’autre alternative que de venir en voiture". Le nombre de cycliste est peu élevé actuellement dans la capitale. Avec ces travaux d’aménagements, la ministre espère voir augmenter les vélos dans les rues. Mais elle insiste : "Avec l’augmentation des vélos électriques qui roulent plus vite, par mesure de sécurité, il est devenu vraiment nécessaire de séparer les vélos et les piétons".
La réponse d’Elke Van den Brandt au ministre Bellot
A la question du manque de concertation entre le fédéral et les régions souligné par le ministre Bellot, Elke Van den Brandt répond : "On se voit régulièrement. Nous nous sommes concertés longuement sur le plan bruxellois de mobilité 'Good move' qui inclut le réseau cyclable 'Vélo +' que nous sommes en train de mettre en place. Par ailleurs, avec la crise du coronavirus, nous n’avons pas beaucoup de temps pour nous concerter donc il faut travailler dans l’urgence ".
Aujourd’hui la ministre bruxelloise de la Mobilité reste convaincue que la capitale de l’Europe est une ville où l’on peut concilier les déplacements à pieds, à vélo, en transports en commun ou en voiture, en toute sécurité.