Avoir un nom composé d’uniquement deux lettres identiques, ce n’est pas commun. À l’instar du producteur Thylacine, Victoria Suter et Mathieu Daubigné ont jeté leur dévolu sur une espèce animale éteinte pour choisir leur nom, perdurant ainsi la vie d’un petit oiseau hawaïen qui a disparu en 1987. Ce dernier se voit donc réapparaître il y a quelques années sous la forme d’un groupe de musique français basé à Barcelone, qui vient tout juste de dévoiler un premier album fait de musique électronique et de couches vocales planantes. Sorti chez InFiné, le premier disque nous plonge dans un univers un peu exotique et coloré. Rencontre avec le duo O’o.
Salut Victoria et Mathieu. On est super content de vous avoir en interview sur Jam ! Alors pour commencer, comment est né votre duo ?
Victoria : On s’est rencontrés au lycée vers 15-16 ans. On a senti qu’il y avait une jolie affinité artistique. On avait même fait un petit duo à l’époque.
Mathieu : On était en option musique au lycée et au-delà du fait qu’on aimait la musique et qu’on en faisait un peu, il y a aussi ce truc-là qui nous a rapprochés. On a eu des vraies études musicales, on a découvert des choses ensemble avec un super bon prof qui nous a ouverts à d’autres horizons. Ça nous a pas mal construits à ce moment-là, sans qu’on s’en rende forcément compte.
Victoria : Ensuite, nos chemins se sont séparés et je suis partie à Barcelone. Je voulais faire de la musique électronique, mais j’avais besoin de quelqu’un vu que je ne faisais pas de MAO. Quand Mathieu m’a évoqué l’idée de changer de vie, je l’ai happé dans mes filets et je lui ai demandé de me rejoindre.
Mathieu : Je me suis installé là-bas et on a commencé à faire de la musique ensemble et ça a donné ce premier album, six ans plus tard. Mais on ne savait pas vers où aller. Moi je faisais de la MAO depuis quelques années mais je ne savais même pas ce que j’étais capable de faire.
Il y a quelque chose qui frappe forcément dans votre duo, c’est le nom, O’o, qui vient d’un oiseau hawaïen éteint. C’était un hommage ?
Victoria : Oui en effet, on a trouvé l’histoire belle. C’est hyper dur de trouver un nom. Mais quand on est tombés sur ce mot-là, on s’est dit que c’était pas mal, même esthétiquement. Évidemment, quand on a signé chez InFiné, ils ont quand même évoqué le fait que l’on change de nom parce que les algorithmes n’aiment pas ça (rires). Mais on l’a gardé quand même. Mais au final, tout le monde nous parle de ce nom difficile à trouver, donc finalement ça fait parler les gens !
Quel a été le processus de création de l’album ? Comment vous composez ?
Victoria : J’écris les textes et une fois qu’il me semble bon, je travaille avec des loops. Ensuite, j’écris la mélodie et puis avec Mathieu on va parler du texte, de ce que ça évoque, de quel genre d’ambiance on doit retrouver dans la musique par rapport au texte… Le texte a beaucoup d’importance et pour qu’il soit bien connecté avec la musique, il faut procéder de cette manière-là.
Et toi Mathieu, c’est le texte qui t’inspire pour créer la musique ?
Mathieu : Je ne pense pas que c’est exactement le texte qui m’inspire. Ce ne sera pas forcément des mots, mais plus des couleurs, des ambiances… Il y a un sens mais ce sont plus des choses qui jaillissent spontanément.
Il y a un mot qui m’est venu en tête à l’écoute de votre album, c’est “exotique”, car c’est un album coloré, qui fait voyager. Est-ce que ça vous parle ?
Mathieu : Je pense que chaque chanson a une couleur particulière, donc oui. On peut le voir notamment dans Touche qui a un côté un peu reggaeton, chaloupé. On a essayé d’en faire voir de toutes les couleurs, qu’il y ait un exercice différent pour chaque morceau. Et puis tous les deux on aime les albums qui font voyager.
Victoria : Voilà, on ne veut pas se cantonner à un genre. Peut-être que le mot exotique ne s’applique pas à tous les morceaux de l’album, mais on voit ce que tu veux dire.
Dans le morceau Touche justement, tu abordes la sexualité, mais pas de la manière dont on pourrait s’y attendre.
Victoria : Touche, ça raconte un vrai phénomène naturel. C’est un type d’orchidée qui dégage l’odeur d’une femelle abeille pour se faire polliniser. Parfois, cette fleur attrape l’insecte dans son nectar et il meurt, donc c’est un peu sordide. J’ai voulu rendre hyper sexuelle cette relation entre la fleur et l’insecte. Ce n’est pas forcément une métaphore de la sexualité humaine. C’était vraiment raconter ce morceau sous le prisme d’une fleur un peu femme fatale.
Victoria, certaines personnes comparent déjà ta voix à celle de Kate Bush. Qu’est-ce que ça te fait ?
Victoria : Ça me fait plaisir, évidemment. J’aime beaucoup la comparaison, c’est une artiste que j’ai beaucoup écoutée et j’apprécie le personnage. Personnellement, je n’entends pas Kate Bush quand je chante, mais je comprends pourquoi on compare, vu que ça va dans les aigus etc. Mais je préfère ça que quelqu’un de nul (rires).
Et on met aussi votre musique en parallèle avec des artistes comme James Blake, Björk ou même Lorde. Même si vous gardez évidemment votre singularité. Mais est-ce qu’il y a des sonorités de ce genre d’artistes que vous essayez de transposer dans votre musique ?
Mathieu : On ne cherche pas à leur ressembler. Mais forcément, on a beaucoup écouté James Blake ou Björk. Ils sont dans nos oreilles depuis très longtemps. Par contre Lorde, je ne sais pas d’où ça vient.
Victoria : D’ailleurs, dès qu’il y a quelque chose qui nous fait penser à eux, on s’arrête directement. Ils nous influencent mais on n’a vraiment pas envie de les copier. Même quand j’écoute de la musique. S’il y a un artiste qui me fait trop penser à un autre, ça m’ennuie.
Mathieu : Et puis dans la musique, ce n’est pas toujours juste un artiste qui nous inspire. Parfois c’est juste un son ou un rythme. Je vais parfois écouter un morceau et un il y aura vraiment un son qui va me rester dans la tête et que je trouverai intéressant.
Est-ce que le fait d’avoir déménagé à Barcelone a apporté quelque chose de spécial à votre musique ?
Victoria : Forcément, parce qu’on est dans un pays étranger, dans une culture différente, c’est stimulant. Après, il n’y a aucune influence de la musique espagnole sur notre musique. Mais peut-être que c’est le beau temps, tu disais qu’on avait une musique exotique, ça vient peut-être du soleil de Barcelone ! Et de notre bonheur de vivre dans une ville aussi chouette. Tu pourras mettre l’adresse URL de l’office du tourisme après cette publicité (rires).
Mathieu : Après, on est dans une ville très cosmopolite, pas dans un village en Andalousie où la culture de la musique espagnole serait extrêmement présente.
Le premier album d’O’o, Touche, est sorti le 17 juin dernier. Ils n’ont, pour le moment, toujours aucune date de prévue chez nous.