Belgique

Le débat des visites domiciliaires fait son retour

Le débat des visites domiciliaires pourrait faire son retour

© JEAN-MARC HERVE ABELARD - BELGA

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Par Baptiste Hupin

Souvenez-vous. C’était en 2018. Le gouvernement Michel proposait de permettre d’entrer chez des particuliers pour interpeller des personnes étrangères en séjour illégal en Belgique. Objectif de ces " visites domiciliaires " : exécuter un ordre de quitter le territoire, accélérer la procédure de retour des " sans-papiers ".

Actuellement, si la police se présente chez un étranger en situation irrégulière, elle ne peut y pénétrer sans son accord. Le projet de loi sur les visites domiciliaires devait permettre de lever cette impossibilité pour faciliter les expulsions. 

Mais le projet de loi avait suscité une levée de boucliers de la part de l’opposition et soulevé suffisamment de questions au sein de la majorité pour qu’il soit finalement retiré. Le MR s’était montré particulièrement divisé sur la question. Le projet de loi apparaissait disproportionné aux yeux de ses détracteurs. Il s’agissait selon eux d’une atteinte aux droits fondamentaux pour l’exécution d’une peine administrative. Face à ces tensions, Charles Michel avait préféré abandonner le projet en février 2018 plutôt que de risquer des remous plus profonds dans sa majorité.

Recommandation du rapport de la « Commission Bossuyt »

A la même époque, le gouvernement Michel était sous le feu des critiques en raison de l’expulsion de ressortissants soudanais, avec le concours des autorités soudanaises. Théo Francken, alors secrétaire d’Etat à la Migration, aurait permis ces expulsions sans tenir compte du danger que courraient ces Soudanais en rentrant dans leur pays.

Par la suite, une commission d’experts avait été mise en place pour évaluer la politique des retours forcés et volontaires menée par la Belgique. Cette commission est présidée par Marc Bossuyt, ancien Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides et ancien président de la Cour constitutionnelle. Cette commission présente son rapport final ce mardi 15 septembre 2020 à la Chambre, plus de deux ans après son installation. Une copie du rapport a également été transmise à Maggie De Block, ministre en charge de l’Asile et de la Migration.

Or, parmi les nombreuses recommandations de ce rapport figure une "proposition alternative concernant les visites domiciliaires" qui risque de faire à nouveau couler beaucoup d’encre.

Un an de prison pour séjour illégal ?

En résumé, la " Commission Bossuyt " suggère d’augmenter la peine de prison potentielle pour les personnes en séjour illégal. Elle estime en tout cas que cette piste "devrait être examinée attentivement".

Aujourd’hui, le séjour illégal en Belgique est passible de 3 mois de prison. Mais cette peine n’est que rarement (voire jamais) exécutée. L’idée serait d’augmenter cette peine de trois mois à un an de prison maximale.

Pourquoi une telle augmentation ? Parce que le séjour illégal passerait alors dans une autre catégorie d’infraction. Lorsqu’une infraction est passible d’un an de prison, il est possible de saisir un juge d’instruction. Ce juge aurait alors le pouvoir de délivrer un mandat d’arrêt ou de perquisition.

Le fait d’augmenter la peine de prison potentielle à un an pour une personne en séjour illégal permet, précise le rapport, "que l’arrestation puisse être requise par le ministère public et examinée par le juge d’instruction". Cette arrestation ne se traduirait pas nécessairement, le cas échéant, par un passage devant le juge et une peine de prison, mais bien par une expulsion de la personne sous le coup d’un ordre de quitter le territoire.

Une idée des juges d’instruction

Cette proposition a été suggérée à la commission Bossuyt par l’Association des juges d’instruction.

Le rôle confié aux juges d’instruction dans le projet de loi de 2018 sur les visites domiciliaires avait effectivement préoccupé la profession. Leur avis très dur avait donné le coup de grâce au projet de loi. Pour résumer, le projet prévoyait de confier aux juges d’instruction la tâche d’exécuter la demande de perquisition émanant de l’Office des étrangers. L’association des juges d’instruction s’était montrée mal à l’aise à l’idée d’exécuter une décision administrative sans avoir tous les éléments en main pour décider si la perquisition était bien indiquée.

En augmentant la peine à un an de prison, "les preuves nécessaires peuvent être collectées, y compris les mesures invasives qui en découlent, telles que la perquisition, en raison de la nécessité de rassembler des preuves et d’engager des poursuites".

Le Collège des procureurs généraux dénonce « un détournement de procédure »

Cette proposition des juges d’instruction ne semble pas convaincre le collège des procureurs généraux également consulté par les membres de la "Commission Bossuyt". Selon les procureurs généraux, "l’autorisation accordée de pénétrer dans une habitation privée à des fins judiciaires, viserait en réalité des objectifs administratifs".

Il s’agirait donc, à leurs yeux, d’une forme de dévoiement de la procédure.

Comment les partis politiques accueilleront-ils le rapport ?

Ce rapport de la Commission Bossuyt intervient en pleine formation du gouvernement. Il faudra donc examiner comment les partis associés aux négociations accueilleront ces recommandations. Augmenter cette peine de prison de trois mois à un an pour permettre les visites domiciliaires impliquerait effectivement de modifier l’article 75 de la loi sur les étrangers. Cela nécessite une majorité parlementaire.

La pression de la N-VA et du Vlaams Belang, favorables aux visites domiciliaires, risque d’être importante sur les partis de la majorité.

 

Archives : Journal télévisé 01/02/2018

Détails du projet de loi qui était sur la table en 2018.

Clé de l'info Alisson Delpierre : visites domiciliaires

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