Les deux suspects sont finalement arrêtés. Mais rien n’est encore joué pour Scotland Yard. Malgré les témoignages récoltés, les enquêteurs peinent à démontrer la culpabilité des deux individus. Pourtant, ils ont remarqué des empreintes de doigts sur le tiroir-caisse du magasin. Mais cette nouvelle technique n’est pas encore tout à fait au point, et il semblerait que les experts peinent à identifier les empreintes.
Ces empreintes digitales, et leur rôle dans l’enquête, finissent par avoir une importance capitale, et bien au-delà du crime de Deptford lui-même. Dans les faits, le dossier de Deptford n’est pas l’un de ces crimes extraordinaires, l’une de ces affaires macabres qui défrayent la chronique. Et pourtant, c’est l’une des plus importantes affaires de l’histoire de Scotland Yard…
Cette histoire met en avant l’importance des empreintes digitales dans le procès criminel dans l’Angleterre des premières années du 20 ème siècle. Ceci nous paraît évident aujourd’hui, mais c’est loin d’être le cas à l’époque. L’enregistrement des empreintes digitales prend place en Angleterre en 1901. Un "Fingerprint Bureau" (Bureau des empreintes digitales) est organisé par le commissioner (directeur) de Scotland Yard, Edward Henry. Il a découvert l’intérêt de l’empreinte digitale alors qu’il était en poste en Inde, où elle servait avant tout de mode d’identification des travailleurs, au moment de la réception de leur paie. À l’origine, les "fiches" du Fingerprint Bureau sont destinées à l’identification criminelle, en complément, notamment, de la photographie. Le relevé de l’empreinte digitale ne doit donc contribuer, à l’origine encore une fois, à la "détection" criminelle (la découverte de l’auteur d’un crime). L’enquête sur le crime de Deptford va venir bousculer l’usage qui est fait de l’empreinte digitale. Cette dernière devient par la suite un élément central de la détection criminelle. Il y avait déjà eu un cas en 1902, trois ans plus tôt, l’affaire Henry Jackson. Mais c’était une affaire de vol. Nous sommes dans ce dossier à un autre niveau. Le rôle attribué à l’empreinte digitale est décisif et peut entraîner des effets majeurs, puisque le meurtre accompagné de vol peut conduire son ou ses auteurs sur l’échafaud. On comprend donc que le dossier du crime de Deptford constitue un tournant dans l’histoire de Scotland Yard, et dans ses modes d’enquête.