Des serres, des lignes de légumes, d’immenses bacs de compost… Le Chant des Cailles est bien calme en ce mois de janvier. Une image trompeuse puisque, derrière ce silence hivernal, se cache une activité intense. 800 personnes, des riverains et des professionnels font tourner depuis 10 ans cette activité agricole basée sur l’auto-cueillette et la gestion collective.
Luc Vandermaelen vit dans le quartier et fait partie depuis longtemps de cette aventure d’agriculture urbaine et de lien social. Il commence par nous décrire ce que l’on trouve ici : "Il y a de l’agriculture, il y a des moutons, il y a des poules et des lapins, il y a des groupes scolaires qui viennent régulièrement, qui ont des parcelles, avec des enfants qui viennent cueillir ce qu’ils ont planté. On va vers les habitants, on essaye de leur parler, on essaye de faire en sorte qu’il y ait une synergie entre les différents groupes de la commune… Il y a beaucoup de choses."
Mais, il y a un "mais". Ces 3 hectares appartiennent à une SISP (société immobilière de service public), le Logis Floréal qui a cédé le terrain à titre précaire, sans renoncer à y construire à terme du logement.
Un projet est sur la table depuis 2013, la SISP veut y développer de l’habitat. Du moins sur une partie du terrain.
Yves Lemmens dirige la Société de Logement de Bruxelles-Capitale (SLRB), la structure qui chapeaute les 16 SISP bruxelloises. Il tient à la construction de 70 logements sur le Chant des Cailles. Il assure que les maisons n’occuperont que 10% de la surface. En comptant les abords nécessaires à ces habitations, il restera trois quarts du terrain pour les activités de la ferme : "Le travail de cette activité maraîchère, pour nous, c’est quelque chose qu’il faut conserver. Nous, on veut inclure un public plus social mais on ne veut pas exclure les activités qui sont menées sur-le-champ aujourd’hui ". La SLRB aimerait en effet que la culture maraîchère profite plus qu’aujourd’hui aux locataires sociaux et aux collectivités du quartier.
Les membres de l’asbl du Chant des Cailles affirment leur sensibilité au besoin du logement social mais pour eux, perdre trois quart de la surface de la ferme du Chant des Cailles, c’est difficile à envisager. Des discussions, des négociations autour de ce dossier ont lieu depuis plusieurs années déjà. Il serait trop long de les détailler ici. Récemment, la publication d’un avis de marché par la SLRB a suscité de fortes réactions.
Un groupe de soutien au projet, "Les amis du Chant des Cailles" se mobilise contre les constructions. Luc Vandermaelen fait partie de ce groupe : "Il n’y a personne sur le Chant des cailles qui va dire qu’il ne faut pas construire de logements sociaux, nous sommes tous d’accord que chacun a droit à un logement décent, notre position est de dire que ça ne fait pas sens de construire sur des endroits qui n’ont pas été bétonnés, d’autant plus qu’il y a des endroits disponibles à deux pas d’ici".
Des lieux alternatifs ? Yves Lemmens balaie cet argument en insistant sur le fait que ce champ est un terrain à bâtir dont la vocation est le logement social : "On ne peut pas céder un bien comme ça sous la pression. On doit bien se rendre compte qu’il y a une bonne gestion à exécuter, la SLRB doit être dans la bonne gouvernance et cette bonne gouvernance exige que ce terrain soit occupé, même pour une partie, par du logement".