Entre l’ascension de Benjamin Epps et le retour de PLK avec "A la base", on s’est posé une question : le boom-bap est-il en train de redevenir cool ?
Avant d’espérer trouver une réponse à cette question, il faut savoir de quoi on parle. Le boom-bap, ça veut dire quoi concrètement ? Au départ, ce mot fait référence aux sonorités du rap des années 90: le "boom" de la grosse caisse sur le temps, et le "bap" de la caisse claire qui lui répond en contre-temps. Ajoutez à cela la réutilisation d’un sample de jazz ou de funk, ça vous donne un morceau boom-bap comme beaucoup étaient composés dans les années 90. Parmi les artistes les plus emblématiques de ce style, on peut citer IAM, NTM ou encore le groupe Lunatic de Booba.
Dans les années 2000, le rap évolué vers une forme plus gangsta avec des Sefyu ou Sinik, entre autres. Il a ensuite évolué vers des sonorités plus chantées, des instrus trap et de l’autotune. Et au milieu de tout ça, le boom-bap s’est vu coller une étiquette presque péjorative : trop à l’ancienne, plus validé, voire has-been…
Sauf que depuis quelques mois (et peut-être même un an ou deux), on constate que le boom-bap reprend des couleurs. Et s’il y en a bien un qui incarne ce renouveau, c’est le rappeur d’origine gabonaise Benjamin Epps. Dans une époque où la drill semble avoir envahi le paysage, il se fait remarquer avec ses capacités de kickeurs, sa voix aigüe, et ses egotrips sur des instrus à l'ancienne. S’il n’en est pas encore au stade des millions de vues sur ses clips, il a tout de même misé sur un créneau que l’on pensait mort et enterré, et cela semble fonctionner. Il choque tout le monde avec son morceau "Kennedy en 2005", il collabore avec Vladimir Cauchemar, Sam’s ou encore Selah Sue.
Comment expliquer ce retour aux fondamentaux du rap français? D’abord, il faut souligner que le rap old-school n’en est pas à son premier "retour". Rappelons-nous l’explosion du groupe 1995 (avec Nekfeu et Alpha Wann, entre autres) ! Alors que le ton est plutôt aux instrus bien méchantes, aux clips bling bling et au rap de cité, voilà que ces quatre jeunes débarquent en 2011 avec un projet très jazzy, du kickage à l’ancienne et des paroles qui racontent la vie des jeunes de l’époque. La sauce prend, et 1995 ouvre alors la voix à de nombreux rappeurs qui aujourd’hui expliquent avoir été influencés par le succès de Nekfeu et de son crew. Citons par exemple les membres du groupe L'Or du commun qui, avant d'évoluer vers des sonorités plus modernes, ont kické sur des intrus old-school.
Ce retour aux sources serait donc cyclique ? Le boom-bap serait-il voué à revenir nous titiller les oreilles tous les dix ans ? Difficile à dire. Mais ce qui peut être un début d’explication, c’est l’âge des amateurs de rap aujourd’hui. En effet, les jeunes nés dans les années 2000 n’ont pas du tout grandi avec ces sonorités. Certains découvrent donc peut-être ce style à la Mobb Deep, mais grâce à l’émergence d’un Benjamin Epps, ou dans une moindre mesure, celle d’un Cham Rapper.
C’est ce qui semble avoir fonctionné pour le collectif Griselda aux Etats-Unis qui a trouvé un public, notamment parmi les plus jeunes. En effet, difficile de ne pas évoquer ce groupe quand on parle de retour du rap old-school. Ce collectif collectionne aujourd’hui les millions de vues avec du boom-bap pur et dur. Son fondateur Westside Gunn a même fait un feat avec Travis Scott qui a été diffusé lors d’un défilé Dior. On est loin du style très niche et un peu has-been…
Mais on n’en est pas encore là aujourd’hui dans le rap francophone. Même s’il retrouve un public (sans doute lié aussi au retour en grâce des kickeurs comme Alpha Wann ou PLK), le boom-bap reste un marché de niche, si on parle en termes de streams. Certains l’ont d’ailleurs bien compris et préfèrent capitaliser sur un public fidèle plutôt que de faire évoluer leur style, à l’image de Hugo TSR. Pour revenir à Benjamin Epps, on est encore loin d’un succès à la Griselda. Parmi les gros vendeurs du rap français, il y a bien PLK qui propose du boom-bap, comme dans son dernier morceau "A la base". De là à sortir un album 100% boom-bap ? Non, sans doute encore trop risqué commercialement parlant.
Alors le boom-bap va-t-il devenir vendeur et faire de Benjamin Epps le pionnier de son retour dans le rap francophone ? L’avenir nous le dira, mais en tout cas l’intéressé semble convaincu: "Booba a sorti le dernier album, ça y est maintenant j’peux prendre le trône", rappe Benjamin dans "Notorious". C’est tout ce qu’on lui souhaite.