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Le 8 mai et la résistance en Flandre : un enjeu électoral

Des résistants belges dont on veut raviver le souvenir !

© CegeSoma

Par Thierry Vangulick

Le 8 mai, jour de la capitulation allemande, est aussi celui de la fin des combats qui ont opposé l’armée allemande aux résistants belges.

Et depuis quelques jours, on voit se développer, surtout en Flandre, un mouvement en faveur de la réhabilitation de cette date symbolique qui n’est plus un jour férié depuis 1983.

Pourquoi en Flandre plus particulièrement ? Fabrice Maerten, historien spécialiste de la résistance belge au Segecsoma, le Centre d’Etude Guerre et Société a consacré de nombreux articles et ouvrages à cette période.

Mais avant d’aborder la résistance en Flandre, un rappel s’impose.

Une lente structuration

La résistance en Belgique a mis longtemps à se structurer. Les premières tentatives ont lieu en automne 1940, au moment du blitz sur Londres et les déclarations de Churchill sur la volonté de la Grande-Bretagne de continuer la guerre.

Les premiers à se dire résistants proviennent d’associations de mouvements patriotiques francophones, datant pour la plupart de la première guerre mondiale et qui sont réactivés dès le début de la guerre. Ces résistants de la première heure se spécialisent surtout dans la collecte de renseignements qu’ils destinent à l’Intelligence Service. C’est ainsi que renaît le réseau Clarence organisé par la Dame Blanche, un mouvement patriotique datant de 1916.

Mais les communications avec Londres ne fonctionnent pas très bien et il faudra attendre les premiers parachutages pour que des liaisons régulières s’établissent.

La résistance belge tente aussi de publier des journaux clandestins. Des réseaux d’aide aux soldats britanniques rescapés de Dunkerque et plus tard de pilotes s’organisent aussi.

Fabrice Maerten : "Ça s’est développé surtout après juin 1941 et l’attaque de la Russie par les troupes allemandes. Jusque-là, à cause du pacte germano-soviétique, les communistes avaient reçu l’ordre de Moscou de ne pas intervenir contre les Allemands. Mais avec l’invasion, les communistes belges reçoivent le feu vert pour agir. Mais c’était encore très minoritaire."

Le Service du Travail obligatoire

C’est l’apparition du STO, le Service de Travail obligatoire à partir d’octobre 1942 qui va pousser beaucoup de jeunes Belges dans les rangs de la résistance. À cela se sont ajoutés les premières grandes victoires alliées, la victoire des Russes à Stalingrad en 1943, la fin du régime fasciste italien et surtout le débarquement en juin 1944.

Leur rôle pendant et après le débarquement sera important. Ils vont gêner l’acheminement des troupes et du matériel vers la Normandie en sabotant les liaisons ferroviaires. Ils vont servir d’infanterie et de guide pour les troupes alliées. Mais leur principal fait d’armes, c’est la préservation du port d’Anvers.

"Les résistants belges ont efficacement guidé les Britanniques vers les rares ponts qui n’avaient pas été sabotés par les Allemands en retraite, permettant ainsi la libération rapide du port d’Anvers qui a été très important dans l’acheminement des troupes et du matériel pour l’invasion de l’Allemagne."

Combien de résistants et combien de morts ?

"Officiellement, on dénombre environ 140.000 résistants armés en Belgique", explique l'historien. 

"Mais ce chiffre est trompeur. On a accordé ce titre un peu trop facilement après la guerre pour complaire aux organisations patriotiques et il ne prend pas en compte des dizaines des milliers d’étrangers et de femmes qui n’ont pas pu ou voulu demander le statut de résistant. Quant à la question d’établir exactement le nombre de résistants morts, le travail est toujours en cours. Mais on estime qu’il y a eu au moins 15.000 tués dans les rangs de la résistance belge."

Et la résistance en Flandre ?

"On a beaucoup plus parlé de la collaboration en Flandre que de la résistance. Et pourtant, elle bel et bien existé et elle a agi avec efficacité", révèle Fabrice Maerten.

"Même s’il y a eu plus de résistants côté francophone, les patriotes flamands ont été aussi très actifs. Et leur structuration va refléter l’état de la société flamande d’alors.

Le principal mouvement était l’Armée Secrète, fondée en juin 1944 mais précédée par d’autres réseaux comme l’Armée de Belgique qui ont été démantelés par les Allemands. Ce réseau, politiquement situé à droite a joué un grand rôle dans la libération du port d’Anvers. On estime que 4000 de ses membres ont péri durant la guerre. Il y aura aussi un autre réseau, proche des anciens rexistes, le Mouvement national royaliste.

Mais la Gauche flamande sera active elle aussi dans la résistance avec le Front de l’indépendance créé par des communistes auxquels se joindront des Démocrates de gauche et des Libéraux dont beaucoup de Francophones de Flandre. Ils étaient peu nombreux mais très actifs."

Postérité politique

Reste qu’après la guerre, il n’y a pas eu en Belgique d’héritage politique direct, comme l’a connu la France.

"La résistance belge rassemblait des patriotes qui occupaient un large spectre politique ; de l’extrême droite à l’extrême gauche. S’ajoutait aussi la division entre Flamands et Francophones. Si bien que la résistance était très divisée. Sur la question de la collaboration. On y comprenait mal l’acharnement francophone dans la répression." détaille Fabrice Maerten.

"Finalement, il y a peu d’héritage politique de la résistance. Il y a bien eu une tentative de créer un parti politique au lendemain de la guerre : l’Union démocratique Belge, pensé à Londres pour réunir les chrétiens de gauche et socialiste, il a été créé en juillet 1945. "

Mais très rapidement, l’Archevêque de Malines, Joseph Ernest Van Roye va désavouer le parti qui ne récolte que très peu de voix aux législatives de 1946 et qui sera dissous après les élections.

Mais la rupture entre résistants de gauche et de droite sera consommée avec la Question royale. La droite soutenant la cause de Léopold III et la gauche réclamant et obtenant son abdication.

Un enjeu électoral

Pour Fabrice Maerten, la polémique autour de la date du 8 mai est un intéressant retournement de l’histoire.

"Ce qui est frappant, c’est ce souci de réveiller le souvenir de la résistance en Flandre. Jusqu’à ces dernières années, c’était surtout une préoccupation côté francophone. Mais ces dernières semaines, les Flamands semblent redécouvrir une résistance qui y a été longtemps oubliée voire décriée.

Le souci de la Flandre de voir réhabilitée la date du 8 mai a une connotation politique très sensible dans une région qui est déjà en campagne pour les prochaines législatives de 2024.

L’idée, c’est de rappeler à la population qu’il n’y a pas eu que des résistants de droite et que les réseaux de gauche ont joué un rôle eux aussi dans la victoire finale contre le nazisme. C’est devenu un enjeu électoral aussi."

Sur le même sujet :

Le 8 mai doit-il redevenir un jour férié en Belgique ? (F. Hupin - LP 08/05/23)

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