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Laurent Garnier, 33 tours (de maître) et puis s’en va

© Bazil Lamy

Par Guillaume Scheunders via

Le patron de la techno française vient de dévoiler 33 Tours Et Puis S’en Vont, son premier album solo depuis 2015. Un disque dont on retiendra évidemment l’annonce adjacente sur l’état de santé détérioré du DJ, l’empêchant de mener à bien une tournée dans laquelle il aurait, comme à son habitude, placé toute son âme. Mais aussi et surtout une galette de techno qui frôle la perfection et où le producteur balise des chemins sur lesquels il s’était peu engouffré dans sa discographie. Décryptage.

Mars 2020. Après 33 années passées derrière des platines, Laurent Garnier est mis sur le banc par un virus qui nous aura tous rendu la vie dure. Une période dystopique qui engendrera chez lui ce dont personne n’aurait soupçonné : un rejet viscéral de la techno. "Cette musique, qui à mes yeux avait toujours représenté le son du futur, n’avait plus aucun sens en ces temps incertains", écrit-il dans un communiqué. Et quand votre monde est bâti autour, les questions affluent : "Est-ce que je serai capable de retourner mixer lorsque tout reviendra à la normale ? Serai-je encore pertinent ? À mon âge ? Qu’ai-je encore à dire, à construire, à faire valoir, à contribuer ? Pour qui ? Pourquoi ? Comment ? !"

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Reviens la nuit

Ce tunnel de questions durera plusieurs mois mais le natif de Boulbi verra le bout se rapprocher au fur et à mesure que son manque des soirées, des sons retentissants et des foules exaltées s’intensifiait. Et lorsqu’il a senti le vase déborder, le moment était venu de rallumer ses machines et de recommencer ce qu’il fait de mieux : déverser ses émotions dans une techno puissante et langoureuse, retrouver le bouillonnement des clubs et partager l’énergie des foules. Redevenir DJ.

En deux années de doutes, Laurent Garnier a donc construit 33 Tours Et Puis S’en Vont, en référence évidemment aux 33 tours sur les platines vinyle, mais aussi à ses 33 années de carrière au moment de débuter la production. Un titre qui laisse évidemment planer des interrogations quant à son futur : le Français a déjà annoncé vouloir se détacher de la vie de tournée pour pouvoir repenser son quotidien autrement, tout en restant assez vague sur ses intentions et ses projets. Même s’il promet que son amour de la techno restera intarissable, la santé passe avant tout, et la sienne va, au grand désarroi de beaucoup, l’empêcher de défendre son album sur scène cet été.

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Maximaliste et perfectionniste, le créateur de Crispy Bacon ou The Man With The Red Face a voulu proposer cet album sous toutes les coutures, du triple vinyle au CD en passant par le digital et la cassette, chacun serti d’une tracklist différente, à chaque fois la plus assortie au medium, selon le maestro. Ainsi, l’étonnante drum’n’bass de Sado Miso ne se retrouve pas dans la version vinyle, tout comme les hommages de Multiple Tributes (to multiple people, for multiple reasons), ni… et puis s’en va !. D’autres pistes sont exclusives aux sillons de son triple-vinyle : On the REcorD (part 3), Closer To You, Cinq o clock in le matin, Give me some sulfites et Granulator Bordelum.

Ce disque voit Laurent Garnier se jauger avec le hip-hop sur In Your Phase, en featuring avec les méconnus 22Carbone, ressusciter la voix du punk Alan Vega sur Saturn Drive Triplex ou s’amuser avec son pote Scan X sur Closer To You et rappelle la puissance de production du français qui, à 57 ans, est probablement toujours l’un des créateurs les plus percutants de la scène européenne. À l’heure du streaming, des réseaux et des chiffres, il n’a aucunement peur de proposer un canevas digital de près de trois heures de musique, comportant des tracks sous haute tension dépassant par moments les 11 minutes, comme si derrière cela se cachait une volonté de faire durer au maximum ce potentiel "dernier tour de piste".

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Même si sa postérité semblait déjà assurée, Laurent Garnier a probablement délivré avec 33 Tours Et Puis S’en Vont une sorte de manifeste techno. Sa capacité à transmettre des émotions, à faire parler une musique qui ne comporte (presque) pas de paroles est décuplée dans ce projet cinq étoiles qui devrait résonner dans les oreilles de quiconque aime la techno. Et qui montre, encore une fois, qu’il ne peut y avoir qu’un seul patron.

 

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