Laurence Vielle lit un extrait de Stabat Mater Furiosa de Jean-Pierre Siméon, un cri violent contre la guerre, contre l’homme de guerre.
Le texte
Ma prière voilà comment commence ma prière
j’aime que le matin blanc pèse à la vitre et l’on tue ici
j’aime qu’un enfant courant dans l’herbe haute vienne à cogner sa joue à mes paumes
et l’on tue ici
j’aime qu’un homme se plaise à mes seins et que sa poitrine soit un bateau qui porte la nuit
et l’on tue ici
j’aime qu’on bavarde à la porte du boulanger
quand il n’y a d’autre souci que le bleu du ciel étendu sous la théorie des nuages
et l’on tue ici
j’aime qu’à quelques-uns on s’ennuie paisiblement
à observer le vent dormir sur les toits de la ville
et l’on tue ici
j’aime qu’on bâtisse une fleur pour la fleur dans le loisir insipide du jardin
et l’on tue ici
j’aime que la pierre roule dans la rivière et que cela fasse un bruit de clarinette et l’on tue ici
j’aime que les heures ne soient que le temps qui passe pour faire les heures
et l’on tue encore ici encore
et voilà comment continue ma prière
êtes-vous là encore êtes-vous là mangeurs d’ombre
je crache
je crache sur l’homme de
l’homme de guerre
je crache sur le guerrier de la prochain de la prochaine guerre
qui joue aujourd’hui avec son ours en peluche les ailes des mouches
et la poudre rouge et bleue des papillons
je crache sur l’esprit de la guerre qui pense et prévoit la douleur
je crache sur celui qui pétrit la pâte de la guerre
et embrasse son sommeil quand on cuit la mort au four de la guerre
je crache sur le ruisseau de sang qui tombe des doigts du vainqueur
comme un mouchoir par mégarde tombe au caniveau
je crache sur celui qui fait d’un corps de femme une chair ouverte déchirée
qui était comme une soie pour le soleil
je crache sur la haine et la nécessité de cracher sur la haine
homme de guerre je vous regarde
regarde-moi
je te dis regarde-moi.
La poésie, c’est le visage qui manquait au fond du miroir dans la terre.
Serge Pey
Le poète Jean-Pierre Siméon écrit Stabat Mater Furiosa en 1999 aux éditions "les Solitaires Intempestifs"
Stabat Mater Furiosa est l’histoire d’une femme qui se tient debout et qui refuse de comprendre. Évoquant un passé encore parfumé des odeurs du basilic de son enfance, elle pousse un cri violent contre la guerre, contre l’homme de guerre. Non pas un cri qui comble le silence sur les ruines mais qui accuse le vide. Dans la teneur tragique des tentatives inutiles, elle fait encore le pari sur la vie et affirme, dans un ultime chant d’espoir, une rémission possible.