Chaque jour, la poétesse Laurence Vielle fait sonner, scander , rythmer de son souffle lumineux les mots des poètes et poétesses, et notamment de poètes belges. Découvrez un extrait de Timotéo Sergoï, issu de "Apocapitalypse : peupler d’œillets les cimetières sourds", paru aux éditions Territoires de la Mémoire en 2019. Le recueil est accessible en ligne gratuitement au format pdf.
Extrait de "Apocapitalypse" - Timotéo Sergoï
Nous sommes une forêt de plumes. Nous sommes une averse et ses milliers de doigts. Nous sommes un nuage d’étourneaux qui effeuille son arsenal. Nous sommes un escadron assis, caché dans les maisons en ruines, nos casques sur nos voix. Nous sommes un régiment entier de galets taillés en silex prêts à allumer l’incendie des villes ou à tailler le cuir des rois. Nous sommes une troupe innombrable de regards aux larmes de braises. Nous sommes une légion d’arbres déracinés qui avance vers le nord de nos boussoles. Nous sommes une armée de poètes.
Et nos histoires ne seront pas des prix de littérature, non, ni même une publication officielle. Une médaille ? Une légion d’horreur ? Comme nous ne portons ni cravate, ni lunettes, nous ne saurions où les mettre.
Notre victoire sera simple : nous sommes vivants.
Dans cet immense corps malade qu’est devenue l’humanité, il n’y a pas que des claviers usés, il n’y a pas que des mains fatiguées, il n’y a pas que des fronts plissés, il y a encore un chœur qui bat, rouge d’encre et de flots drus, il y a mille cœurs qui battent, libres. Il y a des millions de cœurs qui battent et qui écrivent. Ton cœur est une maison vide, peut-être. Mais la ville est large et habitée de dix millions de poètes.