Dans un reportage diffusé par TG2, le journal de la deuxième chaîne de la télévision publique italienne lundi soir, on voit des réfugiés arrivés à Lampedusa et détenus dans un centre d'accueil, que l'on force à se dénuder en public pour être aspergés de désinfectant. Les réfugiés ont en effet contracté la gale dans le centre d'accueil.
Un migrant témoigne: "Toutes ces personnes sont sans vêtements. Comme des animaux. Ici, on voit des hommes mais il y a aussi des femmes à qui on fait cela. Vous comprenez".
Ces images, apparemment tournées avec un téléphone portable, ont été prises par un certain Khalid, un réfugié présent au centre depuis 65 jours. "On est traités comme des chiens", commente-t-il.
"Epouvantable et inacceptable"
Alors que le monde célèbre ce mercredi "la journée internationale des migrants", la maire de l'île, Giusi Nicolini, a comparé la structure à un "camp de concentration. A la vue de cette façon d'accueillir les migrants, Lampedusa est honteuse. L'Italie devrait être honteuse. Cela doit changer. Ce n'est pas ce que l'on s'attentait à voir à peine deux mois après ce naufrage qui a suscité la douleur, les larmes, la compassion et les promesses".
"Les images du centre de Lampedusa sont épouvantables et inacceptables", a commenté la commissaire européenne aux Affaires intérieures Cecilia Malmström, en menaçant Rome de sanctions.
Le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a demandé au gouvernement italien "des solutions urgentes pour améliorer l'accueil à Lampedusa", rappelant que les nouveaux arrivants sont censés passer un maximum de 48 heures dans ce centre de premier secours, avant de regagner d'autres structures dans le pays.
"La surpopulation permanente est insoutenable. Malgré les efforts des travailleurs humanitaires, l'aide offerte est bien en deça des minimum acceptables", a commenté Laurens Jolles, son porte-parole pour le sud de l'Europe.
Interrogé à la radio, l'administrateur de la coopérative gérant depuis cinq ans la structure d'accueil de Lampedusa, Cono Galipo, s'est défendu en expliquant qu'il fallait remettre ces images "dans leur contexte".
Rage
"Nous avons accueilli trois bateaux dans lesquels des cas de rage étaient fortement suspectés. Normalement, quand la suspicion est faible, le traitement se fait à l'infirmerie, mais quand, comme là, on parle de 104 personnes, on a besoin de locaux adaptés", a-t-il affirmé.
Selon lui, le traitement a duré une heure et demie. "A un moment, des réfugiés se sont impatientés et ont commencé à se déshabiller; ils ont clairement mis en scène ce qu'on a vu ensuite à la télévision", a-t-il ajouté.
Promettant une enquête "approfondie" et "des sanctions contre les responsables", le premier ministre italien Enrico Letta s'est dit "choqué". La présidente de la chambre des Députés, Laura Boldrini, ex porte-parole du HCR, a jugé ces conditions "indignes d'un pays civilisé".
Première Noire dans un gouvernement en Italie, Cecile Kyenge, ministre de l'Intégration, a jugé que "faire dénuder une personne de la sorte est inhumain".
Les drames de l'immigration ont été inscrits à l'ordre du jour du sommet des dirigeants de l'UE jeudi et vendredi à Bruxelles avec l'examen des actions possibles pour lutter contre le trafic des réfugiés et éviter de nouvelles tragédies.
Début octobre, au moins 400 personnes, dont beaucoup de femmes et d'enfants, ont trouvé la mort dans deux naufrages dans la zone de Lampedusa, première porte d'entrée européenne pour les migrants qui traversent la Méditerranée au péril de leur vie.
Plus de 14 000 migrants ont débarqué à Lampedusa entre le 1er janvier et le 30 novembre.
Alors que le centre ne compte que 381 places, 497 réfugiés, dont une quarantaine d'enfants, y sont actuellement accueillis, selon le Corriere della Sera. La plupart sont syriens et érythréens.
RTBF avec AFP