Asperges, agrumes, chicons, bières, chocolat ou même café… L’amertume est là, tapie dans nombreux produits de notre alimentation. Un registre des saveurs pouvant rebuter. Curieux paradoxe, alors que cette mal-aimée à tant à nous offrir au rayon gustatif ! Alors réapprivoisons l’amer, pour le meilleur et l’astringence ! Humeur du jour signée Carlo De Pascale au micro de "Bientôt à Table !" Extraits choisis.
"On est tous pareils, nous, les mammifères face à l’amer, on n’aime pas ça, non, notre cerveau d’avant la 'mammifèritude' (néologisme non repris dans le Larousse !) nous dit que l’amer, ce n’est pas bien, que la nature est pleine de trucs amers toxiques et que forcément ça va nous envoyer en enfer. L’amer rimant, vous l’aurez constaté, avec l’enfer !" Voilà pour le postulat de départ, car comprenez bien qu’à l’origine de l’humanité, l’amertume avertissait du danger. Cette saveur servant de répulsif naturel. Amer = danger, donc ne pas avaler !
Mais ça, c’était avant la domestication ! "L’amertume, précise Carlo, c’est comme les chihuahuas, les perruches et les hamsters, on peut domestiquer." Dont acte ! Alors domestiquons, d’autant que l’amer c’est plein de vertus : "Ça a d’abord la vertu numéro un : élargir notre champ d’expériences sensorielles. Deuzio, l’amertume a des fonctions à la fois apéritives et digestives."
L’amertume a tant à nous offrir…
Comme l’explique rigoureusement le documentaire "Saveurs savantes" réalisé par François-Régis Gaudry, les récepteurs de l’amertume, se trouvent bien entendu sur la langue, mais aussi dans nos estomacs. Conséquence, une perception optimale de la saveur ! "L’estomac, un petit apéro un peu amer, ça le met en forme, et l’estomac qui vient d’avaler une mitraillette hamburger andalouse qui reçoit un shot de Fernet Branca, ça lui envoie le signal que ok, on peut une fois reprendre le travail de vidange sucs gastriques, tout ça et plus vite qu’à ton aise."
… Mais haro sur le Spritz !
L’amertume, les papilles des enfants n’aiment pas, mais nous, adultes, pouvons construire notre adhésion à cette saveur. Comprenez, faites manger de bons chicons aux kids et buvez du Spritz ! Carlo s’emporte oubliant même toute règle de bienséance radiophonique : "Basta le Spritz, quelle dictature bruyante et abrutissante. Tu prends quoi comme apéro, un spritz, mais oui, c’est ça. Mais amertume mon cul ! Je vous assure, le spritz n’a qu’une seule vertu, nous éduquer tout doucement à l’amertume, mais franchement ce serait comme prétendre que le film "50 nuances de Grey" nous éduque à l’érotisme et à l’égalité homme femme."
Vous voulez apprendre à domestiquer l’amertume ?
Il y a deux règles :
Règle numéro 1 : On attaque avec des trucs de franche amertume. Café sans sucre, vraie chicorée, Fernet Branca, réglisse, chicon et son trognon, bières IPA, on y va on shoote nos papilles, quitte à faire la grimace. Et on boit un picon bière pour rincer.
Règle numéro 2 : On associe les saveurs ! "Oui, l‘amertume, c’est comme le sucre sans acidité, l’amertume a besoin de se frotter à autre chose qu’à elle-même, un peu comme nous quoi, tout seul c’est bien, mais à plusieurs, c’est mieux, en tout cas au moins à deux !"
L’amertume aime le sucre et vice versa. Pourquoi parmi les liqueurs sucrées la chartreuse est si prisée ? "Parce qu’elle ajoute l’amertume et le poivre à la saveur sucrée. C’est pour ça qu’il faut mettre l’amaretto dans le réservoir de ta voiture avec le E85, parce que c’est juste sucré et même pas un peu amer !"
Idem le sel, et même le sel avec de l’umami dedans, sauce soja, sauce poisson, colatura d’anchois avec une salade de puntarelle, ou un radicchio, ou du chicon, vive la barbe-de-capucin et le salé profond aux saveurs aminées. Idem l’acide, sel et acidité vont magnifier l’amertume, essayez !
Liste de nos envies bien amères : Carlo propose une liste de ses envies perso. Choisissez au passage ce qui vous excite. "Notez que ce tour, non exhaustif, sera très italien, notamment quand on parle de boissons : orangeade amère, du chinotto, Fernet, Amara à l’orange amère de Sicile, chartreuse verte, suze, picon, Jagermeister, fernet branca, amaro del capo, crodino, tonic, mais du vrai, hein, pas du pur sucre, Zinne bier, chicons bien cuits comme il faut, radicchio de Trévise au four, pad thai au tamarin et sa pointe d’amertume salée, cime di rape avec un poil d’anchois bien salés, miel d’arbousier sur un fromage de brebis bien salé, Campari juste avec du soda, vermouth del professore dans un Negroni, balsam de la Baltique, Underberg, ou même Apenzell suisse qu’on peut boire dans certains restaurants."
Que retenir ? L’amer, c’est amer comme la vie, nier l’amertume serait donc nier la vie.
Et pour les bonnes recettes de chicons avec de la bonne amertume dedans, filez sur le site La référence de l’actualité belge et internationale – Cuisine – RTBF. be