L’alcool et les jeunes : "C’est la proportion, l’étendue du problème qui est un vrai souci à l’heure actuelle"

Par A. Dulczewski avec S. Breems

L’ASBL Question Santé a publié une brochure concernant les jeunes et l’alcool. Le titre ? "Le piège était presque parfait". La consommation d’alcool chez les jeunes, elle ressemble à quoi ? Olivier Balzat, directeur de l’ASBL Question Santé, apporte son éclairage là-dessus sur La Première.

Divers témoignages recueillis évoquent parfois une consommation d’alcool dès l’âge de 12 ans, ça ne vous étonne pas ?

Olivier Balzat : "Non, ça fait partie des choses que nous avons entendues. Cela dit, ce n’est pas nouveau qu’on consomme de l’alcool jeune. Historiquement, en Belgique, on consommait dans certains milieux de l’alcool depuis très longtemps. Mais aujourd’hui, c’est la proportion, l’étendue du problème qui est un vrai souci à l’heure actuelle."

Une consommation de plus en plus jeune, c’est ça ?

"C’est une consommation de plus en plus jeune et aussi pour boire de plus en plus. Et c’est bien ça le problème, parce qu’on est face à une consommation irraisonnée de l’alcool. Avec notre brochure, notre propos est d’attirer l’attention, en tant que promotion de la santé, sur une consommation raisonnable en vue du bien-être des jeunes."

Depuis une vingtaine d’années, on est face à des problèmes qui sont notamment apparus dans les universités, avec les fameux scoops sur les guindailles étudiantes et les dérives. On connaît aussi tous des jeunes assez jeunes qui ont eu des grosses difficultés, voire pire, avec l’alcool."

Qu’est-ce qui explique justement cette consommation déraisonnée, selon vous ?

"Il y a beaucoup de choses, c’est complexe. D’une part, en termes d’identification, d’identité pour les jeunes, c’est un âge qui est important, c’est l’âge où on se construit au niveau social. Évidemment, je ne vais pas faire de la psychologie à deux sous, mais on sait très bien que les relations sociales sont effectivement importantes. L’alcool permet de désinhiber un peu, donc on se lâche. On est face à des challenges, c’est à celui qui peut boire le plus [dans le binge drinking]. Il y a donc une part de ça.

L’idée n’est pas du tout de cibler les jeunes et de les accabler

Mais je pense que la meilleure chose à faire est d’associer les jeunes à la réflexion et de voir de concert avec eux pour essayer de comprendre ce qui se passe lorsque ça se produit. Donc ça, c’est au niveau des jeunes, mais l’idée n’est pas du tout de cibler les jeunes et de les accabler."

L’idée n’est pas de tout interdire non plus ?

"D’une part, l’idée n’est pas de tout interdire, et on parle bien de consommation raisonnée. L’idée est surtout d’attirer l’attention sur la manière de boire et sur les impacts que ça peut avoir. Parce que pour les jeunes, l’impact sur la santé est assez important. On sait que boire de l’alcool en étant jeune, 12 ou 13 ans, lorsque le cerveau n’est pas encore formé, ça pose vraiment des gros problèmes de développement et des problèmes cognitifs, de mémoire, d’apprentissage qui peuvent amener par la suite à une dépendance de l’alcool assez jeune.


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On entend des cas de jeunes de 15-16 ans qui sont hospitalisés suite à des comas éthyliques. C’est quelque chose d’assez perturbant. Ensuite, il peut bien sûr y avoir une dépendance à l’alcool en étant adulte. Il y a vraiment un problème à ce niveau-là.

Il y a la tradition du bien boire en Belgique, des habitudes ancrées au niveau de la famille

On ne veut pas accabler les jeunes, parce que c’est un problème de société, c’est un problème qui ne s’est pas créé du jour au lendemain. Il y a bien sûr la tradition du bien boire en Belgique, avec la bière traditionnelle, etc., mais il y a surtout aussi des habitudes qui sont ancrées au niveau de la famille."

Il y a un peu une banalisation, selon vous, face à l’alcool ?

"Oui, il y a une totale banalisation. D’une part, au niveau familial, au niveau traditionnel, il fait bon de bien boire un petit coup en société ou entre amis, etc. Et on apprend assez tôt, même en famille, où on offre un petit verre à l’enfant en disant 'goûte ceci, goûte cela'. On est tous passés par là, on a tous connu ça. Mais il y a aussi autre chose, c’est qu’au niveau de l’impact de l’alcool au niveau économique en Belgique, c’est quelque chose d’assez important. Le marketing a développé beaucoup de produits nouveaux à l’attention des jeunes, des produits qui tendent à diluer un peu l’effet de l’alcool par rapport à ce qu’il peut avoir exactement. On a donc actuellement des productions de sodas avec des alcools forts, etc."

"Je pense aussi bien sûr à tout ce qui est gros événements publicitaires ou gros événements sportifs, comme les ligues de football qui sont sponsorisées par les grandes marques. Tout ça tend à une banalisation de l’alcool. Et à l’approche des Fêtes, c’est assez logique que les alcooliers redoublent de publicités pour attirer les personnes. Ça vaut pour les adultes et ça vaut pour les jeunes également. On parle de la fête, et pour les jeunes, fête signifie s’amuser, ce qui est une très bonne chose, mais avec des risques."

Vous pouvez retrouver la brochure "Jeunes et l’alcool, le piège était presque parfait" sur le site de l’ASBL Question Santé.

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