La nouvelle PAC européenne doit entrer en vigueur en 2023 et prévoit un budget de 387 milliards d’euros, répartis sur sept ans, pour les agriculteurs européens. Actuellement discutée au gouvernement wallon, la proposition devrait être déposée sur la table de la Commission européenne fin décembre et inquiète les agriculteurs.
Les budgets prévus et la révision des conditions d’accès à certaines aides européennes font craindre à la FWA une "mise à mal du modèle agricole familial wallon" et "une hausse très probable des importations et des prix de l’alimentation pour les consommateurs".
La réforme prévoit d’accorder des primes aux agriculteurs participant à des programmes environnementaux plus exigeants, recourant à des techniques plus écologiques ou contribuant à améliorer le bien-être animal.
Alors notre agriculture est-elle mise à mal ? Qu’aurons-nous dans nos assiettes demain et à quel prix ? QR l’actu fait le point avec Marianne Streel, présidente de la FWA, la fédération wallonne de l’agriculture et Monica Schuster, chargée des politiques alimentation et agriculture au WWF.
Bio, local mais trop cher !
La critique d’une nourriture bio et locale trop chère revient souvent dans la bouche du consommateur mais pour Monica Schuster, le problème est mal posé : "Pour nous, il faut plutôt se demander si notre alimentation n’est pas devenue trop bon marché ! Les agriculteurs n’arrivent plus à s’octroyer une rémunération digne et en plus il faut inclure les coûts sociaux et environnementaux comme le coût de l’assainissement de l’eau contre les pesticides qui représente près de 2 millions d’euros par an. Pour nous, le vrai défi à relever, c’est que l’agriculteur soit payé correctement pour son travail et que le consommateur ait accès à un prix correct à une alimentation de qualité".
De son côté, la présidente de la FWA souligne les contingences des normes à respecter : "Pour respecter toutes les normes, les agriculteurs doivent investir. Nous avons aussi en Belgique un coût élevé en termes de main-d’œuvre et vous devez ajouter à cela une taxation importante. Donc oui, notre alimentation par rapport à d’autres pays, coûte plus cher. Par contre, nous avons une haute qualité et un respect de l’environnement plus important. Pour nous l’objectif, c’est de trouver un juste équilibre entre juste rémunération pour l’agriculteur, juste prix pour le consommateur et un certain respect de l’environnement".
Trop de produits chimiques ?
Pour Monica Schuster, il faut aller vers agriculture avec moins de produits chimiques. "Il faut aider les agriculteurs à se tourner vers cette démarche par exemple en remettant de la nature au milieu de l’espace agricole. Les techniques agricoles peuvent remplacer les produits chimiques. Mais pour cela il faut que les budgets via la PAC (politique agricole commune) favorisent ce type d’agriculture et également que la recherche vienne aider les producteurs à remplacer les produits chimiques par d’autres procédés".
"Je suis agricultrice, dit Marianne Streel, et je peux vous dire que je travaille mieux que mon papa, je travaille mieux que je ne le faisais il y a trente ans. Et je travaillerai encore mieux à l’avenir. Les produits que nous utilisons dans l’agriculture traditionnelle ou dans le bio permettent aussi aux produits d’être sains parce que vous avez également le danger des mycotoxines et du reste".
Et quid de la biodiversité ?
"Nous sommes bien conscients que nous devons pratiquer une agriculture toujours plus durable", explique Marianne Streel. "Les agriculteurs sont bien conscients des changements climatiques, ils y sont d’ailleurs confrontés. Nous devons donc assumer cette transition écologique mais pas n’importe comment. Il faut accompagner et aider tous les agriculteurs. Il ne faut pas aller vers une rupture totale sinon le système va casser."
Pour Monica Schuster, il y a un déclin dramatique de la biodiversité dans le milieu agricole: "Il faut savoir que nous avons perdu près de 60% des oiseaux agricoles en moins de 30 ans en Wallonie. Il faut donc remettre de la nature au milieu des exploitations et ce sera avantageux aussi pour les agriculteurs puisque cela permettra de contrôler de manière naturelle, les ravageurs de culture".
Plus de soutien aux petites exploitations ?
Pour la présidente de la FWA, il ne faut pas caricaturer. Une grande exploitation ne signifie pas mauvais produit et une petite exploitation, bon produit. Et puis la future PAC va plus aider les petits producteurs, explique Marianne Streel. "Nous demandons aussi qu’il y ait un plafonnement des aides car il est important d’aider les agriculteurs qui représentent l’agriculture familiale. En Wallonie, la moyenne d’une exploitation, c’est 58 ha. On est très loin de ce que l’on peut voir dans certains pays".
La chargée de mission du WWF estime que des petites exploitations sont viables économiquement si justement, la PAC les soutient : "Pour le moment, la PAC accorde les aides à l’hectare. Donc, on aide davantage ceux qui ont une grande surface. Et tant qu’on est dans cette logique-là, on va vers un agrandissement des fermes avec une production à terme toujours plus intensive et donc une répercussion sur la qualité des produits puisqu’on utilise alors plus d’intrants".
Si tout n'oppose pas agriculteurs et environnementaliste, des divergences importantes demeurent. Et ce sera au gouvernement wallon de trancher pour la fin de l'année.