C’est une initiative peu courante qui a été votée au conseil de police de la zone Bruxelles Nord milieu de semaine dernière. En substance , d’autoriser son chef de corps à déposer une plainte contre x devant un juge d’instruction. Selon Frédéric Dauphin, il y aurait des éléments qui laissent à penser qu’un ou plusieurs policiers ont organisé une campagne de calomnies contre la zone de police pour laquelle ils travaillent.
Le chef de corps demande à ce titre la nomination d’un juge d’instruction. A charge pour lui de faire toute la lumière sur ces suspicions, qui selon lui, ont pour but de ternir l’image de la zone de police qu’il dirige depuis 2015. " J’ai des éléments qui me font penser qu’une campagne de calomnies orchestrée par certains policiers a eu lieu " a déclaré Frederic Dauphin lors du conseil de police. " Mais je ne peux rien dire de plus pour ne pas nuire à l’enquête que je sollicite ".
Plusieurs reportages de la RTBF mis en cause
En cause , plusieurs articles, ainsi qu’un reportage tv que la RTBF a réalisé en avril dernier. Contributions dans lesquelles nous expliquions que de nombreux policiers se plaignaient de harcèlement dans le chef de leur hiérarchie. Et qu’un certain nombre de mauvaises pratiques existaient dans le chef de certains hauts gradés de la zone Nord. On parle de frais de déplacement importants et de facture d’hôtel fictive lors d’un déplacement au Sénégal début d’année 2020 . On évoque aussi de très nombreuses heures supplémentaires facturées depuis plusieurs années au directeur opérationnel de zone, le commissaire Benoit Blanpain.
Pour étayer ces faits, nous avons fourni des pièces et avons été en contact avec de nombreux policiers, environ une trentaine, tous grades confondus, qui dénoncent un climat de terreur et des pratiques malhonnêtes dans le chef de certains membres de l’état major. Benoit Blanpain, le directeur opérationnel n’est pas le moins cité. C’est lui qui est en charge du projet Sénégal qui consiste en l’échange de bonnes pratiques entre services de police francophones ainsi qu'un voyage qu'effectueraient des jeunes de la commune d'Evere. Projet qui a reçu un subside de 90 000 euros de la commune d’Evere . Lui dont les heures supplémentaires dépassent 6000 heures en 2015.
" Le chef de zone a toute ma confiance "
Dans la foulée de leur publication, ces révélations ont été qualifiées de " rumeur et de sensationnalisme " par Cécile Jodogne , la bourgmestre de Schaerbeek, également présidente du conseil de police. Lors de la séance précédente, le mois de novembre dernier, l’élue a réitéré sa confiance dans le chef de zone Frederic Dauphin. A notre micro, Cécile Jodogne estime qu’il s’agit " d’une campagne de déstabilisation " alors que le chef de corps brigue un deuxième mandat qui attend encore la signature du ministère de l'Intérieur.
Enquêtes du comité P et de l’auditorat du travail
Malgré tout, deux enquêtes sont en cours de la part de deux organes de contrôle. D’abord une enquête du comité P qui contrôle les services de police. C’est un lanceur d’alerte, policier à la zone, qui a dénoncé toute une série de dysfonctionnements présumés. On évoque l’absence d’organigramme et de profil de fonction, des irrégularités dans l’emploi des langues, des gardes à vue sans le contrôle d’un officier habilité ou encore le fonctionnement d’une Asbl créée au sein de la zone et dont les contours seraient assez flous.
Et puis il y a aussi , à la suite de nos révélations, l’auditorat du travail qui a ouvert une enquête pour des faits de harcèlement présumés. Une trentaine de policiers se sont manifestés et sont en train d’être entendus par des enquêteurs du comité P. Le dossier est pris très au sérieux nous explique-t-on a bonne source.
Un vote à l’unisson
Deux enquêtes en cours qui n’ont pas empêché le conseil de police d’autoriser la zone de police a déposé plainte contre X devant un juge d’instruction. " C’est normal et c’est l’honneur d’une démocratie de permettre à une zone de police de saisir la justice si elle se sent lésée "a expliqué l’échevin de l’enseignement Michel De Herde.
Certains se sont bien étonnés du manque d’éléments dont ils disposaient pour se positionner face à pareille démarche , notamment l’échevine écolo pour l'Egalité des chances Siham Haddiaoui. Ou encore certains membres de l’opposition, de se demander pourquoi on attendait pas le résultat des enquêtes du comité P et de l’auditorat du travail avant de déposer une éventuelle plainte en justice. Pas de quoi faire bouger les lignes néanmoins .
Et c’est donc à une écrasante majorité que le conseil de police a autorisé la zone à saisir la justice. Initiative qui a fait bondir plusieurs policiers de la zone Bruno. Dont cet inspecteur chevronné pour qui " c’est encore une fois le régime de la terreur et de l’intimidation qui est à l’oeuvre. Tout cela alors que les langues commencent à se délier ".