Tendances Première

La Wallonie, une région phare en matière d’écoconstruction

© Getty Images

Selon certaines études, le secteur des bâtiments représente près de 30% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. La solution, c’est l’éconstruction. Moins énergivore, plus respectueuse de l’environnement et des gens, elle permet aujourd’hui de mettre en avant une économie et une industrie locales, avec des matériaux renouvelables. Mais comment amener le particulier à se tourner vers ce modèle, comment amener le secteur de la construction à se détourner de pratiques anciennes ? Les pouvoirs publics favorisent-ils ce modèle de développement ? A quel prix construire ou rénover 'éco' ?

A l’occasion du salon Batireno qui se tient encore à Namur ces 22, 23 et 24 octobre, sur le thème 'construire et rénover avec l’énergie', rencontre avec quelques experts.
 

Bon pour la planète, bon pour les gens !

L’écoconstruction, c’est d’abord une écoconception, explique l’architecte Hubert Sauvage : le bioclimatisme, gérer la météo, le cadre bâti, les ombrages, les apports solaires, en maintenant un bâtiment bien organisé vis-à-vis de l’extérieur. On vise aussi l’efficacité énergétique, ainsi que l’utilisation de matériaux sains et de préférence locaux.

Depuis le début des années 2000, l’écoconstruction a connu une évolution marquante, précise Hervé-Jacques Poskin, directeur du Cluster Eco-construction, qui met les entreprises en commun pour faire avancer le secteur. Plus de 270 professionnels en font déjà partie.

Les techniques ont évolué, de la simple construction en bois éco du début, à l’isolation et à tout ce qui se trouve à l’intérieur de la maison.

"Enormément de produits qui n’étaient pas produits en Wallonie le sont maintenant. On est vraiment une région phare en Europe et on le sait trop peu. On est l’une des trois régions les plus éco en termes de matériaux, de systèmes, de production. Les matériaux produits chez nous sont non seulement performants écologiquement mais permettent de faire énormément de choses en construction."
 

Quand l’urbanisme coince

Nombreux sont ceux qui déplorent la difficulté à faire accepter les constructions éco par l’urbanisme.

C’est un problème que connaît bien l’ingénieur Vincent Mesdagh. Il a développé le concept de Wald Cubes, des petites habitations (25 à 110 m²) en bois préfabriquées, assimilées à l’habitat léger. L’isolation de paille, un matériau très simple, naturel et local, est particulièrement performante : aucun système de chauffage n’est nécessaire. Mais il essuie 95% de refus de la part de l’urbanisme.

"On a des centaines de personnes qui rêvent avec nous de Wald Cubes. Ils sont convaincus : c’est avec ça qu’ils veulent vivre. Ils veulent faire quelque chose de bien pour l’environnement, pour leur bien-être et pour leur portefeuille. Et ils n’y arrivent pas."

Les motifs de refus sont divers : il y a trop de bardage bois, la volumétrie n’est pas habituelle… "Et derrière tout ça, il y a aussi plein de stéréotypes. Ils ne comprennent pas que des personnes, consciemment, font le choix d’un petit habitat. Automatiquement, pour eux, un petit habitat en bois, ça va mal vieillir. Il faut rester dans le moule. Ils utilisent la loi pour refuser, mais avec des arguments qui sont très subjectifs finalement."
 

Oser autre chose que ce qu’on fait habituellement

Il y a quand même eu une évolution au niveau des règles urbanistiques, mais seulement dans certaines communes et dans certaines régions, ajoute Hubert Sauvage.

"Au niveau législatif, il y a encore souvent des freins. Il y a derrière le petit habitat des notions de marchands de sommeil, ces gens qui louent de petits habitats pas chers à une population compliquée, qui en revient au modèle du caravaning résidentiel. Et c’est ce danger qui fait peur aux communes. […] On peut comprendre certains points de vue, mais c’est un peu trop systématique, l’ouverture d’esprit n’y est pas encore."

L’écoconstruction ne concerne pas que le petit habitat et une partie du public a déjà bien évolué. Mais il reste encore d’autres freins, en dehors des problèmes d’urbanisme : les assurances, la sensibilisation et la formation des entreprises, des écoles. C’est tout le circuit qui doit être développé. Le politique a un rôle à jouer pour améliorer cette prise de conscience, par rapport aux marchés publics.

Oser autre chose que ce qu’on fait habituellement, c’est le message à faire passer.

Surtout quand on sait qu’en Wallonie, on prévoit la construction ou rénovation de plus d’1,2 millions d’unités de logements dans les prochaines années, et qu’à Bruxelles, 50% du bâti est et reste extrêmement énergivore.

 

Des primes plus élevées pour l’écoconstruction ?

Au niveau du gouvernement wallon, un cap politique vers l’écoconstruction est toujours attendu. Il est acté sur papier mais pas encore dans les faits. On n’avance pas assez vite, regrette Hervé-Jacques Poskin, mais l’urgence climatique est là !

30% des émissions de CO2 et des déchets dans le monde sont produits par l’acte de construire. C’est l’un des plus gros volumes, avant même le transport.

L’écoconstruction peut répondre à cette problématique. Certains déchets, comme les blocs de chaux-chanvre, l’isolant à base d’herbe ou de paille, peuvent être remis dans le circuit de production, recyclés ou utilisés pour amender les cultures. Sur chantier, il y a également très peu de déchets puisque les produits sont essentiellement préfabriqués en usine, dans des conditions parfaites de production. Le transport est également réduit.

Au niveau des primes, l’écoconstruction devrait donc être davantage valorisée et la non écoconstruction davantage taxée.

Hervé-Jacques Poskin pointe encore d’autres avantages de ce type de construction :

  • Quand on arrive dans une écoconstruction, on entre dans une maison déjà sèche, il ne faut pas chauffer pour l’assécher.
  • On fait les économies du double loyer, puisque la construction s’effectue beaucoup plus vite.
  • La maison est beaucoup plus isolée.
  • Le cadre de vie, la santé sont privilégiés.
     

 

Et le prix ?

"Oui, l’écoconstruction, c’est plus cher, admet Hubert Sauvage. Mais il y a des méthodes pour rendre cela moins cher. Le problème est de comparer des pommes et des poires. Au lieu de 1100€ du mètre carré pour une maison clé sur porte traditionnelle, on va tourner autour de 1400€-1500€. Mais on ne parle pas du tout de la même chose au niveau de confort à la fin ! Au niveau des matériaux, on atteint un niveau de confort et de résultats plus important."

En général, les trucs et astuces pour faire baisser un peu le prix, c’est un peu d’autoconstruction, c'est mettre la main à la pâte, c’est retrouver des surfaces un peu plus petites, voire phaser certaines interventions. Les personnes qui construisent de cette façon recherchent le confort, la qualité, quelque chose de sain.

Si certains matériaux restent chers, c’est parce que les entreprises qui les produisent sont jeunes, elles se lancent. Plus on construira avec des écomatériaux, plus les entreprises pourront baisser leurs prix. On est dans une phase transitoire.

Tous les matériaux sont certifiés, vérifiés, produits de façon professionnelle. Les ballots de paille sont calibrés. Il y a tout un réseau professionnel derrière. "On a quitté les bricolos des années 60-70 que l’on peut remercier d’avoir lancé le mouvement."
 


>> Rencontrez des professionnels formés à l’écoconstruction au salon Batireno qui se tient encore à Namur ces 22, 23 et 24 octobre.

>> Les journées portes ouvertes Ecobâtisseurs vous permettront de visiter des maisons écoconstruites, les 6,7, 11, 13 et 14 novembre.


 

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