La Wallonie doit-elle se doter d'un maître-architecte ?

Musée de Folklore de Mouscron, un exemple de bonne procédure en matière d'architecture, récompensé de nombreux prix

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Par Martin Bilterijs avec Maurizio Sadutto via

Erik Wieërs, est "bouwmeester" de la Région flamande, traduction : "maître-architecte". Une fonction qu'il va occuper en tout pendant 5 ans, avant de laisser la place à son successeur. Son domaine d'activité ? Tous les nouveaux projets de bâtiments publics de Flandre passent entre ses mains et celles de son équipe. Ils accompagnent les autorités publiques dans l'élaboration d'une nouvelle école, d'une nouvelle gare, d'un nouveau musée : 

"Je dirige une équipe de 15 personnes. Leur rôle est de prendre en charge des projets et la plupart des membres de l'équipe travaillent déjà depuis des années pour le bouwmeester. Au total, j’aime à dire qu’il y a 150 années d’expérience dans cette équipe. Et certains ont même déjà vécu tous les bouwmeesters qui ont existé jusqu’à aujourd’hui."

Une des volontés affichées de cette fonction est d'établir une cohérence architecturale publique dans toute la région, même si cela va prendre du temps :

"Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il y a une cohérence architecturale en Flandre. Mais en vingt ans, près de trois cent projets ont abouti. Ca peut changer les choses dans un petit village, avec une nouvelle bibliothèque, ou quoi que ce soit d’autre. Les gens sont confrontés à une nouvelle identité de l’architecture, et cela peut relever le débat. Et ça aide à établir une culture. On voit clairement cette culture dans la manière dont les gens sont intéressés par l’architecture. C’est cela qui a vraiment changé ces dernières vingt années en Flandre."

Erik Wieërs, "bouwmeester" flamand
Erik Wieërs, "bouwmeester" flamand © Tous droits réservés

Ce qui est également intéressant, c'est que son équipe et lui-même organisent des concours d'architecture entre différents bureaux. Concours qui permettent de désigner les lauréats à qui l'on va remettre les projets. Erik Wieërs :

"Pour la plupart des projets, nous recherchons des architectes. Et donc nous organisons un concours, avec 3,4,5 bureaux. Nous donnons notre avis et nous aidons à poser les questions les plus pertinentes, mais aussi à établir une communication et organiser le débat entre ces différents projets. Mais finalement, c’est la commune qui va choisir l’architecte."

Et il ne s'agit pas toujours de l'architecte le plus expérimenté. Dans l'optique du maître-architecte, on donne beaucoup de valeur aussi aux idées innovantes qui apportent des solutions :

"Ce qui est important, dans les concours, c’est de permettre à des candidats sans grande expérience d’y participer. Afin de donner leur chance aux jeunes. Et on voit souvent quand on fait, par exemple, un bureau de police, qu’il y a des candidats qui en ont fait vingt et d’autres qui n’en ont jamais fait. Mais ce n’est pas pour cela que les candidats les plus expérimentés vont gagner le concours. Dans beaucoup de cas, ce sont les jeunes architectes qui gagnent le concours, grâce à leurs idées très créatives."

Des bonnes procédures pour un meilleur résultat

Autre avantage : la participation. Tout se fait à l'écoute des utilisateurs, des habitants, bref, de ceux qui vont vraiment faire vivre les nouveaux lieux et qui paient de leurs deniers ces bâtiments publics.

Un exemple tout récent s'est illustré en Wallonie avec l'inauguration du tout nouveau musée du folklore de Mouscron. Ici, pas de bouwmeester, c'est la cellule architecture de la Fédération Wallonie-Bruxelles qui a supervisé sa création.

La recette de ce succès : une directrice, un architecte lauréat et une administration responsable. Le respect de cette procédure a fait émerger un projet innovant, et malgré tout ancré dans le passé de la commune. Un projet à la fois réaliste et ambitieux, avec une touche de créativité. Depuis son inauguration, ce musée a reçu de nombreux prix.

La plus-value, c’est cet accompagnement qui va permettre de poser une question claire, professionnellement décrite, et pas une espèce d’ambition irréaliste qui n’est pas incarnée par des données claires.

Par le passé, les constructions publiques en Belgique ont pu essuyer quelques plâtres. Pour ceux qui s'en souviennent, l'émission-culte "le Journal des Travaux Inutiles" en faisait le constat doux-amer. De nombreux édifices y étaient passés en revue, laissés à l'abandon ou peu utilisés en fonction d'un aspect ou l'autre de leur élaboration qui n'avait pas été pris en compte.

Chantal Dassonville, responsable de la cellule architecture de Wallonie
Chantal Dassonville, responsable de la cellule architecture de Wallonie © Tous droits réservés

Responsable de la Cellule Architecture de Wallonie, Chantal Dassonville nous explique tout l'intérêt de ces procédures : 

"Dans un certain nombre de projets qui n’ont pas pu bénéficier de cet accompagnement, on est parti sur de mauvaises bases, avec des projets pas bien étudiés, des budgets pas bien calibrés, etc. et que dès lors on s’est pris le mur à chaque étape, avec des permis qui s’éternisent, avec des maîtres d’ouvrage qui hésitent, parce que quand le budget d’une commune explose, c’est compliqué. La plus-value, c’est donc cet accompagnement qui va permettre de poser une question claire aux équipes lauréates, professionnellement décrite, et pas une espèce d’ambition irréaliste qui n’est pas incarnée par des données claires."

Pourquoi un bouwmeester en Wallonie ?

La Région flamande s'est dotée d'un bouwmeester dès 1998, la Région bruxelloise lui a emboîté le pas en 2009. En Wallonie, c'est la Cellule d'Architecture qui accomplit les mêmes tâches que ces maîtres-architectes. Dès lors, quel intérêt y aurait-il à en désigner un dans le sud du pays ?

Chantal Dassonville nous répond : 

"La différence, à un moment donné, c’est vraiment qu’il y a une personne qui doit incarner le rôle. Il y a une figure de proue. C’est un peu comme ça, en matière de communication. Il y a toujours quelqu’un qui porte un discours, qui incarne un sujet. Et ça c’est un peu la force des deux bouwmeesters flamand et bruxellois, évidemment. C’est qu’il y a cette figure à laquelle, à la fois les autorités publiques et à la fois le secteur se réfèrent, et se reconnaissent."

L'entrée en fonction d'un maître-architecte en Wallonie semble donc être la prochaine étape, pour qu'une vision à la fois plus réaliste, plus ambitieuse et plus créative de l'architecture publique perdure. Affaire à suivre…

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