La seconde édition du Concours Reine Elisabeth consacrée au violoncelle bat son plein. Nous connaissons maintenant les 12 finalistes qui se produiront sur la scène de Bozar la semaine du 30 mai prochain. Pour vous faire patienter durant une semaine, Clément Holvoet vous pose la question "La viole de gambe est-elle l’ancêtre du violoncelle ?".
Pour répondre à cette question, il faut remonter le temps jusqu’à la fin du XVe siècle. C’est à ce moment que l’on date la naissance de la famille des violes de gambes. Sauf que c’est presque en même temps (un peu plus tard à dire vrai) que l’on date la naissance de la famille des violons. Ceci répond donc partiellement à la question : la viole de gambe n’est PAS l’ancêtre direct du violoncelle – qui appartient donc à la famille des violons. Contrairement à une idée reçue, la famille des violes de gambe et la famille des violons sont deux familles d’instruments distinctes qui ont gentiment coexisté mais qui ne se confondent pas. Pour être précis, la famille des violes disparaît avant sa cousine, la famille des violons. Fin XVIIIe, en réalité, c’en était fini pour les violes.
Il faut alors attendre le renouveau de l’engouement pour la musique baroque sur instruments anciens pour voir réapparaître les violes, vers la fin du XXe siècle. La viole de gambe se place entre les genoux, comme son nom l’indique, gamba étant le mot italien pour jambes. Un petit air de famille avec le violoncelle, qui se place aussi entre les jambes.
La forme aussi est, grosso modo, ressemblante. Mais les différences sont nombreuses ! La première, de taille, est que le manche de la viole de gambe est parsemé de frettes, c’est-à-dire de barrettes de métal placées à intervalles réguliers, le long du manche, pour délimiter l’emplacement des notes. C’est exactement ce qu’on retrouve sur toutes les guitares.
Sur le violoncelle, même si les instrumentistes le souhaiteraient peut-être parfois, il n’y a pas de frettes. Le manche est lisse et dépourvu de repères. L’emplacement des notes doit s’apprendre avec l’habitude et le travail. Autre différence majeure entre la viole de gambe et le violoncelle : le nombre de cordes. Elles sont au nombre de quatre sur le violoncelle, et six pour la viole de gambe, même parfois sept pour la basse de viole. Car, comme pour la famille des violons, celle des violes de gambes a aussi plusieurs membres, de la plus aiguë à la plus grave. Celle qui se rapproche le plus du violoncelle étant la basse de viole ou viole de gambe basse.
Notez bien que toutes ces violes de gambes, qu’importe leur taille, se jouent entre les genoux. En somme, la viole de gambe n’est donc pas l’ancêtre du violoncelle, et se révèle finalement plus proche du luth ou de la guitare, mais avec un archet évidemment, ce qui permet de jouer des sons tenus. La tête de l’instrument était généralement sculptée pour y présenter un visage humain, pour évoquer le fait que l’instrument se rapprochait fortement de la voix humaine.
Le grand maître de la musique pour viole de gambe, c’est un certain Marin Marais, dont la vie est contée par Alain Corneau dans son chef-d’œuvre cinématographique "Tous les matins du monde" d’après le roman éponyme de Pascal Quignard.